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Au Mexique, le sous-commandant Marcos "cesse d’exister"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) « Marcos cesse d'exister », a déclaré, dans un communiqué publié dimanche 25 mai, le sous-commandant Marcos qui était réapparu en public, la veille, après cinq ans d'absence. Porte-parole de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), le charismatique guérillero annonce quitter la direction du mouvement qui lutte, depuis vingt ans au Mexique, pour la défense des droits des indiens. Une annonce choc, justifiée par les réorientations stratégiques que connait l'EZLN.
L'homme à la pipe et au passe-montagne a créé la surprise, samedi 24 mai, en faisant une apparition lors des funérailles d'un dirigeant zapatiste dans un quartier indigène de la ville de Las Margaritas dans l'Etat du Chiapas (sud). Face à des milliers de membres et sympathisants de l'EZLN, Marcos serait arrivé « à cheval avec un bandeau de pirate sur l'œil droit et fumant son inséparable pipe », a rapporté le Pozol Colectivo, un des rares médias communautaires autorisés àassister à l'événement. Marcos aurait rendu hommage à José Luis Solis Lopez, surnommé « Galeano », tué le 2 mai au cours d'un affrontement entre l'EZLN et des membres d'une organisation ouvrière, proche du gouvernement du Chiapas et du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, au pouvoir).
Quelques heures plus tard, Marcos annonçait que sa « voix ne portera plus celle de l'EZLN ». Dans un long communiqué au style sarcastique, il explique que le personnage du « sous-commandant Marcos » a « été créé » par les Indiens, après l'insurrection armée du 1er janvier 1994. Selon lui, le recours à un métis, pour incarner le combat pour l'autonomie des communautés indiennes et contre le néolibéralisme, visait à attirer davantage l'attention de l'opinion publique. « La sagesse indienne se méfiait de la modernité au sein d'un de ses bastions : les médias de communication », justifie-t-il.
ÉCHEC DE LA CARAVANE ZAPATISTE
Pari gagné en regard de la popularité suscitée par l'énigmatique guérillero cagoulé. A l'époque, la pression nationale et internationale contraint le président Carlos Salinas de Gortari (1988-1994) à ordonner un cessez-le-feu, après onze jours de combats. Le soutien de nombreux intellectuels, du sociologue Alain Touraine à l'écrivain Régis Debray, du linguiste américain, Noam Chomsky, au cinéaste Oliver Stone, force le gouvernement à négocier avec les rebelles. En 1996, les Accords de San Andres reconnaissent notamment la culture des Indiens et leur droit à l'autogestion. Mais ce pacte ne sera jamais appliqué dans sa totalité. Dix ans plus tard, l'échec de la caravane zapatiste pacifique, baptisée l' « Autre campagne », qui avait traversé le Mexique pour unir les minorités du pays, incite Marcos à sortir progressivement de la scène publique.
La dernière apparition de celui que les autorités ont identifié comme Rafael Sebastian Guillen Vicente remontait au 3 janvier 2009 au Chiapas, à l'occasion du 15ème anniversaire du soulèvement de l'EZLN. Depuis, ce philosophe mexicain de 56 ans se contentait de signer des communiqués et de publier des articles. Cette absence alimentait les rumeurs sur son état de santé. « Le remplacement au commandement n'intervient pas pour maladie ou pour décès, ni pour mutation interne, purge ou épuration », assure-t-il, précisant que cette décision s'explique par les « changements internes qu'a connus et que connaît l'EZLN ».
Depuis plusieurs années, le mouvement zapatiste s'est réorienté vers l'actionpolitique au sein d'une quarantaine de municipalités autogérées, réunies en cinq zones, appelées « Caracoles ». En janvier, à l'occasion du vingtième anniversaire de leur soulèvement, les rebelles ont organisé une nouvelle édition de leurs « écoles zapatistes », accueillant au sein de ces îlots de résistance des Indiens d'autres régions du pays, des chercheurs et autres militants des droits de l'homme, dans l'espoir que leurs méthodes d'autogestion fassent école.
Selon le communiqué, la mort de M. Solis Lopez a été le « moment adéquat » pour annoncer la disparition du personnage de Marcos, prévue de longue date. D'autant que d'autres personnalités montantes, tels le sous-commandant Moises et le commandant Tacho, avaient déjà pris la relève. En l'honneur du défunt, Marcos déclare qu'il se fera désormais appeler « Galeano », sans préciser s'il continuera, ou non, de jouer un rôle clé au sein de l'EZLN sous ce nouveau pseudonyme.