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C’était la panique dans le 16e arrondissement

Gilets-jaunes

Lien publiée le 10 décembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.streetpress.com/sujet/1544300784-panique-16e-arrondissement

Ce samedi 8 décembre, la manifestation des gilets jaunes fait beaucoup parler d’elle dans le 16ème arrondissement de Paris. Magasins barricadés et sorties limitées, les violences inquiètent les riverains.

Paris – 16e arrondissement. « C’est à cause des journalistes toute cette merde là ! Connards ! », peste une vieille dame à lunettes promenant son chien avant de rentrer chez elle. Yves, un grand gaillard en parka témoin de la scène est à peine surpris par ses propos : 

« Il y a pas mal de stations fermées, c’est emmerdant. »

Dans le 16ème arrondissement de Paris, riverains et badauds vivent la manifestation des gilets jaunes par procuration. Mais les violences de la semaine dernière ont laissé des traces. Laurence, avocate coquette et riveraine, est encore traumatisée par ce qu’elle a vu la semaine dernière : 

« Dans la parfumerie au bout de la rue, une jeune femme a dû faire face aux casseurs. Elle n’a eu qu’une seconde pour fermer la porte de son magasin. Ils s’apprêtaient à piller le magasin. Je l’ai vu le lendemain : elle était traumatisée. »

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Bienvenue dans le 16 / Crédits : Rémi Yang

MÊME PAS PEUR

Une quinzaine de gilets jaunes passe devant Yves. Ils essaient de rallier les Champs-Elysées à pied. Malgré le désagrément, ce chef d’équipe en sécurité incendie assure comprendre « les gens qui manifestent contre la “chérité” de la vie. Ils sont en colère » : 

« J’ai peur pour la jeunesse, qui n’a aucun débouché. »

La semaine dernière, le quartier ressemblait à un véritable champ de batailles. Vitres brisées, magasins pillés, voitures brûlées… Les affrontements entre la police et les manifestants ont duré jusque tard dans la nuit. Mais l’homme n’a pas peur de la casse. Il dit même comprendre ceux qui s’en prennent aux boutiques de luxe ou aux banques : 

« Ceux qui manifestent ce sont les jeunes. J’ai fait la grève Devaquet en 1986, quand Chirac était ministre de Mitterrand. On était sorti dans la rue pour manifester lourdement. On avait tout cassé sur le boulevard Saint Michel. J’étais dedans… »

« …Sans rien casser », ajoute-t-il avec gourmandise. Tout près de là, Catherine, gardienne d’immeuble, vient de sortir de chez elle pour chercher son courrier. D’une voix timorée, elle commente : 

« Ici, c’est vraiment le rassemblement des gens qui sont survoltés. La semaine dernière, les riverains ont surtout eu peur que ça vienne dans les rues adjacentes. Pour aujourd’hui, il y a toujours une petite crainte. Mais on s’est mieux préparés, beaucoup de magasins sont fermés… j’espère que ça ne sera pas trop chaud, quoi. »

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Combo magique / Crédits : Rémi Yang

SCÈNE DE GUERRE

Aux alentours de 10h du matin, il n’y a pas âme qui vive dans le nord-ouest parisien. Rencontré dans l’une des rues adjacentes à la place du Trocadéro, Henry, 85 ans, fait le tour du quartier. « C’est assez désert, constate-t-il. Il y a eu un peu de casse huit jours plus tôt, mais ça a l’air tout à fait calme. » Un hélicoptère passe au-dessus de sa tête. « Ça m’inquiète tout de même un peu », confie-t-il avant de repartir.

Quelques heures plus tard, en début d’après-midi, l’ambiance change du tout au tout. Une dizaine de fourgons de CRS passent en trombe dans le dos de Christiane, 70 ans. « Ce n’est plus une manifestation de rue, c’est une sorte de guerre ! », lance la Parisienne. Elle ne peut s’empêcher de se souvenir de samedi dernier : 

« C’était effroyable ce que j’ai vu en voulant rentrer chez moi. Des magasins pillés, des voitures incendiées… Les gens dépassaient les bornes de ce qui est possible de faire en manifestation. Ça n’a plus rien à voir avec des revendications sociales ! ».

Quant à ses plans pour aujourd’hui, ils sont tous tombés à l’eau. « J’allais au Trocadéro pour une conférence, c’est fermé. Je voulais passer à la bibliothèque pour consulter quelques livres, mais elle est fermée », regrette-elle. Des sirènes retentissent. L’honorable vieille dame se lamente : 

« Écoutez ce bruit. Je vais devoir rentrer chez moi en montrant trois ou quatre fois ma carte d’identité, et même subir une palpation si ça se trouve. Certains de mes amis sont terrés chez eux, ils ne veulent pas sortir aujourd’hui. »

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Cartons sur vitrines / Crédits : Remi Yang

« LE VISAGE DÉFIGURÉ PAR LA HAINE »

Dans le quartier d’Auteuil, les clients du kebab « Le buffet d’Auteuil » ont les mains dans les frites et les yeux rivés sur CNews. Deux télés retransmettent en direct la manifestation. Ça commence à chauffer sur les Champs-Elysées. Des poubelles crament, des barricades sont en construction, et les flics commencent à envoyer les lacrymos. « C’est chaud ! », commente un client, la tête dans les mains.

Un autre, pourtant sur le départ, se plante au milieu du restaurant devant les images de « guérilla urbaine ». Maxime, Kévin, et Christine, la trentaine, posent leurs plateaux et s’installent. Entre chaque croc, ils commentent le direct comme un match de foot, tantôt supporters des bleus, tantôt supporters des jaunes. Florilège : 

« Ils sont chauds les flics aujourd’hui »
« Oh putain les cars de CRS ! »
« Là c’est des mecs entraînés ! Oh putain un lacrymo. Faut qu’ils fassent gaffe à pas se faire encercler. Voilà ! Voilà ! ».

LE 16ÈME A PEUR

La manifestation s’enflamme. De quoi inquiéter Laurence, avocate de 65 ans, qui a plutôt mal vécu les émeutes de samedi dernier. « Moi je me suis enfermée dans mon bureau toute la journée. Il n’y avait pas un policier ! J’ai vu des gens qui étaient extrêmement inquiets et paniqués. » Aujourd’hui, elle craint que des personnes mal intentionnées viennent saccager une nouvelle fois son quartier. Très coquette dans son manteau vert à la capuche bordée de fourrure, le brushing parfaitement soigné, Laurence tient le même discours que la plupart des habitants du quartier. « Je comprends la révolte, nos enfants n’auront pas de travail, ils n’auront pas de quoi se nourrir ni se loger », concède-t-elle : 

« Cela dit, cette violence est inacceptable. Elle frappe les gens qui essaient de travailler et c’est d’une injustice totale. »

Avant de rentrer se cloîtrer chez elle, elle partage une dernière anecdote : 

« J’ai essayé de rentrer de province la semaine dernière, et je me suis faite arrêter par un barrage de gilets jaunes sur l’autoroute. Les femmes avaient leur visage défiguré par la haine. »