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Chômage – Et si la réforme n’avait pas lieu le 1er juillet
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Chômage - Et si la réforme n’avait pas lieu le 1er juillet | Rapports de Force
Au 1er juillet 2021, le volet de la réforme de l’assurance chômage modifiant le calcul des indemnités journalières doit s’appliquer. Avec à la clef, des baisses substantielles d’allocations pour de nombreux demandeurs d’emploi. À moins que…
« Mais si nous tirons tous, il tombera. Ça ne peut pas durer comme ça. Il faut qu’il tombe, tombe, tombe. Vois-tu, comme il penche déjà ». Le refrain de la célèbre chanson antifranquiste l’Estaca s’applique assez bien à la brinquebalante réforme de l’assurance chômage. Contestée depuis trois ans par toutes les organisations syndicales de salariés, vilipendée par le mouvement des lieux de culture occupés qui réclame depuis le 4 mars son abandon, discréditée par les études d’impact de l’Unédic, elle ne tient qu’à un fil. Celui de l’acharnement du gouvernement à la mettre en œuvre coûte que coûte. Mais ce fil pourrait rompre au mois de juin.
La semaine prochaine ou au plus tard la suivante, le Conseil d’État recevra une avalanche de recours en référé contre le nouveau décret du 30 mars 2021 fixant les règles de l’assurance chômage. Et notamment, le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) servant pour déterminer le montant des allocations. Celui-là même que le Conseil d’État avait invalidé dans sa première version fin novembre 2020, considérant qu’il induisait une rupture d’égalité entre chômeurs. Et pour lequel le gouvernement a dû revoir sa copie.
Le gouvernement fait l’unité contre lui
« Nous considérons que le jugement du Conseil d’État du 23 novembre n’a pas été respecté », explique Denis Gravouil, le négociateur du dossier de l’assurance chômage pour la CGT. « Ce sont des corrections à la marge », renchérit Élie Lambert du syndicat Solidaires, à propos du plancher introduit par le gouvernement pour calculer le SJR, afin d’en atténuer l’impact et de se conformer à la décision du Conseil d’État. C’est l’un des arguments soulevés par les deux organisations syndicales – auxquelles la FSU s’est jointe – pour caractériser l’urgence du recours. En plus des arguments portant sur la date d’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul dans un mois et demi et sur les énormes changements qu’il provoquera pour les demandeurs d’emploi. Avec ces éléments, il serait étonnant que le Conseil d’État diffère l’examen des recours au-delà du 1er juillet.
S’ajouteront à la requête de ces trois organisations syndicales celles de la CFDT, de Force ouvrière et de la CFE-CGC qui en déposeront également une devant la haute autorité administrative. Chacune en leur nom propre. L’UNSA étudie aussi la possibilité de procéder au sien, pendant que la CFTC a conditionné son recours à une réponse peu probable du ministère du Travail sur sa demande du 15 avril concernant la détérioration des droits rechargeables. Soit finalement l’intégralité du spectre syndical, alors que la ministre du Travail prétendait en mars dernier que les échanges avec les « partenaires sociaux » avaient été constructifs et apaisés.
Des écarts d’allocations chômage allant de 1 à 50
Sur le fond du dossier, les syndicats sont assez sûrs de leur coup, même s’ils restent prudents quant à la décision à venir du Conseil d’État, à partir du moment où celui-ci accepte le caractère d’urgence des recours. Parmi les moyens soulevés, figure « la discrimination indirecte des femmes », explique Franck Boissard, le responsable du service juridique sur les questions d’emploi et de formation à la CFE-CGC. En effet, une étude de cas réalisée début avril par l’Unédic, sur demande du syndicat FO, montre une baisse potentielle d’un tiers des allocations pour les personnes ayant été en activité partielle ou en congé maternité au cours des 24 derniers mois. En cause, une neutralisation seulement partielle de ces périodes dans le nouveau mode de calcul des allocations.
Depuis, le gouvernement a assuré qu’il corrigerait son décret sur ce point. Mais la date du 1er juillet approche et aucun correctif ne pointe le bout de son nez. « Nous avons régulièrement des bilatérales sur les différents sujets d’actualité. Ils nous ont beaucoup parlé des seuils de l’activité partielle, mais de cela, pas du tout », avance Franck Boissard qui, sur ce point comme sur d’autres, regrette l’absence d’écoute du gouvernement. « Ça leur avait été dit », rappelle-t-il, évoquant une note de l’Unédic antérieure au décret du 30 mars.
Le cœur des recours sera concentré contre le nouveau mode de calcul des allocations. Et les inégalités entre chômeurs qu’il induit. S’appuyant là aussi sur les études de cas et d’impact de l’Unédic, les syndicats soulèvent des différences de traitement entre demandeurs d’emploi aux parcours similaires. Et d’étude de cas en étude de cas, le caractère inégalitaire de la réforme se renforce. « L’indemnité journalière, c’était des écarts de 1 à 4 qu’ils ont réduit de 1 à un peu moins de 2 », rappelle Denis Gravouil de la CGT à propos du nouveau décret. Cela pour tenter de se conformer à la décision du Conseil d’État de novembre 2020. « Mais le SJR intervient dans plusieurs éléments du calcul, notamment dans celui du plafond mensuel et du rythme de versement », explique le syndicaliste qui souligne l’aberration de traitements différents selon le mois où les contrats de travail sont signés.
Là, pour les plus précaires qui alternent périodes de travail et de chômage, les écarts peuvent exploser entre demandeurs d’emploi dont les salaires et les périodes de travail sont pourtant équivalents. Et pas qu’un peu. De 1 à 47 selon une étude de cas de l’Unédic commandée par la CGT. Soit bien plus que le 1 à 4 repéré dans le premier décret censuré par le Conseil d’État il y a six mois. Un argument qu’il sera difficile d’écarter pour les juges de la haute autorité administrative, à moins de se dédire sur leur décision précédente. Et qui pourrait faire tomber encore une fois la réforme de l’assurance chômage. Ou du moins son cœur.