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Sur les barrages, les routiers espèrent entraîner d’autres secteurs dans la lutte

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Lien publiée le 26 septembre 2017

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Après deux journées de mobilisation interprofessionnelle contre les ordonnances, les 12 et 21 septembre, les transporteurs routiers ont entamé lundi matin un mouvement de grève reconductible accompagné d’actions. Blocages et barrages filtrants ont fleuri sur l’ensemble du territoire. Dans les Bouches-du-Rhône, les conducteurs ont bloqué un site détenu par Total, sans être délogés par les forces de l’ordre, contrairement à d’autres lieux en France. Le mouvement parviendra-t-il à monter en puissance ? Reportage.

« Plus je vieillis, moins je gagne », lance Hervé. La cinquantaine, chasuble rouge de la CGT sur le dos, il a 25 ans de route dans les pattes, et le sent dans son corps. Les entreprises de transport n’ont pas attendu les ordonnances du gouvernement Philippe pour tirer la couverture à elles. « Ce qui fait notre salaire, ce sont les heures supplémentaires », explique ce conducteur de matières dangereuses.

Son salaire brut est de 10 euros de l’heure. Au-delà de la durée légale du travail fixée à 151 heures par mois, ses heures supplémentaires sont majorées de 25 %, et même de 50 % passé le seuil des 186 heures. Avec 200 heures garanties par son contrat de travail, il est assuré d’un revenu compensant la pénibilité de son activité : « Ceux qui transportent les carburants commencent à 3 heures du matin ». Les journées sont longues avec de grandes amplitudes horaires, explique-t-il.

Lente dégradation des conditions de travail

« Les nouveaux embauchés ont des contrats de 182 heures », et des salaires plus faibles. Une des raisons expliquant pour lui que les jeunes ne restent pas dans le métier. Même pour les anciens comme Hervé, le revenu a tendance à baisser. Certaines compensations ont été modifiées défavorablement, et les heures effectuées ont tendance à être lissées d’une semaine à l’autre pour réduire les majorations. La nouvelle loi travail lui fait craindre le pire.

Avec une cinquantaine de grévistes de la CGT et de Force ouvrière (FO) – les deux syndicats ayant initié cette journée de mobilisation – il bloque l’entrée du dépôt de carburant de La Mède, à l’ouest de Marseille. Moins imposant que le site de Fos-sur-Mer, situé à une dizaine de kilomètres, le dépôt appartenant à Total emploie près de 300 personnes. Dès 4h30 du matin, le dispositif est en place. Quatre camions-citernes sont arrêtés au milieu de la route, entre le rond-point menant à l’autoroute et l’entrée du dépôt. Plus aucun bahut ne passe.

Une poignée de militants CGT de Total se sont joints aux routiers et fournissent le café pour cette première journée de grève. « Si nous ne sommes pas délogés par la police, aucun camion ne sortira aujourd’hui », lâche un syndicaliste. À l’intérieur, à l’heure où les camions-citernes sont habituellement en cours de remplissage, l’activité tourne au ralenti. « Les collègues sont tranquilles, ils attendent », s’amuse un des rares salariés en grève du site.

Construire la mobilisation

Ce matin, ce sont principalement les conducteurs de matières dangereuses qui sont en action. Déjà mobilisés cette année pour obtenir la reconnaissance des risques liés à leur chargement, ils sont plus sensibilisés que le reste de leurs collègues. En plus du blocage du dépôt de La Mède, deux autres actions ont lieu en même temps dans les Bouches-du-Rhône. Une à Port-de-Bouc et l’autre à Gignac, devant deux grosses entreprises de la région : Charles André et XPO. Là, pas de blocage, mais un filtrage et des tracts distribués aux chauffeurs.

« Nous devons encore construire la mobilisation », assure Yann Maneval de la CGT. « Nous avons peut-être franchi les étapes un peu rapidement », s’interroge le secrétaire de l’union départementale des Bouches du Rhône. La mobilisation est au rendez-vous, mais pas exceptionnelle pour le moment.

Une tendance qui semble se confirmer dans le reste du pays. Une quarantaine d’actions sont en cours devant des raffineries, des centres logistiques ou des axes de circulation. Fabrice Michaud, le secrétaire fédéral de la CGT Transport est venu de la région parisienne pour prêter main-forte à ses collègues pour les premiers jours du mouvement. Son téléphone portable ne quitte presque pas son oreille depuis cinq heures du matin. « Les deux dépôts de La Rochelle sont bloqués. Dunkerque, Valenciennes et Rouen aussi. La région parisienne se met en place », se réjouit-il vers six heures. Un peu plus tard, l’annonce de l’intervention de la police pour empêcher plusieurs barrages ne l’ébranle pas. Il reste optimiste, du moins en façade.

Syndicalistes et gouvernement placent leurs pièces sur l’échiquier

Comme dans une partie d’échecs, syndicalistes routiers et gouvernement ont placé leurs pièces sur l’échiquier. Blocage d’un côté, déploiement de CRS de l’autre. Maintenant, il s’agit de penser au coup suivant. À La Mède, le blocage tient. Pas une goutte de carburant n’est sortie du dépôt. Demain, les routiers reconduiront la grève et se déploieront de nouveau, ici ou sur un autre site du département. Ailleurs, « des dockers devraient rejoindre les routiers », laisse entendre Fabrice Michaud, tout en restant évasif sur les sites concernés. Peut-être au Havre où le port a été bloqué en matinée les 12 et 21 septembre.

D’où pourraient venir les renforts attendus ? Peut-être d’autres chauffeurs, notamment dans le transport de voyageurs laisse entendre un militant de FO. Les raffineries ? Tous les grévistes y pensent en se levant le matin, et espèrent que l’appel à renforcer la lutte lancé par la CGT dans la pétrochimie soit suivi d’effet. Mais les salariés du raffinage ont déjà beaucoup donné pendant la lutte contre la loi El Khomri.

« Nous nous inscrivons dans la durée pour élargir le mouvement et avoir un impact sur l’économie. Nous privilégions l’encrage dans les entreprises », résume le responsable de l’union départementale CGT. Pourtant, la durée est limitée par le calendrier du gouvernement qui compte clore le dossier rapidement, au plus tard trois mois après la publication des ordonnances au Journal officiel, intervenue samedi 23 septembre. Le projet de loi de ratification devrait être présenté à l’Assemblée nationale à partir du 20 novembre pour une adoption définitive début 2018. Entretemps, une vingtaine de décrets d’application seront publiés.

Si la mobilisation ne bouscule pas rapidement la réforme, Yann Maneval imagine mal un nouveau rebond de la lutte au sein des entreprises. Pour lui, s’il y a regain de mobilisation, ce sera sur les prochains chantiers du gouvernement : l’assurance-chômage et les retraites.

Stéphane Ortega

Photo : barrage à Donges, près de Saint-Nazaire, en mai 2016 lors de la mobilisation contre la loi El Khomri © Laurent Guizard / Basta !

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