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Ukraine-Mariopol: les babouchkas contre les forces spéciales
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Ville ouvrière du Donbass, Mariopol vit de véritables scènes de guerre. Il n'est pas certain que la proposition de Poutine de repousser le référendum suffise à apaiser les tensions. Reportage.
Mercredi 7 mai, 14 heures, commissariat de Mariopol. "Attention, ça va barder", nous avait averti un jeune activiste pro-russe en nous montrant, sur son téléphone, la photo d’un homme allongé face contre terre dans une marre de sang : un de ses amis, dit-il, qui aurait résisté à l’attaque des forces spéciales venues reprendre la marie durant la nuit… "Voilà ce qu’ils font de nous"
Cela fait maintenant une bonne heure qu’une foule de pro-russes en colère, manifeste devant ce commissariat où 15 des leurs hommes, arrêtés durant la nuit, sont retenus. Ils exigent leur libération, déversant un tombereau d’injures sur les membres des forces spéciales en armes, postés devant le bâtiment. La tension monte.
Puis, soudain, des cris : "Les fascistes, ils arrivent". Déboulent deux camions remplis de plusieurs dizaines de militaires ukrainiens cagoulés, armés de kalachnikov braquées sur la foule. Et ils tirent. Cris et hurlements. La foule terrorisée essaie de s’abriter comme elle peut. En fait, ce sont des tirs de sommation, mais c’est la panique générale. Une femme, littéralement hystérique, fait une crise de nerfs, ajoutant à la confusion. Les quelques manifestants pro-russes qui osent se mettre sur leur chemin sont repoussés sans ménagements à coups de crosse et de coups de pieds.
En cinq minutes, les militaires ont évacué les 15 prisonniers et disparu, aussi vite qu’ils arrivés. Une opération nette et sans bavure. Mais pendant dix minutes, c’était la guerre dans ce quartier populaire de Mariopol, ville ouvrière de 500.000 habitants, où les heurts entre séparatistes et forces spéciales ukrainiennes sont quasi-quotidiens.
Déclaration de Vladimir Poutine
En proposant de repousser le référendum réclamé par les autonomistes, initialement prévu le 11 mai, Vladimir Poutine va-t-il apaiser ce Donbass qui s’installe dans le chaos ? Vu de Slaviansk, de Donetsk, ou de Mariopol, où plusieurs immeubles administratifs sont toujours aux mains des pro-russes, dans une anarchie généralisée, ça sera difficile. Ici, personne ne semble prêt au compromis avec les "fascistes de Kiev".
"En vérité, la situation échappe désormais complètement à ceux là même qui l’ont organisée. La situation est devenue incontrôlable", nous dira au téléphone Sergei, un activiste pro-ukrainien de Donetsk, qui, menacé de mort, à du quitter la ville.
Seule certitude : les militaires ukrainiens envoyés par Kiev font manifestement tout pour éviter le bain de sang, mais ils n’arrivent pas à reprendre la main. Cette nuit là, à Mariopol, ils ont fini par réussir à évacuer la mairie à coups de gaz lacrymogène. Mais aux premières heures du jour, les indépendantistes hissaient à nouveau le drapeau sur le bâtiment cerné de barricades, de vieux pneus et de barbelés !
L'énergie du désespoir
Dans la matinée, une foule grondante, énervée, s’est rassemblée sur les lieux. Ici, pas de types encagoulés, pas de commandos armés, par de kalachnikovs pour tenir les lieux, comme à Slaviansk ou Donetsk. Juste des habitants du coin, des retraités, des chômeurs, des ouvriers condamnés au chômage technique, dans cette région sidérurgique lourdement touchée par la crise. Ils sont pauvres, mus par l’énergie du désespoir, convaincus que "la clique de Kiev" les écrasera. Ils ne veulent pas forcément un rattachement à la Russie :
Il faut que le peuple décide"
Non, ce qu’ils exigent, c’est l’autonomie pour le Donbass, en tout cas, la rupture avec Kiev "qui pompe tout notre argent tout en nous traitant comme des citoyens de seconde zone".
Dans la foule, les vieilles femmes, très nombreuses, sont littéralement déchaînées. L’une d’elle se met soudain à sangloter :
Je vous en supplie à genoux, dites la vérité : nous ne voulons pas de ces fascistes, vous comprenez ça ? Tout ce qu’il s veulent, c’est nous exterminer. On n’est pas des terroristes, on n’est pas des séparatistes. Notre seul crime, c’est de vouloir barrer la route aux nazis. On donnera notre vie pour ça s’il le faut."