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De Cock, Larrère et Skornicki: Le vote Mélenchon entre raison et conviction
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le vote Mélenchon entre raison et conviction | Le Club (mediapart.fr)
Laurence De Cock, Mathilde Larrère et Arnault Skornicki appellent dans ce texte à voter pour le candidat du programme de l'Avenir En Commun, seul à même à leurs yeux de rompre avec le mortifère autoritarisme libéral et la fascisation en cours.
Nous ne sommes pas – ou plus – membres de LaFrance Insoumise (LFI). Nous avons même pu la critiquer fortement car il y a de sérieuses raisons de le faire. Son organisation césarienne en contradiction manifeste avec son projet démocratique de VIeRépublique, en a lassé plus d’un·e. Sa stratégie à hue et à dia pendant cinq ans, oscillant entre l'union de la gauche et l’hégémonie par l'écrasement des concurrents, n'aura obtenu ni l’une ni l'autre. Ses envolées patriotardes certes plus proche de la Révolution française que du nationalisme xénophobe, ont pu nous sembler éloignées de l’internationalisme voire de l’idéal d’une autre Europe, sociale et démocratique. Enfin, l’entêtement anti-états-unien de son leader Jean-Luc Mélenchon a pu le conduire à défendre des positions internationales erronées ou pour le moins discutables : longtemps aveugle face aux autres menaces impérialistes, il n'a commencé à amender sa vision du monde qu’avec l’odieuse et criminelle invasion de l’Ukraine par l’armée russe.
Seulement voilà. L’imminence d’une élection cruciale, les néofascismes qui frappent aux portes du pouvoir, l’éclatement de la gauche politique, l’affligeante hypothèse de la reconduction d’un président qui n’a eu de cesse de détruire méthodiquement l’Etat social et le système éducatif, de faire la guerre aux classes populaires, aux chômeurs, aux migrants et aux manifestants… nous amènent à prendre publiquement position en faveur de la candidature de J.-L. Mélenchon. Si celle-ci nous semble la mieux placée à gauche, c’est en raison moins des sondages que d’une certaine solidité intellectuelle et politique forgée au fil de la dernière décennie, qui en fait une proposition alternative claire et bien identifiée dans le paysage politique. Le scénario d’un autre second tour contre Emmanuel Macron ne pourrait que faire du bien : reconstituer un authentique clivage droite/gauche en lieu et place du choix truqué entre libéraux-autoritaires et extrême droite, et chasser de l'horizon les obsessions identitaires.
On nous dira : c’est un vote par défaut, utile peut-être, mais qui relègue au second plan les considérations idéologiques.
Seulement voilà. Il faut être juste avec LFI. Reconnaître pour commencer la qualité de son travail parlementaire depuis cinq ans ; admettre ensuite que son programme L’Avenir en commun reste de loin le plus abouti et satisfaisant. C’est le programme d’une gauche décomplexée qui, dans la continuité du programme de 2017, assume une rupture avec l’hégémonie néolibérale : restauration des services publics (notamment hospitaliers et éducatifs), amélioration des droits des travailleurs et du pouvoir d'achat, équité fiscale ; un programme qui témoigne aussi d’une réelle et profonde ambition environnementale sans précédent. Par ailleurs, LFI a su se mettre à jour sur une série de grandes questions de notre temps, que l’on pense au projet de refonte de l’institution policière dont les quartiers populaires et les « Gilets Jaunes » ont chèrement payé la dérive violente, à la condition des femmes et l’égalité des genres, ou encore aux luttes contre les discriminations et le racisme, ce qui relègue au second plan les vantardises chauvines d'antan. Un second tour avec J.-L. Mélenchon remettrait ainsi au cœur du débat la grande alternative : souveraineté du capital et des classes dirigeantes, ou émancipation des dominé·e·s ?
On s’interrogera peut-être : n’est-ce pas prendre le risque d’installer au pouvoir un homme au tempérament autoritaire et volcanique ?
La question est légitime. Seulement voilà. Rappelons qu'élire un homme à la présidence de la République n'est pas fatalement se choisir un monarque. L’histoire l’a montré, un président, quel qu'il soit, ne saurait gouverner sans majorité parlementaire même sous le régime de la VeRépublique. Si J.-L. Mélenchon l’emportait par « un trou de souris » – selon son expression –, il est hautement improbable que son propre mouvement remporterait à lui seul une telle majorité aux élections législatives qui suivraient. Il aurait nécessairement besoin d’une large coalition de gauche pour avoir la moindre chance de victoire, et donc de gouverner, fût-ce en passant par des compromis avec ses éventuels alliés. Ce serait même une chance historique, la meilleure manière de sortir de l'hyper-présidentialisme en attendant une refonte de nos institutions démocratiquement défaillantes promise par LFI.
Les exemples espagnol et portugais montrent le chemin : la droite n’est pas hégémonique partout et une politique progressiste peut s’imposer malgré les tempêtes guerrières du moment et le sombre horizon politique et écologique.
Une autre présidentielle est possible. Pour nous, le vote de raison, et de conviction, c’est le vote Mélenchon.
Laurence De Cock, historienne
Mathilde Larrère, historienne
Arnault Skornicki, politiste