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Anasse Kazib: "Pourquoi ma pré-candidature dérange l’ancienne majorité du NPA ?"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Depuis plusieurs jours, l'ancienne majorité du NPA a démarré une campagne contre Révolution Permanente et ma personne suite à la démarche entamée autour de ma pré-candidature. Derrière ces attaques se cachent en réalité une volonté d’éluder les débats stratégiques qui président à la création même du NPA : celui de la nature du parti qu’il nous faut.
D’où vient la crise ?
La crise du NPA ne date pas de l’annonce de ma pré-candidature, mais elle vient en réalité de très loin. En effet, moins de 3 ans à peine après sa fondation, le parti était déjà tiraillé en interne entre différentes stratégies politiques. Ainsi, un article de Libération le 27 Juin 2011 titrait déjà « Au bord de l’implosion, le NPA désigne Poutou candidat pour 2012 ». L’article précisait encore que « Près de trois ans après sa fondation, le NPA file droit se fracasser sur la présidentielle ». Pierre Francois Grond, un dirigeant historique de l’ex-LCR expliquait même : « On ne peut pas passer de 9300 à 3000 votants en disant que tout va bien ». En somme, la crise du NPA est une longue histoire qui n’a aucunement pour point de départ la démarche de pré-candidature que nous avons versée au débat avec les camarades du NPA – Révolution Permanente. Que des camarades de l’ex-majorité du NPA mènent une campagne publique contre ma pré-candidature et le courant dans lequel je suis organisé, multiplient les motions, voir demandent l’exclusion du parti des camarades de Révolution Permanente et de moi-même, ne vise ni plus ni moins qu’à noyer le débat de fond qui est bien stratégique.
Il est donc mensonger de faire croire qu’une « pré-candidature » agiterait autant le parti. En réalité, ce qui agite aujourd’hui le parti comme cela l’a été en 2011, ce sont des désaccords politiques sur la trajectoire à prendre. Pour notre part, nous défendons au sein du NPA l’idée qu’il existe aujourd’hui les bases objectives pour un dépassement de la crise de l’organisation, pour une refondation autour de l’idée d’un parti révolutionnaire des travailleurs, en lien avec notre analyse de la situation politique et notamment de l’émergence d’une nouvelle génération ouvrière, dans le cadre de la nouvelle vague de la lutte de classes ouverte en 2016 avec la Loi Travail, puis accélérée depuis 2018 avec les Gilets Jaunes, puis les retraites. À l’inverse, les camarades de l’ancienne majorité font preuve d’un important scepticisme sur notre classe et préfèrent se replier sur des alliances électorales avec LFI, allant jusqu’à franchir la ligne rouge avec, dans le cadre des élections régionales, la signature d’un accord électoral avec LFI en Occitanie laissant la porte ouverte à une fusion au deuxième tour avec... le PS ! Soyons sérieux, les camarades, c’est vraiment ma pré-candidature qui va à l’encontre des “principes” du NPA ?
Cette dérive est en même temps le fruit d’un bilan politique implicite, celui de l’incapacité de l’ancienne majorité du NPA à diriger une intervention et à proposer une politique face aux événements récents de la lutte de classe, mais également d’une analyse politique qui voit toujours le « verre à moitié vide » combinant scepticisme sur les capacités de la classe à lutter et exagération sur le danger imminent du fascisme. De notre côté, nous pensons que non seulement la lecture de la situation que font les camarades de la direction de l’ancienne majorité est erronée, mais nous pensons également que l’on se trompe, si face à un manque supposé de "vapeur" du côté de notre classe, il nous faut proposer des alliances électorales et politiques avec ceux qui se veulent une "gauche de gouvernement". Sans même revenir sur les expériences de notre classe tout au long du XXème siècle, il suffit de regarder les expériences récentes de Syriza ou Podemos ces dernières années, que nombreux des camarades, qui aujourd’hui nous proposent des listes avec LFI, avaient soutenu à l’époque, pour se rendre compte que cette politique nous mène droit dans le mur.
Des bilans à tirer
C’est dans ce contexte pour le moins paradoxal que l’ancienne majorité veut faire porter le chapeau de la crise du parti à ses fractions, notamment Révolution Permanente. Une tendance du parti qui, alors que l’ex-majorité n’a cessé de voir partir ses militants, vers Ensemble, le PCF ou la FI ou encore arrêter de militer, est passée d’une poignée de militants jusqu’à constituer aujourd’hui une des tendances les plus importantes du parti. Je ne dis pas cela par orgueil, mais je le dis car j’ai rejoint le NPA grâce aux camarades de Révolution Permanente que j’ai rencontrée en 2016. Plutôt que d’attaquer le droit de tendance, la presse ou encore les initiatives que prennent les tendances, les camarades de l’ex-majorité devraient au contraire faire leur propre bilan de pourquoi des tendances qui ne disposent ni de porte-parole, ni d‘ex-candidat à la présidentielle, arrivent à construire le NPA et à attirer des militants ouvriers, jeunes ou moins jeunes, syndicalistes ou non, à venir militer et cotiser dans un parti qui pourtant est en crise depuis 10 ans ? Je trouve ça extraordinaire, qu’on ne se réjouisse pas une seule seconde que des nouveaux militants ouvriers, qui plus est de ceux qui jouent un rôle dans la lutte de classe, rejoignent le parti.
Les camarades devraient s’interroger par exemple pourquoi un camarade comme Adrien Cornet, qui était au cœur de la bataille des raffineurs en 2010, 2016 et 2021, a rejoint le NPA sur la base de son expérience avec les camarades du CCR dans la grève contre la réforme des retraites. Et je pourrais continuer ainsi en citant de nombreux camarades dans l’industrie, à la SNCF et à la RATP. Je peux également parler de mon cas, moi qui au sein de SUD Rail depuis 2014, connaissait plusieurs militants cheminots du NPA mais qui n’avait jamais entendu parler du NPA. Il a fallu que des camarades qui n’étaient même pas implantés à la SNCF en 2016 considèrent que cela valait le coup de discuter avec moi et me convainquent de rejoindre le parti en 2017. Je le dis sans honte, je ne savais même pas ce qu’était le NPA avant que les camarades de Révolution Permanente ne m’en parlent. D’ailleurs il est drôle de lire de partout « la personnalisation d’Anasse », alors que j’ai rejoint le NPA en connaissant la personne d’Olivier Besancenot bien avant le nom du parti. Nous le savons, lorsque nous sommes amenés à parler du NPA à un ouvrier de base, 9 fois sur 10 il faut dire c’est le parti du facteur Olivier Besancenot, ou de Philippe Poutou pour qu’on nous dise : « Ah d’accord ». Personne ne peut dire le contraire.
Bien sûr la personnification peut devenir un problème, mais la vraie question est de comment on s’appuie sur la relative notoriété d’un camarade pour en faire un outil pour la construction d’une organisation révolutionnaire, d’une force militante collective capable d’incarner notre projet, dans les lieux de travail, la jeunesse, les mouvements féministe, antiraciste, etc. Si depuis l’existence du NPA, qui s’est construit en grande partie sur la notoriété et la sympathie autour d’Olivier Besancenot après les bons scores électoraux de 2002 et 2007, l’ancienne majorité n’a pas réussi à saisir cette opportunité pour avancer dans la construction d’une force militante conséquente autour d’un projet politique révolutionnaire clair, implanté dans les principaux bastions de la classe, dans la jeunesse, etc, capable de jouer un rôle dans les principaux événements de la lutte des classes, il faudrait tirer le bilan de cet échec. Mais ce bilan est davantage celui de l’ancienne majorité qui a dirigé de fait le NPA depuis 10 ans, plutôt que celui de telle ou telle tendance minoritaire.
Chacun comprendra, avec ces quelques exemples, qu’il n’est pas très sérieux d’agiter en interne comme en externe que Révolution Permanente et Anasse seraient responsables d’une quelconque scission. Ce n’est pas nous qui avons parlé de scission l’été dernier ni nous qui avons fait parvenir un bulletin intérieur parlant ouvertement de scission à Sylvia Zappi, pour médiatiser cela dans le journal le plus important de France. Ce n’est pas nous non plus qui avons signé le texte Rejoignons-nous, qui appelait dès janvier dernier à la construction d’une autre organisation. Enfin ce n’est pas nous qui avons fait deux listes aux régionales avec LFI sans réel débat démocratique interne dans le parti, contredisant ainsi les statuts du NPA, allant même jusqu’à contracter un crédit de 150000€ sans aucune discussion ni accord dans les instances de direction, alors que cela engage justement tout le parti médiatiquement, politiquement et financièrement. A l’inverse, ma pré-candidature a été, avant son officialisation publique, versée aux débats et discutée au sein de la direction nationale de l’organisation au travers une contribution. Une pré-candidature qui ne contredit en rien les statuts et dont la vocation est d’être débattue par l’ensemble des militants du NPA.
Pourquoi donc un tel acharnement ?
L’acharnement de l’ancienne majorité est ainsi le signe tout d’abord d’un malaise profond, car oui la pré-candidature est l’incarnation d’un projet en positif, voulant placer le curseur dans la lutte de classe et dans une stratégie révolutionnaire plutôt que dans les alliances électorales avec les réformistes. De leurs côtés, les camarades de l’ancienne majorité parlent de la nécessité d’une « candidature d’ouverture », cela n’est pas anodin et les mots ont un sens : une ouverture vers qui et vers quoi ? Car lorsqu’il s’agit de ma pré-candidature, “l’extérieur”, à savoir une partie du milieu ouvrier et populaire qui était aux avant-postes des mobilisations des dernières années, apparaît plutôt comme une terrible menace sur les débats d’un parti, des débats pourtant réduits à peau de chagrin et relativement extérieurs à notre classe et à ses luttes. La recette de l’ancienne majorité semble être donc : ouverture à l’égard des organisations de la gauche réformiste, fermeture hermétique vis-à-vis de l’avant-garde ouvrière, jeune et des quartiers populaires.
Comment comprendre sinon que des membres de l’ancienne majorité n’ont pas hésité à nous expliquer - au cours de la dernière Assemblée des militants de la fédération parisienne du NPA, que ma pré-candidature ne serait pas révolutionnaire étant donné que des militants comme Taha Bouhafs et Youcef Brakni qu’ils caractérisent de « réformistes » la soutiennent. En sommes, ces camarades, ne sachant plus comment nous attaquer, en arrivent à utiliser des « arguments » qui n’ont ni queue ni tête pour chercher à discréditer ma pré-candidature, ou encore le projet de parti qui le porte derrière. Mais aussi, ils n’hésitent pas à user d’arguments sectaires contre des militants de l’antiracisme politique que le parti a pourtant vivement sollicité à participer à ses universités d’été et émissions. La réalité c’est qu’ils sont étonnés que Taha, qui est une figure de la nouvelle génération de militants, qui a été militant FI aujourd’hui prenne position publiquement pour ma pré-candidature, alors qu’il soutenait Mélenchon en 2017. C’est pareil pour Youcef Brakni, une des principales figures du comité Adama aux côtés d’Assa Traoré, qui prend position publiquement pour une candidature NPA. Seraient-ils plus réformistes que Clémence Guetté ou Manuel Bompard ?
La réalité est que ma pré-candidature vient déranger les plans des camarades de l’ancienne majorité, qui n’avaient rien prévu pour la présidentielle, sinon au mieux une candidature prête à être retirée au profit de celle de LFI. Depuis des mois, le congrès, qui au début devait se tenir sans parler de la présidentielle, ne fait qu’être repoussé et bien malin celui qui est capable de dire si un jour il va se tenir. Si l’ancienne majorité avait vraiment le projet de sérieusement mener une campagne du NPA aux présidentielles, elle aurait mis ce sujet au centre depuis des mois, afin d’être prêts à aller chercher les signatures. Au lieu de cela, elle met toute son énergie pour nous attaquer, en même temps qu’ils concrétisent des unions électorales qui servent de tremplin à LFI, le mouvement qui espère par les régionales réussir à hégemoniser toute la gauche pour la candidature de JLM. Nous le savons d’ores et déjà, et ce n’est un secret pour personne, si l’ancienne majorité propose une candidature dans le NPA, ce sera soit la porte-parole de la liste « Occitanie populaire », soit le porte-parole de la liste Nouvelle Aquitaine, c’est à dire une candidature qui porterait le symbole de l’union électorale derrière LFI.
Le fond de l’affaire est donc bel et bien, comme je le disais au départ, l’existence de deux projets différents et dans une grande mesure opposée pour l’avenir du NPA. C’est ce débat qu’il faut avoir de toute urgence, pour éviter de nouvelles vagues de départs de militants et militantes. Mais il y a un problème de taille, car les rapports de force internes dans le NPA ont changé et l’ancienne majorité, qui était déjà minoritaire au dernier congrès mais avait réussi à imposer une “majorité de travail”, aujourd’hui serait probablement très minoritaire, tandis que des tendances comme celle incarnée par Révolution Permanente auraient au moins le double des voix recueillies en 2018. Telles sont les vraies raisons des tentatives d’intimidations internes et externes en cours : éviter de parler des choses concrètes à savoir le projet, le programme et la stratégie pour les anticapitalistes et révolutionnaires dans les mois et années à venir, qui seront pourtant marqués par de grands affrontements de classe au sein desquels les révolutionnaires auront un rôle à jouer.