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    La Cour européenne relance l’affaire Darmanin

    Lien publiée le 29 septembre 2025

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    EXCLU BLAST : La Cour européenne relance l’affaire Darmanin - Blast le souffle de l’info

    Accusé de viol mais épargné par la justice française, le cas du ministre de la Justice (démissionnaire) est désormais étudié par la Cour européenne des droits de l’homme. Saisie par Sophie Patterson, qui dénonce depuis 2017 des faits de viol commis par Gerald Darmanin, la CEDH doit se prononcer d’ici la fin de l’année. Blast dévoile le contenu de sa requête, qui étrille la façon dont le pays des Droits de l’homme enquête sur les crimes sexuels et protège ses ministres. Un réquisitoire accablant et glaçant.

    Le garde des Sceaux Gérald Darmanin, ex-ministre de l’Intérieur et auparavant de l’Action et des comptes publics, a-t-il profité de la cécité de la justice de son pays ? De tous les gouvernements depuis 2017 (à l’exception de celui de Michel Barnier), ce poids lourd de la Macronie est ressorti à peine égratigné par les plaintes pour viol et abus de faiblesse dont il a été la cible aux débuts de la présidence Macron.

    Une vie de jeune homme

    Un bref rappel des faits s’impose. En 2018, une enquête préliminaire pour des faits de viol est ouverte par le parquet de Paris sur plainte de Sophie Patterson. Les faits remontent à 2009, époque où Darmanin, 26 ans, est chargé de mission à l’Union pour un mouvement populaire (UMP).

    Encartée du parti présidentiel, Mme Patterson veut faire réviser une condamnation que la justice a prononcée contre elle. La jeune femme frappe naturellement à la porte de la formation de droite, où on l’oriente vers un jeune conseiller au cabinet du secrétaire général Xavier Bertrand. S’ensuit une première rencontre au siège de la rue La Boétie, puis un rendez-vous proposé peu après par celui qui est en charge des affaires juridiques de la maison. Gérald Darmanin lui propose de le rejoindre à dîner, puis de l’accompagner boire un dernier verre aux Chandelles, club libertin parisien, avant de la presser de le suivre dans un hôtel, Le Montpensier, où la soirée s’achève sur une relation sexuelle. Non consentie selon Mme Patterson, qui explique avoir été en état de sidération face à ce jeune élu lui faisant miroiter son intervention contre ses faveurs. Un événement lambda de « sa vie de jeune homme », selon le mot employé par le ministre, des années après.

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    Gérald Darmanin lors d’une interview sur RMC en février 2022, au cours de laquelle il apaise Apolline de Malherbe d’un « calmez-vous madame, ça va bien se passer ». Étouffant de galanterie...
    Image RMC

    Ciblé par deux enquêtes préliminaires - l’une ouverte sur la plainte de Mme Patterson, l’autre sur celle d’une habitante de Tourcoing -, toutes deux classées sans suite, puis par une information judiciaire, Gérald Darmanin a bénéficié en 2018 d’une ordonnance de non-lieu à informer, d’une ordonnance de non-lieu en 2022 et enfin en 2024 d’une décision de la Cour de cassation, terme d’un long feuilleton qui n’aura nullement freiné son ascension. Un plein septennat de procédure refermé au prix de tant d’originalités dans la conduite des enquêtes que Sophie Patterson et ses conseils ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme le 10 juin 2024 pour faire condamner la France. Une requête actuellement pendante, comme la CEDH l’a confirmé à Blast.

    Un cas d’école de gestion des agressions sexuelles

    La juridiction européenne ne pourra en aucun cas rouvrir le dossier pénal de Gérald Darmanin. Elle peut en revanche condamner la France pour sa gestion toute particulière des affaires dans lesquelles le ministre a été pointé. A eux seuls, ces dossiers sont un concentré des errements français dans la prise en compte et le traitement des agressions sexuelles. Un cas d’école dans lequel Blast a plongé pour en remonter les points saillants.

    Le premier élément qui pourrait faire tiquer les juges européens est de pur juridisme : la définition du viol en droit français. Voici comment le code pénal le définit : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol », selon son article 222-23. Cet énoncé évacue toute notion de consentement, de sidération, d’emprise ou même d’inconscience de la victime. Pour caricaturer (à peine), sans étranglement, prise de judo, clé de bras ou arme pointée sur la proie, pas de viol. Pourtant, dans les affaires d’abus et de violences sexuelles, nombre de femmes agressées expliquent ne pas avoir su comment réagir et être restées tétanisées par la situation.

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    Extrait de la requête adressée à la CEDH par Mme Patterson.
    Document Blast

    La phase de capture au restaurant

    « Le récit que Madame Patterson m’a partagé suggère qu’elle a fait appel à la dissociation corps-psyché, pointe ainsi un expert psychiatrique dans la procédure intentée contre Gérald Darmanin. Nous relevons les troubles dissociatifs avec choc, sidération et sensation d’être ‘piégée’ soit l’équivalent de la phase de capture au restaurant, où Madame PATTERSON Sophie, n’est plus en mesure de réagir de manière parfaitement adaptée à une situation où toute autre femme dans un contexte normal, aurait pris la fuite. » Plus loin le docteur Luis Alvarez se fait plus explicite encore. Il parle de « sinistrose » concernant la plaignante, relevant son « épuisement », son « désespoir » et « un état dépressif chronique ». Une situation qui « a pu [la] rendre vulnérable à l’emprise » de celui qui « se serait montré à elle comme un « homme providentiel » ».

    Un autre psychiatre, le docteur Béatrice Chéreau, abonde en ce sens. Voici ce qu’elle écrit sur la rencontre au siège de l’UMP : « Monsieur DARMANIN Gérald, à l’appui de sa position d’élu met en confiance et charme Mme PATTERSON Sophie sur un plan cognitif, phase d’accroche et de mise en confiance voire d’emprise cognitive, en lui assurant d’intervenir en sa faveur afin de plaider son innocence en haut lieu à l’appui d’un écrit ».

    Monsieur DARMANIN saisit Madame PATTERSON

    Une demi-heure à peine s’est écoulée après son départ, le rendez-vous ayant été écourté par Darmanin, celui-ci la rappelle. « Dans cette seconde phase (…) où il ne semble pas possible de prendre réellement le temps de réfléchir sereinement, Monsieur DARMANIN saisit Madame PATTERSON, la mettant à nouveau en confiance en prétextant une surcharge de travail afin d’imposer et de justifier un rendez-vous nocturne en dehors du cadre professionnel, soit un dîner (…) alors même qu’elle lui propose un petit-déjeuner (café) qui lui sera refusé par Monsieur DARMANIN. »

    Le rapport du docteur Chereau décrit clairement une stratégie qui crée une situation particulière. Le piège dès lors s’est refermé : « Madame PATTERSON Sophie n’est plus en mesure de réagir de manière parfaitement adaptée à une situation où toute autre femme dans un contexte normal, aurait pris la fuite. Dans un tel contexte, pour Madame PATTERSON Sophie, c’est la phase de soumission passive qui s’enclenche. »

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    L’expertise psychiatrique de Mme Patterson n’a pas ému les juges françaises.
    Document Blast

    Ces arguties n’ont guère passionné les juges d’instruction qui se sont succédé dans le dossier. « Le défaut de consentement de la partie civile ne suffit pas à caractériser le viol. Encore faut- il que le mis en cause ait eu conscience de lui imposer par violence, contrainte, menace ou surprise, un acte de pénétration sexuelle », écrit ainsi la juge Aïda Traoré, le 16 août 2018. Son ordonnance de non-lieu à informer a donc établi que la plaignante n’était pas consentante. Pas consentante mais déboutée.

    Qui ne dit mot consent, le viol à la française

    Quatre ans plus tard, après que la chambre de l’instruction a forcé le parquet de Paris à reprendre l’enquête, les mots sont à peine différents. Cette fois sous la plume de la juge Mylène Huguet. « Olga PATTERSON s'est elle-même astreinte à avoir une relation sexuelle avec Gérald DARMANIN pour obtenir l'envoi d'une lettre au garde des Sceaux et un réexamen de son dossier. Elle a eu de nombreuses occasions de partir et de refuser de suivre Gérald DARMANIN dans la chambre d'hôtel puis de quitter ce lieu. Notamment lorsque ce dernier s'en est absenté, assure la magistrate dans son ordonnance de non-lieu du 22 juillet 2022. Mme Patterson était donc consentante au sens de la loi. » En somme, qui ne dit mot consent. 

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    Le palais des droits de l’homme à Strasbourg, siège de la CEDH. Et destinataire d’une embarrassante requête pour la France.
    Image CEDH

    Pas sûr que les magistrats de la CEDH aient tout à fait la même analyse. Dans un arrêt récent du 4 septembre dernier, les juges strasbourgeois ont condamné la France précisément pour son ignorance du consentement. « La France a manqué à ses obligations (…), qui lui imposaient d’instaurer des dispositions incriminant et réprimant les actes sexuels non consentis et de les appliquer de façon effective », cinglent-ils. Pour préciser que le consentement « doit traduire la libre volonté d’avoir une relation sexuelle déterminée, au moment où elle intervient et en tenant compte de ses circonstances ».

    Au-delà de cette définition hors sol du viol, fort éloignée par ailleurs des critères de la convention d’Istanbul (dont la France est signataire), de nombreux préjugés sexistes ont nourri et orienté le déroulement des enquêtes dans l’affaire Darmanin.

    Gérald Darmanin a pu se méprendre sur vos intentions

    Assez classiquement, la plaignante a été sommée maintes fois d’expliquer pourquoi elle n’avait pas quitté le restaurant ou la chambre d’hôtel, pourquoi elle n’avait pas formulé son opposition, de répéter que non, elle ne s’était pas faite payer, tout en devant répondre encore à des questions renouvelées sur la façon dont elle était habillée. Tout son entourage a également été entendu et plusieurs psychiatres missionnés pour expertiser sa personnalité, sa psyché et ses paroles. Un traitement « all inclusive » épargné à Gérald Darmanin : aucune expertise, pas d’audition de proches pour celui qui était le suspect de ce dossier - et qui a reconnu une base factuelle qui établit au minimum le cadre d’un viol possible. Ainsi du refus de la juge Huguet d’entendre sa première épouse alors que celle-ci s’est signalée en mars 2021 pour demander par courrier à être convoquée, en découvrant les déclarations et la vie parallèle de celui dont elle partageait justement la vie.

    Il faut encore y ajouter, parmi les nombreux éléments pointés par la requête à la CEDH, des précautions aussi touchantes que choquantes dans les questions de la juge d’instruction. « Ne pensez-vous pas que Gérald DARMANIN a pu se méprendre sur vos intentions quand il a constaté que vous acceptiez de vous rendre avec lui au restaurant, dans un club échangiste, puis dans une chambre d’hôtel », interroge la magistrate le 28 octobre 2020. À elle seule, la formulation de cette question semble résumer l’intime conviction de la magistrate, et ainsi signer une suite attendue.

    Ce n’est pas sans difficulté. En effet, le recueil de déontologie des magistrats pose que le juge en charge d’une instruction, à travers son « son aptitude à écouter » et « la formulation de ses questions », « ne doit donner aucun signe d’approbation ou de désapprobation ». Cela pour respecter le principe constitutionnel d’impartialité.

    La juge Huguet, elle, changera à peine sa phraséologie dans son ordonnance de non-lieu de 2022. «[Gérald Darmanin] a pu légitimement se méprendre sur les intentions de Olga PATTERSON au vu du contexte et de l'attitude de la plaignante qui a accepté de passer une soirée avec lui au restaurant et de le suivre dans un club échangiste puis dans une chambre d'hôtel. » À se demander à quoi bon poser la question…

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    En novembre 2021, les avocates de Mme Patterson écrivent à la juge d’instruction pour se plaindre de ses refus de demandes d’actes, notamment d’auditionner l’ex-compagne de Gérald Darmanin. Mais pour la juge Huguet, « il n'est pas opportun de procéder à des investigations supplémentaires sur sa personnalité ».
    Document Blast

    Gonflé de préjugés, ce tableau se complète encore avec cet antique conte d’un homme infantilisé qui se retrouve face à une femme qui ne sait pas ce qu’elle provoque en lui… Ce stéréotype quasi biblique, qui assigne chacun à sa nature profonde et presque au péché originel, a été largement endossé par les juges d’instruction, quitte à bégayer et se mélanger quelque peu les hermines. Installant de fait une inégalité constante entre les deux parties au dossier - une femme face à un homme, une inconnue face à un homme public, une ex-call girl face à un ministre.

    Dépendance(s) de la justice

    Non seulement les deux magistrates qui se sont succédées - après une enquête préliminaire classée à la vitesse du TGV par le parquet de Paris - ont constamment écarté les demandes d’actes de la victime, mais elles ont également usé de procédés fort peu orthodoxes pour clore leurs instructions.

    Le 16 août 2018, sans avoir procédé à un seul acte ni diligenté d’enquête, Aida Traoré s’autorise à écrire « [qu’]il est manifestement établi que les faits de viol n'ont pas été commis », dans son ordonnance de non-lieu à information. Quasiment une déclaration de non culpabilité, par principe, qui part ailleurs et encore une fois relève normalement d’un tribunal, s’il le souhaite la prononcer. Et non d’un juge d’instruction dont le rôle se borne à estimer si les charges sont suffisantes ou non pour demander un procès. À condition d’avoir préalablement fait le travail nécessaire, en amont. Ici, on se demande sur quelles considérations la magistrate se fonde pour affirmer tranquillement pareille chose, au vu du néant de production.

    Il admet implicitement qu'il a pu profiter de la situation

    En 2022 rebelote, cette fois avec Mylène Huguet. « Il ressort des termes mêmes de la plainte avec constitution de partie civile et des déclarations de Olga PATTERSON que les éléments constitutifs du viol ne sont pas réunis », assène la magistrate. Et peu importe si les deux parties ont reconnu et l’acte sexuel et l’absence de consentement explicite. Des babioles. Et la juge Huguet, dans la même ordonnance, d’insister : « Gérald DARMANIN ne pouvait ignorer qu'Olga PATTERSON attendait une intervention de sa part afin que son dossier soit examiné et dans un SMS du 17 décembre 2009, il admet implicitement qu'il a pu profiter de la situation quand il répond à Olga PATTERSON qui lui reproche d'avoir abusé de sa position: « Tu as raison, je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner? », mais le droit ne se confond pas avec la morale. »

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    Le chef de l’État a placé son premier quinquennat en 2017 sous le signe de la défense des femmes… avant de promouvoir Gérald Darmanin.
    Image compte Facebook Emmanuel Macron

    On peut néanmoins considérer, à la suite de la plaignante, ses conseils et leur requête, que ce n’est pas à un juge d’instruction de trancher dans le secret de son cabinet ce débat et ces considérations morales sur les éléments intentionnels, quand les faits qui peuvent être matériellement actés (un lieu, une chambre, un acte sexuel, une date, une heure…) - et ils le sont dans ce dossier - sont établis. Et que, à partir de là, cette responsabilité doit revenir à un tribunal, pour que du débat public sorte une vérité judiciaire et que la cour juge souverainement.

    Un avis sur les faits

    « La juge conclut nettement à l’absence de caractérisation du crime en raison de l’absence d’éléments constitutifs, or il s’agit-là du rôle d’une juridiction de jugement, grince la requête à la CEDH de Mme Patterson. Elle devrait pourtant se contenter de se prononcer sur l’existence de charges suffisantes, ou non, en faveur de la caractérisation de ces éléments. Or, la juge semble davantage donner un avis sur les faits que sur la réunion d’éléments à charge ou à décharge et leur valeur. »

    Un regard moralisateur, des méthodes déloyales

    Là encore, un arrêt de la CEDH, le 25 avril dernier, a condamné la France pour la partialité sexiste dont font preuve ses services judiciaires. « Les autorités nationales, pointe la Cour européenne, ont manqué à leur obligation de protéger la dignité de l’intéressée, en l’exposant à des propos culpabilisants, moralisateurs et véhiculant des stéréotypes sexistes propres à décourager la confiance des victimes dans la justice. » À croire qu’on lit ici un arrêt sur l’affaire Darmanin, sur laquelle la CEDH se prononcera bientôt.

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    Le 9 novembre 2009, déjà, Sophie Patterson alertait le président du groupe UMP à l'Assemblée, Jean-François Copé, des agissements particuliers d’une de ses jeunes pousses.
    Document Blast

    À aucun moment, cette instruction à sens unique ne tient compte par ailleurs de la situation de déséquilibre manifeste entre les deux parties. C’est un point essentiel si on prétend se faire un avis sur l'intentionnalité de chacun, de façon rationnelle et équilibrée. Et les juges avaient dans le dossier de quoi peser cette dimension et la nature de cette relation, entre une jeune femme vulnérable et dépressive, qui réclame de l’aide, et un jeune loup de la politique, qui a toutes les raisons d‘être satisfait de son présent et confiant en son avenir.

    Une affaire, un contexte

    Au lieu d’explorer et pousser ces pistes, l’instruction conforte le suspect en le plaçant dans une position avantageuse, instaurée dès le départ. Lors de sa première comparution en février 2018 dans l’enquête préliminaire, il est entendu par les enquêteurs en audition libre. Ce choix du parquet lui garantit de quitter l’audition s’il le souhaite et lui évite toute contrainte (une garde à vue, par exemple). Puis le ministre se voit conférer le statut de témoin assisté, quand le dossier est rouvert après désignation d’un magistrat instructeur, malgré une attitude plutôt cavalière lors de la confrontation avec son accusatrice.

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    Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin trouve... charmante la juge d’instruction qui l’auditionne.
    Document Blast

    À sa décharge, l’institution judiciaire, comme policière, a évolué en terrain miné tout au long de la procédure. Quand Mme Patterson porte plainte, en juin 2017 puis à nouveau en janvier 2018, Gérald Darmanin est « seulement » ministre de l’Action et des comptes publics. C’est déjà un problème mais il enfle pour devenir par la suite organiquement intenable. Un mois après la réouverture de l’information judiciaire, en juin 2020, le suspect est promu ministre de l’Intérieur, le 6 juillet suivant. Autrement dit, il est désormais le patron des fonctionnaires… qui mènent les investigations.

    Ce contexte pour le moins contraint est pointé sévèrement par la requête sur laquelle la Cour européenne doit se prononcer.

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    Le 6 septembre 2022, pour faire appel du non-lieu prononcé le 8 juillet précédent, le conseil de Sophie Patterson dresse la liste des courses et des manquements de l’instruction. Autant de demandes d’actes qui ont été refusées.
    Document Blast

    Une relation de confiance d’homme à homme

    Au moment de la relance de l’instruction, le Premier ministre d’alors assure le 8 juillet 2020 qu’il n’a «aucun doute » sur l’issue de l’affaire. « Il y a déjà eu sur ces mêmes faits des actes d’instruction qui ont été clairement des actes de rejet », assène ce bon Jean Castex, en violation du principe de neutralité (dont il devrait être le garant) et tout autant de la vérité du dossier, qu’il n’est pas censé connaître au demeurant. Le président lui-même, au chevet de son ministre mis en cause depuis le début de l’affaire, s’en mêle publiquement lui aussi. D’abord avec une pudeur toute relative, dans une confidence distillée le 7 juillet 2020 à l’AFP. « L'entourage d'Emmanuel Macron estime pour sa part que la plainte pour viol semble évoluer "dans le bon sens"», informe une dépêche de l’agence. Ensuite en piétinant le reste de séparation des pouvoirs dans cette affaire. « Il y a une relation de confiance d’homme à homme », assume le chef de l’État le 14 juillet 2020 devant la presse, qualifiant Darmanin d’homme « intelligent »et « engagé ». Mieux, le locataire de l’Élysée expliquera avoir eu une discussion avec l’intéressé sur « la réalité des faits et de leurs suites. » Un quitus présidentiel qui vaut tous les procès.

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    L’équipe de Jean Castex : un gouvernement qui se serre les coudes autour de Gérald Darmanin.
    Image compte Instagram Gérald Darmanin

    Même en version condensée, cet inventaire des particularités de l’affaire Darmanin/Patterson, en passe de devenir Patterson vs France, donne le vertige - et cela sans compter sur de nouveaux éléments que Blast s’apprête à dévoiler dans une nouvelle enquête. Au moins sept conventions rattachées à la CEDH (1) sont foulées au pied par la gestion et le traitement judiciaires de ce dossier. Un constat effrayant qui expose la France à une nouvelle condamnation, aussi infamante qu’habituelle pour l’un des États les plus condamnés devant la juridiction.

    Le pays de la déclaration des Droits de l’homme a toutes les chances de conserver et conforter ce statut peu reluisant.

    (1) La convention sur l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et leurs obligations positives liées ; la convention sur la discrimination dans l’enquête pour viol ; la convention relative au procès équitable ; la convention sur la violation de l’impartialité par des partis pris sexistes; la convention relative à l’atteinte à la vie privée ; la convention victimisation secondaire et enfin la convention traitement procédural inhumain et dégradant.