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Algérie. 115e vendredi du mouvement populaire: le Hirak s’insurge contre la répression

Algérie

Lien publiée le 2 mai 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://alencontre.org/afrique/algerie/algerie-115e-vendredi-du-mouvement-populaire-le-hirak-sinsurge-contre-la-repression.html

Par Mustapha Benfodil

D’aucuns s’interrogeaient comment allait se dérouler ce 115e vendredi du Hirak après la répression qui a frappé la manif des étudiants à la place des Martyrs à Alger, mardi 27 avril, avec, à la clé, des interpellations à la pelle. Au final, la marche hebdomadaire a pu se tenir, globalement, dans le calme.

Cependant, dès 16h, les forces de police sont intervenues avec autorité à Alger-centre et ont chargé les manifestants avec brutalité. Les citoyens présents dans le périmètre de la place Audin et sur le bas de la rue Didouche-Mourad ont été matraqués sans ménagement, et de nombreuses interpellations ont été opérées dans la foulée.

Ces scènes de violence sont emblématiques du traitement que réservent les autorités depuis quelques semaines à l’opposition hirakienne. Ce vendredi saint du mouvement populaire, le troisième depuis le début du Ramadan et le onzième depuis la reprise des manifestations citoyennes dans l’espace public après la longue trêve sanitaire, intervient ainsi dans un contexte extrêmement tendu marqué par une nouvelle campagne d’arrestations ciblant les hirakistes.

Mais malgré ce contexte difficile, Alger a vibré une nouvelle fois ce week-end sous les cris et les clameurs rageuses des protestataires dénonçant les violences policières, les législatives et, plus globalement, la feuille de route du président Tebboune, et exigeant le départ du «système».

Le hirak algérois a été de nouveau porté cette après-midi par les vagues populaires impétueuses en provenance de Bab El Oued, de la Casbah et de la banlieue ouest de la capitale qui sont venues fusionner aux abords de la Grande Poste et la Fac centrale avec les flots de la rue Didouche Mourad et ceux en provenance de Belcourt et de la Place du 1er Mai.

A noter qu’à Alger-centre, le cortège qui a pris son départ depuis la mosquée Errahma et la rue Victor Hugo, et qui affichait un niveau de participation inférieur aux vendredis précédents, s’est ébranlée beaucoup plus tôt que prévu, vers 13h10, la prière du Vendredi ayant été expédiée avec une étonnante célérité.

Ce que l’on peut retenir d’emblée dans ce nouveau round qui intervient la veille de la Fête du 1er Mai c’est, au premier chef, et comme nous le disions, la dénonciation à l’unisson de la répression qui s’abat sur les opposants, les activistes et les journalistes. «Libérez les otages», «Harrirou el mouâtaqaline» (libérez les détenus) ont été scandé à plusieurs reprises par les marcheurs. Ces deniers s’époumonaient également en répétant ce serment: «Ya el mouâtaqaline maranache habssine» (Prisonniers, on ne s’arrêtera pas).

«Le recours à la violence est un aveu d’échec»

Sur les pancartes brandies, l’appel à la libération inconditionnelle des militants et citoyens injustement incarcérés était clairement le thème dominant. «Liberté pour les prisonniers», «Libérez les détenus politiques», «La Liberté pour les hommes libres» pouvait-on lire sur nombre d’entre elles. Dans le même registre, les manifestants ont dénoncé avec énergie la vague de violence sécuritaire et judiciaire qui cible les hirakistes: «Police partout, justice nulle part», écrit un étudiant.

Un homme d’un certain âge défilait avec cette pancarte: «La propagande du pouvoir a échoué et c’est la répression qui a pris le relais. Mais rien n’entamera notre détermination». Une dame assène: «Le recours à la violence est un aveu d’échec». On pouvait remarquer en outre cette large banderole déployée par un carré de manifestants en soutien à notre confrère de Liberté (Le droit de savoir, le devoir d’informer), Rabah Karèche, en détention provisoire à Tamanrasset: «La liberté d’expression n’est pas un crime».

Les manifestants ont également dénoncé avec vigueur l’intervention musclée de mardi dernier, à Alger, pour faire avorter la marche des étudiants. «Haggarine ettalaba» (Oppresseurs des étudiants) ont entonné plusieurs fois les marcheurs. Il y avait aussi ce mot d’ordre qui revenait: «N’har ethlatha maâ ettalaba» (Mardi avec les étudiants).

Il convient de signaler au passage la présence dans la marche d’aujourd’hui de nombre d’étudiants parmi ceux qui ont été interpellés mardi dernier, une façon de signifier qu’ils ne se laisseront pas intimider. «Mardi prochain, il faut que les gens nous rejoignent en force», insiste l’un d’entre eux.

En écho à la Journée internationale des Travailleurs qui sera célébrée demain, il y avait, au cours de ce 115e Vendredi, également des revendications à caractère social exprimées à travers les messages écrits. «Pour un syndicat libre», proclame une jeune militante. Un hirakiste martèle: «Le syndicat est un droit, pas une faveur».

Une activiste formulait cette réflexion: «L’action syndicale est la base de la justice sociale». Sur une large feuille de papier Canson, une manifestante écrit de son côté: «L’emploi, l’accès au logement, droit d’accès à la santé et à l’éducation». La jeune femme précisera que la santé comme l’éducation doivent être «gratuites et de qualité».

Une pensée émue pour Maître Ali Yahia Abdennour

Autre fait marquant: la silhouette bienveillante de Maître Ali-Yahia Abdennour – Allah yerahmou – était bien visible dans les cortèges. Un hommage appuyé a été, en effet, rendu au doyen des défenseurs des droits humains qui nous a quittés dimanche dernier à l’âge de cent ans, et plusieurs manifestants brandissaient affectueusement son portrait.

Mohamed, l’un des hirakistes les plus classe, connu pour ses pancartes remarquablement soignées, affichait une bannière assortie de ces mots: «Merci pour tout Maître Ali Yahia Abdennour. Le combat pour la dignité continue».

Comme nous l’indiquions, la marche de ce vendredi au cours de laquelle les manifestants, comme toujours, ont défilé dans le calme et en toute «silmiya», a été brutalement dispersée par la police moins de trois heures après le début des manifs.

«Marche pacifique violemment dispersée dès 16h à Alger. Plusieurs interpellations des manifestants pacifiques à la fin de la marche à Alger et dans plusieurs wilayas du pays. Halte à la répression, la LADDH dénonce et rappelle le respect du droit», a réagi la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme à travers sa page Facebook.

La grande majorité des personnes interpellées, faut-il préciser, ont été relâchées. Nous y reviendrons. (Article publié sur le site d’El Watan, le 30 avril 2021)