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Au PCF, la révolte des trentenaires contre Pierre Laurent gronde
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Plusieurs cadres nationaux et locaux signent un texte virulent contre le secrétaire national du Parti communiste, à neuf mois du congrès.
Ce n’est pas (encore) une déclaration de guerre. Mais plutôt un coup de semonce, un avertissement adressé à la direction du Parti communistefrançais (PCF). A neuf mois de son congrès extraordinaire, plus d’une trentaine de responsables nationaux et locaux, âgés entre 22 ans et 45 ans dont une grande majorité de trentenaires, ont signé une « contribution collective ». Intitulé « C’est le moment ! », long de trois pages, ce texte veut « poser les bases d’un communisme du XXIe siècle » et « révolutionner » le PCF, « sa stratégie et son organisation ».
Les signataires rassemblent « toutes les sensibilités du parti », ceux pour une alliance avec La France insoumise et ceux qui sont contre. Parmi eux, l’on remarque certains noms comme ceux d’Ian Brossat, 37 ans, adjoint à la Mairie de Paris en charge du logement et membre de la direction ; Igor Zamichiei, 32 ans, également membre de la direction, chargé du projet, et secrétaire de la fédération de Paris ; Anne Sabourin, 33 ans, qui s’occupe des questions européennes place du Colonel-Fabien ; ou encore Nicolas Bonnet-Oulaldj, 43 ans, président du groupe PCF au Conseil de Paris.
« Recul »
Ces jeunes cadres ne mâchent pas leurs mots. Leurs reproches adressés à Pierre Laurent, qui dirige le parti depuis 2010, sont clairs : le PCF a failli par manque de vision stratégique et par un effacement face aux autres forces politiques de gauche. A un peu plus d’un an des élections européennes, ils appellent à faire « lucidement le bilan de [leurs] difficultés pour les dépasser ». Le but : le PCF doit « passer à l’offensive politique » et redevenir « une force politique nationale influente ». « Notre parti perd pied dans la vie politique nationale, tranchent ainsi les signataires. Notre recul de plusieurs centaines de milliers de voix aux dernières élections législatives et le caractère inaudible de nos décisions nous conduisent à une marginalisation que la recomposition politique en cours peut rendre durable. »
Ils dénoncent encore pêle-mêle « les difficultés stratégiques [qui] débouchent sur un gâchis d’énergie. Un doute se répand sur l’utilité de nos actions militantes. Nous avons souvent un coup de retard ». Ces trentenaires demandent « un cap politique national clair, des objectifs réalistes mais ambitieux ». Ils souhaitent recréer un rapport de force en leur faveur pour pouvoir ensuite bâtir des alliances où le PCF ne serait pas traité comme un simple supplétif, mais comme un partenaire à part entière. « On perd pied. Nous ne sommes pas audibles, on subit l’agenda, on est absent des médias. En interne, il y a une volonté de ne pas affronter les débats, peu de prises de risques… On ne doit pas reconduire les mêmes erreurs », insiste Nicolas Bonnet-Oulaldj.
Vifs échanges
Difficile de ne pas voir dans ce réquisitoire une attaque en règle du bilan de Pierre Laurent − dont certains signataires sont comptables puisqu’ils ont participé à la direction du parti − et une manière de mettre la pression sur lui avant le congrès de novembre 2018 où l’ancien journaliste devrait briguer un nouveau mandat de secrétaire national. Ce rendez-vous est présenté comme le moment où la formation de gauche doit repenser son « action et ses ambitions » et « revoir ses orientations et sa stratégie de rassemblement et d’alliances ».
Dans une telle temporalité, les signataires savent qu’il est délicat d’apparaître comme des « frondeurs » qui veulent « diviser » un parti déjà en crise. Pas question, selon eux, de se lancer contre Pierre Laurent au congrès. Et tous jurent donc ne pas avoir le secrétaire national en ligne de mire. « On ne cible pas Pierre Laurent. La responsabilité est collective », assure Igor Zamichiei, présenté par tous comme la cheville ouvrière du texte. Ian Brossat abonde :
« On ne fait aucun procès d’intention. On ne va s’embarquer dans une bataille contre Pierre Laurent. On a de l’estime pour lui. Notre question principale est de refaire du PCF une force qui compte. Les communistes n’ont pas vocation à être les seconds couteaux. »
M. Zamichiei le jure : « Pierre Laurent ne l’a pas pris comme une attaque. » Voir. Car, en off, l’entourage du secrétaire national fulmine contre cette initiative. Ses proches y voient « un nouveau coup » porté par « la fédération de Paris » (dont de nombreux signataires sont issus). Ajoutez à cela de « vifs échanges » lors du dernier conseil national, les 9 et 10 février, autour de l’organisation du congrès, et vous aurez tous les ingrédients pour raviver les tensions internes. « La démarche est assez habile, car le texte énumère des insatisfactions et des attentes fortes qui existent. Mais ils n’apportent aucune solution. Tous ces sujets seront abordés lors de la préparation du congrès », affirme un dirigeant qui souhaite conserver l’anonymat. Ce dernier continue, en désignant Igor Zamichiei comme chef de file des jeunes « contestataires » : « La crispation vient de Paris, ce n’est pas nouveau. Mais leur texte, c’est l’alliance de la carpe et du lapin. »
Le Parti communiste est aujourd’hui dans une situation délicate. Mis sous la pression de La France insoumise, ses membres sont profondément divisés quant à la stratégie à adopter face à Jean-Luc Mélenchon. Certains sont partisans − comme les députés Marie-George Buffet, Sébastien Jumel ou Stéphane Peu − d’une alliance électorale avec l’ancien socialiste. D’autres sont farouchement contre, comme André Chassaigne, le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale. Le congrès est l’occasion de trancher cette question. Avec une certitude : quelle que soit la décision, une partie de l’appareil sera mécontente.