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Tout le monde déteste Fabien Roussel
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le 10 septembre dernier, le rappeur marseillais Soso Maness donne un concert à la fête de l’Huma. Au détour d’un morceau, il fait scander au public un slogan devenu viral en manif : « Tout le monde déteste la police ». Rien de bien étonnant, quand on daigne se souvenir de toutes les violences policières des dernières années. Guère plus étonnante : la réaction du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui demande aux partis de gauche « une condamnation ferme » de ces « propos injurieux contre la police de la République ». Et qui s’exécute illico au micro de BFM-TV ? Fabien Roussel. « Je ne cautionne pas du tout ces propos que je ne partage pas », lance le patron des communistes. « Ils sont très infimes, très peu nombreux ceux qui ont dit ça », ose le candidat du parti à la présidentielle, avant de jurer ses grands dieux qu’il ne cesse de défendre les forces de l’ordre, « ces ouvriers de la sécurité » qui « travaillent dans de si mauvaises conditions... »
Dès sa conférence de presse d’entrée en campagne, le 11 mai, Fabien Roussel avait annoncé la couleur : « Je le dis clairement, cette question [de la sécurité] ne sera pas une question secondaire. » Quelques heures plus tôt, il déclarait déjà sur BFM-TV : « La sécurité n’est pas un droit comme un autre, c’est un droit fondamental. » Avant d’enchaîner : « Il ne faut pas laisser l’idée que la gauche puisse être laxiste sur cette question-là et moi je vous le dis, je ne le serai pas. Il faut une politique de sanction, de répression, ferme. »
Concrètement, le candidat communiste promet l’embauche de 30 000 flics supplémentaires. Chambre d’écho du gouvernement, il soutient l’extension de la période de sûreté (sans aménagement de peine possible) pour les meurtriers de policiers condamnés à perpétuité : « Pour que le message soit plus fort, mieux entendu dans notre pays, il faut l’inscrire plus clairement dans le Code pénal, j’y suis favorable, y compris écrire noir sur blanc : trente ans de prison minimum pour un crime à l’encontre de tout détenteur de l’autorité publique [1]. »
« La différence entre le PC et le beaujolais, disait Coluche, c’est que le beaujolais est sûr de faire 12,5 %. » Fabien Roussel, qui était présent le 19 mai à la très fascistoïde manif des flics devant l’Assemblée nationale, tenterait-il de gratter quelques points dans les sondages en draguant un électorat rouge basculant doucement vers le brun ? « Il reprend à son compte la vieille idée selon laquelle il faut aller chercher le vote populaire sur les terrains où s’expriment ses attentes, aujourd’hui sous influence de l’extrême droite, analyse Pierre Jacquemain, rédacteur en chef de la revue Regards. En son temps, côté socialistes, Lionel Jospin fit aussi cette analyse et conduisit en 1997 les assises de Villepinte pour opérer le tournant idéologique du PS sur les sujets régaliens. Dans les deux cas, le résultat fut sans appel : ni le PC ni le PS n’en ont tiré bénéfice, l’électorat de gauche s’est trouvé déboussolé, la gauche s’est divisée et l’extrême droite s’est renforcée de cette légitimation de ses thèmes centraux [2]. »
Un constat s’impose aujourd’hui : dans le champ de ruines qu’est le paysage politique français, la direction du Parti communiste, sur un certain nombre de sujets, n’a plus vraiment un profil d’allié, même de circonstance. La loi « Séparatisme » ? La moitié des députés communistes, à l’instar de Fabien Roussel qui s’est abstenu, n’ont pas voté contre. Les expulsions des déboutés du droit d’asile ? Fabien Roussel est pour. La dépénalisation du cannabis ? Fabien Roussel s’y oppose, jugeant « urgent de s’attaquer », entre autres, au « Maroc qui légalise la production ».
Dans quelques jours, on commémorera le soixantième anniversaire du massacre du 17 octobre 1961, quand la police de Maurice Papon balança de nombreux Algériens indépendantistes dans la Seine. Le 8 février prochain, ce sera celui de l’affaire du métro Charonne (1962), où la répression des manifestants anticolonialistes fit neuf morts, presque tous communistes. Une question se pose : à ces occasions, Fabien Roussel rendra-t-il hommage aux militants progressistes de l’époque ou aux ancêtres de ses amis « ouvriers de la sécurité » ?