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SNCF, RATP, Transdev… Dire non à la concurrence entre travailleurs !

ratp SNCF

Lien publiée le 28 juin 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

SNCF, RATP, Transdev… Dire non à la concurrence entre travailleurs ! | L’Anticapitaliste (lanticapitaliste.org)

Mais que se passe-t-il dans les transports publics ? Alors que l’urgence écologique impose de réduire drastiquement l’usage de la voiture individuelle et de développer en conséquence les transports en commun, bref de résoudre un des grands problèmes du XXIe siècle, les patrons du secteur, et les politiciens à leur suite, vantent les mérites d’une idéologie du XIXe siècle : la concurrence soi-disant libre et non faussée.

La totalité des transports interurbains et une bonne partie des transports urbains font déjà depuis des années l’objet d’un repartage régulier entre les grands groupes privés du secteur. Mais le transport ferroviaire de voyageurs restait jusqu’à présent exploité uniquement par la SNCF, et le réseau de la région parisienne uniquement par la RATP pour ce qui est de la petite couronne et par différents opérateurs (pour moitié Transdev tout de même) pour ce qui est de la grande couronne. Cette situation est en passe de se terminer avec un calendrier qui s’étire sur une vingtaine d’années en fonction des régions ou des lignes concernées.

Une « ouverture à la concurrence » taillée sur mesure pour un monopole à trois têtes (SNCF/Keolis – RATP – Transdev)

L’« ouverture à la concurrence » arrive en point d’orgue de la concentration du capital à l’œuvre depuis des dizaines d’années dans le secteur. Celle-ci a été réalisée sous les auspices des grands groupes publics, transformant ceux-ci en véritables holdings privés du transport. Keolis (dont la SNCF possède 70 % des parts) en est la preuve. Ce géant des transports urbains et interurbains est né en 2001 de la fusion de VIA-GTI et de Cariane, elles-mêmes issues de fusions successives de plus petites entreprises ou/et filiales de la SNCF. Les mastodontes du transport que sont la RATP et la SNCF ont dès lors jeté leurs tentacules, bien au-delà de leur pré carré historique, sur le marché des transports, en France comme à l’international : la RATP, avec son groupe privé RATP Dev, gère aujourd’hui le tramway de Washington et de Hong Kong !

À gauche, certains idéalisent et défendent les « grandes entreprises publiques » du transport, comme la SNCF et la RATP, qui seraient par nature plus saines et plus favorables aux travailleurs que le privé. Ces positions relaient des arguments acritiques sur le rôle de l’État, souvent à grand renfort de nationalisme contre les concurrents étrangers. De plus, les capitalistes, et l’État à leur service, associent allègrement – et c’est bien le phénomène à l’œuvre dans les transports – public et privé, un mécanisme connu pour socialiser les pertes et privatiser les profits !

D’une part, c’est grâce à l’appui de l’État que la RATP et la SNCF sont devenues des monstres capitalistes « comme des autres ». Et, d’autre part, la RATP et la SNCF n’ont pas attendu cette « ouverture à la concurrence » pour mener leur guerre sociale contre les travailleurs des transports, politique menée avec constance pendant des dizaines d’années, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place. À la SNCF, ce sont près de la moitié des emplois qui ont disparu depuis les années 1980. « L’ouverture à la concurrence », d’apparence si défavorable à la SNCF et à la RATP, leur est au fond profitable comme à l’ensemble du patronat du transport. En point d’orgue de leur transformation en groupe mondial, elle va permettre de soumettre leurs salariés à la ronde des appels d’offres que connaissent déjà les travailleurs du transport urbain (hors Paris) et interurbain. À la clé, l’alignement à la baisse des conditions de travail et de salaires et, en prime, la mise en opposition des uns et des autres.

Premier étage du missile antisocial : à la RATP comme à la SNCF, pour éviter le dumping social de demain, il faudrait l’imposer dès aujourd’hui

Dans les deux grosses entreprises publiques, l’ouverture à la concurrence vient justifier – parfois des années à l’avance – tout un ensemble d’attaques. La patronne de la RATP, dans le JDD du 4 juin dernier, l’affirme de but en blanc :

« Notre ambition consiste à remporter le maximum de parts de marché permettant au plus grand nombre de salariés de rester dans l’entreprise. (…) Afin d’éviter l’effet big bang, nous menons des négociations avec les syndicats pour gagner en compétitivité. Nous avons dénoncé les accords de temps de travail de nos conducteurs de bus avec une proposition gagnante pour l’entreprise et les salariés : travailler cent vingt heures de plus par an en échange d’un quatorzième mois et de l’intégration d’une prime de 400 euros au salaire, prise en compte pour les retraites. Nous souhaitons éviter tout futur dumping social. Dans ce but, chacun doit prendre ses responsabilités1 ».

Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, n’est pas en reste :

« Ne rien faire, c’est la facilité, mais c’est aussi se créer, à terme, un énorme problème social, car la SNCF perdrait tous les marchés mis en concurrence. Il faut augmenter notre productivité2. »

Traduisons-les : les agents ne pourront pas perdre ce qu’ils ont déjà perdu. Une logique patronale imparable…

Comment cette politique se concrétise ? Dans les bus parisiens, la direction de la RATP compte ainsi mettre en place dès le premier août – quand bien même l’ouverture à la concurrence n’arrivera pas avant 2025 en petite couronne et à Paris – le « cadre social territorialisé ». Au menu : multiplication des services en coupure, augmentation des heures de travail, dix heures de conduite possibles, suppression de la compensation d’une heure en cas de fortes chaleurs l’été, possibilité pour les chefs de modifier les horaires seulement 24 heures avant, etc. C’est contre cette casse sociale que les conducteurs de bus et de tram de la RATP ont fait grève les 23, 24 et 25 mai.

Quant à la SNCF, quel cheminot n’a pas entendu justifier la réorganisation de son service ou une dégradation de ses conditions de travail au nom de la lutte contre la concurrence présente ou future ? Double piège tendu par les directions : faire accepter les reculs sociaux dès maintenant et enrôler les travailleurs derrière la défense de « leur » entreprise lors de l’attribution des marchés (voir encadré).

Deuxième étage du missile antisocial : des « transferts de personnel » qui permettent de niveler par le bas les conditions de travail

Car le moment de l’attribution des marchés, et les transferts de contrats de travail qui vont avec, est l’occasion pour les patrons de poursuivre leur offensive.

C’est ce qui va se passer dans les appels d’offre sur le chemin de fer, qui concernent principalement les lignes TER. L’entreprise gagnante se doit de reprendre à son service les cheminots de la SNCF affectés à l’exploitation des lignes concernées. Transfert quasi-obligatoire pour les salariés sous peine de mutation à l’intérieur de la SNCF (et ce possiblement à l’autre bout de la France) voire de licenciement si plus de 50 % de leur travail concerne les lignes en question.

En cas de transfert, la loi prévoit le maintien du niveau global de rémunération (on y reviendra) et, pour les cheminots au statut3, le maintien de la garantie de l’emploi et de l’affiliation au Régime Spécial au titre de la retraite. Mais pour le reste, s’appliquera un hypothétique accord d’entreprise ou, en son absence au bout de quinze mois, la Convention collective nationale de la branche ferroviaire dont les différents volets sont négociés depuis des années entre l’UTP4 et les syndicats. Convention qui comporte, d’une part, quelques reculs directs par rapport à la législation en vigueur actuellement à la SNCF (baisse des grilles d’avancement, fluctuations salariales sur l’année…). Le cheminot transféré ne bénéficera plus également dans ce cas de la myriade d’accords locaux en vigueur à la SNCF qui concernent aujourd’hui bien des aspects des conditions de travail. C’est ainsi une véritable épée de Damoclès que pourra manier avec soin l’entreprise gagnant l’appel d’offre dans le délai de quinze mois laissé pour conclure un accord d’entreprise.

Faut-il en déduire qu’un sort nécessairement plus enviable attend les cheminotEs si la SNCF emporte les appels d’offre ? Rien de moins sûr car l’entreprise ne candidate pas directement : une filiale ad hoc est créée dans laquelle seront transférés les cheminots concernés. En perdant donc aussi une partie de leurs droits. Sans compter que la SNCF, selon ses propres dires, compte appliquer au sein de l’entreprise et le plus rapidement possible bien des aspects de la Convention collective nationale. Au nom de la nécessaire compétitivité, toujours elle.

L’exemple de la région PACA, une des premières à avoir finalisé son appel d’offre à l’automne dernier, donne un avant-goût du processus. La presse a fait ses choux gras sur la « défaite » de la SNCF face à Transdev pour l’exploitation de la ligne Marseille-Nice. Ce qui va impliquer le transfert à terme de centaines de cheminots à Transdev, qui a déjà promis plus de « polyvalence », c’est-à-dire de faire rouler plus de trains avec moins de personnel. Mais notons qu’un deuxième lot sur la région, plus important en nombre de lignes, a été gagné par la SNCF… ou plutôt par « SNCF Sud-Azur », filiale de la SNCF créée pour l’occasion, dans laquelle seront donc également transférés des centaines de cheminotEs.

Les réactions des travailleurs de Transdev contre les conséquences sociales des transferts forcent les patrons à ranger le clairon

Les transferts et leurs conséquences vont concerner, outre un certain nombre de cheminots, les travailleurs de la RATP. Pour l’heure, ce sont les conducteurs de bus du réseau Optile, celui de la grande couronne parisienne, qui en font les frais, non sans réagir, comme à l’automne dernier quand les grévistes de Transdev ont protesté contre la dégradation des horaires qu’ils subissaient5. La grève a forcé Transdev à reculer sur certains points. Mais elle n’a pas fait ravaler à la direction sa principale attaque, à savoir le décompte du temps de pause du temps de travail effectif.

La grève à Transdev n’a pas stoppé le rouleau compresseur patronal. Mais l’idée que chaque appel d’offres se solde par deux mois de grève a refroidi les patrons, surtout à l’approche du transfert des 16 000 conducteurs de bus de la RATP6. Il était urgent de prendre des mesures : compter sur les pouvoirs publics d’abord, sur les syndicats complaisants ensuite.

D’abord donc, il fallait mettre à contribution l’autorité organisatrice du transport en Île-de-France, Île-de-France Mobilités (IDFM, dirigé par Valérie Pécresse), pour jouer les pères Fouettard contre les grands groupes, Transdev d’abord, mais pas seulement. En décembre, dans la foulée de la grève à Transdev, IDFM promettait de relever la part du « critère social » dans l’attribution des appels d’offres de 10 % à… 15 %. Trop ridicule, l’autorité annonce quelques jours plus tard qu’elle annule l’attribution de deux DSP (Cergy-Pontoise et Évry) car les candidats n’ont pas assez pris en compte le critère en question. Et Laurent Probst, son directeur général, se veut aussi méticuleux qu’intraitable (article Le Monde du 6/12/21) :

« Nous demandons des engagements précis aux opérateurs et nous regardons l’organisation du travail dans chaque dépôt, en comparant avec la situation préappel d’offres. Par exemple, dans un réseau où les conducteurs font aujourd’hui leur service d’une seule traite, si un opérateur propose d’augmenter l’amplitude de travail avec 35 % de service en deux fois [c’est-à-dire avec coupure], alors qu’ils en avaient 0 %, nous répondons que l’écart est trop important. »

À la suite de ces belles déclarations, Jean-Paul Bailly, ancien patron de la Poste et de la RATP, et Jean Grosset, un haut-fonctionnaire proche du PS, nommés « médiateurs » lors de la grève à Transdev, ont pondu en avril un « cahier des exigences sociales ». Ce cahier, censé s’appliquer aux prochains lots Optile dont la philosophie pourrait être reprise pour les lots parisiens à partir de 2025, est un véritable manuel du bon candidat à un appel d’offres IDFM. On y lit :

« La modification des conditions de travail affecte directement la vie quotidienne des salariés. Il importe donc que de telles modifications n’entrainent pas de dégradation des paramètres essentiels et intègrent une période de transition [souligné par nous] vers la mise en œuvre des nouvelles productions horaires. Une attention particulière sera portée au respect des temps de pause, à la maîtrise des temps de coupure et des amplitudes quotidiennes, ainsi qu’au nombre moyen de jours de travail par semaine »

Transdev le mauvais élève trop brutal est montré du doigt. À un autre moment, Keolis en prend également pour son grade concernant la sous-traitance. Il y a une bonne part de bluff dans ces « exigences » bidons d’IDFM, une manière de faire redescendre la pression par pouvoirs publics interposés tandis que les patrons et maîtres du jeu restent bien Transdev, Keolis et consorts. Mais le cahier des exigences sociales recèle aussi quelques pépites, révélatrices de l’état d’esprit patronal, comme l’idée de plus s’appuyer sur les syndicats pour avaliser les reculs :

« La qualité du dialogue social avant, pendant et après le transfert est un point crucial pour la réussite des transferts et pour le développement d’un modèle social durable favorisant l’attractivité des métiers. Dans cette optique, la transparence de l’information constitue une condition essentielle pour un dialogue social de qualité et pour la confiance entre partenaires sociaux. »

Transdev avait pourtant fait le maximum de ce point de vue-là ! Avant le transfert, la direction avait obtenu au niveau du groupe un « accord socle » signé par quatre syndicats (CFDT, FO, Unsa, CFE-CFC7) puis décliné avec des « accords locaux » dans les différentes filiales (qu’avaient pu signer les syndicats non-signataires au niveau du groupe, comme Sud). Oui mais voilà, tout cela s’était fait dans le dos des salariés, sans les informer, sans être suffisamment « pédagogues » ou bien en comptant un peu vite sur les syndicats pour faire la propagande du précieux accord, en plus d’avoir accordé leur signature. Alors IDFM prône une variation patronale de la méthode Coué : répétons à qui veut l’entendre et sur tous les tons que tout ira bien, et espérons que tout aille bien !

Troisième étage du missile antisocial (le plus explosif !) : opposer les anciens et les nouveaux

Avec son cahier des exigences sociales, IDFM tente de faire croire aux travailleurs du secteur que leurs conditions de travail actuelles seront préservées après les transferts. Il n’était pas dit a priori que son crédit politique soit suffisant pour que la manœuvre réussisse. Mais les syndicats, relayés en cela par des élus de gauche ont passé leur temps à cibler Pécresse, non sans arrière-pensées politiciennes. Cela a placé IDFM au centre du jeu tout en exonérant les patrons, bien contents de pouvoir se cacher derrière l’autorité publique. Et cela laissait entendre qu’une région gérée par la gauche pourrait avoir une autre politique que celle des patrons. Il suffisait pourtant de regarder du côté de Lyon, où c’est à une majorité de gauche qu’il revient de conduire l’allotissement du réseau de transports en commun d’ici 2024. Dans un troublant effet-miroir, les écologistes qui dirigent le Sytral (l’équivalent d’IDFM) proposent un « socle social » et surtout, un calendrier de négociations avec les syndicats sur les deux prochaines années !

Cela n’exclut pas des attaques insidieuses, au « goutte à goutte », en attendant le transfert (comme à Keolis Lyon) ou bien à sa suite (comme à Transdev en région parisienne). Et surtout, cela consacre la troisième partie de l’offensive patronale : la division des travailleurs entre les anciens, les « transférés », et les nouveaux embauchés.

Cela passe par une « prime différentielle ». L’idée est de garantir, pour les salariés transférés, une « rémunération annuelle ». Ciao les primes qui la composent, et il peut y en avoir beaucoup, toutes fondues en la fameuse « différentielle » permettant d’atteindre le même niveau qu’avant le transfert. Le cahier des exigences sociales est éloquent :

« La modification des conditions de travail ne s’accompagne pas d’une dégradation de la rémunération globale du salarié concerné ; l’objectif étant de maintenir le niveau de rémunération brute annuelle du salarié hors heures supplémentaires, versé au cours des douze mois précédant le transfert, à temps de travail égal, en prenant en compte le temps de travail effectif et les coupures hors dépôts aménagés »

La « différentielle », complètement personnalisée, garantit le même revenu aux anciens (du moins, garantit que leur revenu soit mangé par l’inflation en quelques années), les « concernés », mais échappe complètement aux nouveaux embauchés. Notons que la logique est la même à la SNCF. Dès maintenant, les cheminotEs « au statut » ne sont pas logés à la même enseigne que les cheminots contractuels. Quant aux nouveaux salariés recrutés par une entreprise gagnant un appel d’offres, le régime sera encore différent. Dans tous ces cas, les différences peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros ! Arme massive de division entre travailleurs qui font le même travail !

Contre la mise en concurrence des travailleurs, pour un mouvement d’ensemble des travailleurs du transport !

Les trois étages du missile sont lancés, à des rythmes différents selon les entreprises. Le patronat étale son calendrier d’attaques sur vingt ans pour étaler les réactions ouvrières. Des réactions, il y en a pourtant.

La grève à Transdev à l’automne dernier, d’abord, qui s’est étendu à des filiales du groupe qui n’avaient pas encore eu leur transfert (Montereau et Rambouillet sont concernés pour janvier 2023, Nemours et Chelles pour août de la même année). Des grèves « préventives » donc, qui démontrent qu’au-delà des particularités locales, terrain sur lequel Transdev a réussi à faire reprendre le travail avec l’aide de syndicats complaisants, il y a la possibilité d’une lutte d’ensemble.

À la RATP ensuite, où les trois jours de grève des 23, 24 et 25 mai contre la mise en place du CST ont été précédés de deux grosses journées (18 février, 25 mars) pour revendiquer des augmentations de salaires. À la SNCF enfin, la colère se manifeste également à travers une multiplication des conflits locaux et sectoriels depuis plusieurs mois. Avec souvent au premier plan la question des salaires dans un contexte d’inflation galopante et de gel des rémunérations depuis de longues années.

Dans le reste du secteur, l’année a été chaude. Il n’y a pas une semaine sans qu’une entreprise, plus ou moins grosse, rentre en lutte. Encore récemment, les conducteurs de bus de Keolis Pays d’Aix qui gère le réseau urbain d’Aix-en-Provence ont fait trois semaines de grève et ont gagné 75 € bruts de plus par mois. Cet hiver, les conducteurs des VFD (Rhône et Nord-Isère) ont obtenu l’intégration de la prime différentielle à leur taux horaire.

Ces grèves nombreuses mais encore dispersées ne portent pourtant pas tant sur les conséquences des appels d’offres qui sont déjà monnaie courante pour une bonne partie des travailleurs du secteur, mais sur les conditions de travail et de salaires, notamment à l’occasion des négociations annuelles. Les deux ne s’opposent pas, car pour s’opposer aux attaques à venir sans tomber dans le piège de défendre l’existant, la seule solution est encore de se battre dès maintenant pour imposer ses revendications.

Les directions syndicales prétendent règlementer ou encadrer la « concurrence » dans le cadre de négociations avec les patrons ou les autorités organisatrices. Mais, au nom du « moins pire », ces accords, négociés à l’échelle de la branche ou entreprise par entreprise, avalisent sans cesse des reculs présents ou futurs et divisent les travailleurs selon leur situation particulière. Or, l’attaque est générale, et appelle une riposte générale, un mouvement d’ensemble.

Il s’agit de chercher à construire l’unité entre travailleurs du transport quels que soient le statut ou l’entreprise. Pour imposer à tous les patrons le seul cahier des charges qui vaille, celui des revendications communes des travailleurs en lutte.

Et à l’heure où Macron et Borne promettent de remonter sur le ring avec leur nouvelle réforme des retraites avant l’été 2023, préparons-nous à ressortir les gants éprouvés lors de la grève de l’hiver 2019 qui avait vu travailleurs de la RATP et de la SNCF se battre pendant deux mois côte à côte avec la volonté de s’adresser à tous les travailleurs, du transport et au-delà.

  • 1.https://www.lejdd.fr/Eco…
  • 2.Interview du 24/02/22 à l’Usine Nouvelle.
  • 3.Le « statut » comporte notamment la garantie de l’emploi et l’affiliation au Régime Spécial au titre de la retraite. Il ne s’applique plus pour les nouveaux embauchés depuis le 1er janvier 2020 déjà au nom de la préparation à la future ouverture à la concurrence et de l’harmonisation du droit au niveau de la branche !
  • 4.Union des transports publics et ferroviaires, qui est le syndicat patronal de la branche.
  • 5.https://lanticapitaliste…
  • 6.On aura une première idée de ce qu’il en est au 1er août 2022, lorsque huit délégations de service public (DSP) pour l’exploitation d’une partie du réseau Optile démarreront (trois pour Transdev, autant pour Keolis, une pour RATP Dev et une dernière pour la filiale d’un fonds d’investissement luxembourgeois). Keolis, prochain exploitant du « lot 27 » (Vélizy-Villacoublay) s’apprêterait à transférer les salariés de la SAVAC, qui exploite actuellement une partie du lot, non pas à la filiale créée par Keolis (Keolis Vélizy Vallée de la Bièvre), mais à une petite société sous-traitante, les Autocars Dominique. Keolis jure que cela ne changera rien pour les conducteurs. On attend de voir.
  • 7.La logique est similaire à la SNCF : à l’hiver dernier, deux accords de branche – sur les « classifications et rémunérations » et les modalités de transfert – ont été signés par trois organisations syndicales (UNSA, CFDT, mais aussi… Sud-Rail) représentant 62,2% des salariés pour le premier, et deux organisations (UNSA Ferroviaire et CFDT-FGTE Cheminots) représentant 42,96 % des salariés pour le second. Au nom de la logique du « moins pire ».