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Besançon : contre la gestion sanitaire, une marée humaine dans les rues
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Pour cette seconde édition comtoise, l’ancrage est clair : ils étaient entre 2 000 et 2 500 ce samedi à Besançon, dressés contre la gestion de crise sanitaire des autorités. Si les questions de la vaccination et de ses conséquences dominent évidemment, l’émergence de préoccupations sociales en filigrane apparaît prendre également de l’ampleur. Un double front qui explique sans doutes le succès grandissant de ces rassemblements, surtout à un peu plus de huit mois des prochaines présidentielles. Après un défilé dans le centre historique, les manifestants se sont confrontés aux barrages policiers et aux gaz lacrymogènes.
La révolte des petites gens.
Cette deuxième journée de mobilisation a confirmé une vraie tendance de fond, d’abord sur les chiffres. Après un 14 juillet réunissant quelques 1 000 participants, selon nos estimations ils étaient cette fois 2 000 à 2 500 dans les rues du vieux centre. Le cortège s’étirait ainsi aisément du centre Bellevaux au pont Battant, soit environ 400 mètres de file. Une véritable démonstration de force, pour un événement horizontal et spontané. Par rapport à d’autres villes du grand est, Besançon se trouve dans une « bonne » dynamique : 1 000 à Dijon, Lyon, et Annecy, 1 200 à Nancy, 2 000 à Belfort, Metz, Colmar, Chambéry, et Mulhouse, et 3 000 à Strasbourg.
L’autre aspect déterminent, c’est la composition socio-professionnelle inédite des protestataires. Une majorité n’avait auparavant jamais participé à des mouvements sociaux, ou sinon de manière ancienne et chronique. Si les militants politiques et syndicaux et gilets jaunes sont bien sur présents, personnel soignant, artisans, salariés, chômeurs et autres précaires, familles et retraités, forment le gros des contingents. Droite et gauche, ruraux et urbains, originaires de la Métropole et de toute la région, prolétaires et classes moyennes, les profils sont disparates et hétéroclites. Tous se retrouvent sur un point : le rejet d’Emmanuel Macron et de ses politiques.
« Je n’ai plus rien à perdre. »
Aux causes de cette nouvelle explosion, un débat ontologique. Si la pertinence et l’efficacité du vaccin en lui-même sont très partagés entre pro et anti, il y a toutefois unanimité concernant les mesures entourant sa prescription quasi-obligatoire et ses effets. Norbert, de Solidaires et du NPA, insiste : « on va se retrouver dans une société du contrôle, et ça vaut pour tous ! La personne qui a reçu ses deux doses, elle n’a peut-être pas envie d’être constamment fliquée si elle va s’acheter un produit au supermarché ou s’installe à un restaurant. » La casse des services publics, en particulier hospitaliers, ainsi que les conséquences économiques et sociales, ne sont pas en reste.
Alexis, venu de Poligny, explique : « j’ai fais du hand-ball à haut niveau pendant plusieurs années, et transformé cette passion en activité. J’étais engagé auprès des jeunes de banlieue et en difficultés, avant de tenter la gestion de salles de sports. Mais depuis le coronavirus, les fermetures, et les restrictions, tout a été anéanti. Avec le pass sanitaire et toutes les contraintes imposées aux réouvertures, où vais-je trouver du boulot ? je n’ai plus rien à perdre. » Une crainte du lendemain, que d’autres corroborent : « la crise, elle a bon dos. Le Covid est si dangereux qu’il s’attaque aux retraites et à l’assurance chômage », assène Didier, la cinquantaine, ouvrier.
Préfecture, le retour d’une tradition.
Entre 14h00 et 16h00, l’ambiance est restée bon enfant. Pancartes, slogans, chants, fumigènes… tout se passe pour le mieux. C’est, au niveau de la Préfecture, que la situation va rapidement se tendre. Ce lieu, symbolique, est devenu un incontournable. Mais aussi un bastion solidement défendu par les forces de l’ordre. Ils ne sont qu’une poignée, engoncés dans leurs protections, à tenter de faire barrage à la déferlante qui arrive. Un rapport de force, qui apparaît très déséquilibré. En quelques secondes, tout bascule. Les plus téméraires, en première ligne, enfoncent les remparts comme du beurre. « On étaient à deux doigts d’être tous au sol » confiera plus tard un gradé.
Le face-à-face du mercredi s’est ainsi mué en opposition martiale. Les plus proches sont repoussés avec des bombes « extincteurs » à main, alors qu’un peu plus loin trois fonctionnaires « arrosent » la foule au MP7 cougar. Les nuages asphyxiants saturent toute la rue, et déciment presque entièrement le rassemblement. Certains se réfugient dans des porches non-loin, quand d’autres sont lourdement touchés à l’instar d’un homme qui devra être pris en charge par les urgences. Alors que tous fredonnaient en cœur « laissez-nous passer » et « la police avec nous », les intentions ne sont plus du tout à la communion avec les uniformes désormais copieusement insultés.
« Je n’aurais jamais cru que ça se passerait comme ça. »
Pour beaucoup, la colère et l’incompréhension dominent. « Il y avait ici des enfants, des vieillards, des personnes fragiles. Aucun d’entre nous n’était violent. Quel besoin de réprimer ? » fulmine Marie, venue avec son compagnon et son fils. Les interpellations abondent. Ici une femme nous expose sa veste brûlée par les palets retombés, là un père rage alors que ses yeux sont meurtris. « C’est ma première manif’, je n’aurais jamais cru que ça se passerait comme ça » reprennent instinctivement nombre de protagonistes. Chaussures, casquettes, sacs, pancartes, effets personnels, gisant sur la chaussée, témoignent de la surprise et de la fulgurance des circonstances.
16h30. Les effectifs sont fortement dégarnis, mais plusieurs dizaines de rebelles persistent à tenir le front. Les projectiles visant à les faire déguerpir sont regroupés, puis réexpédiés aux pieds de leurs expéditeurs. Une détermination et une impertinence, qui, là encore, ne peuvent qu’évoquer les traits propres aux fameuses chasubles. Une heure de statut quo plus tard, pandores et insurgés se séparent et se dispersent. Les dégâts matériels et humains sont restés relativement limités, et aucune arrestation n’a été relevée. Il n’en est pas de même pour l’impact au niveau des esprits. « Nous reviendrons samedi prochain, plus chauds que jamais ! » promettaient certains…
Vidéo ci-dessous : à 1h16, on y entend un camarade proposant de chanter l'Internationale et se faire applaudir, cela fait plaisir !