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Danemark: comment expliquer le succès de l’extrême-droite ?

international

Lien publiée le 9 juin 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) « Benvenue dans la nation la plus heureuse du monde », proclament les slogans d'une bière locale à l'aéroport de Copenhague. Depuis que les deux premiers rapports sur le bonheur de l'ONU ont décrété, en 2012 et 2013, que les Danois étaient le peuple le plus heureux au monde, ce petit royaume de 5,6 millions d'habitants est observé de près. C'est ce même pays qui, lors des élections européennes du 25 mai, a voté à 26,6 % en faveur du Parti du peuple danois (DF), mouvement d'extrême droite eurosceptique et anti-immigrés, devenu le premier parti du Danemark.

Affiche du candidat du Parti du peuple danois (extrême droite), Morten Messerschmidt, pour les européennes de mai 2014.

« Depuis l'arrivée au pouvoir des sociaux-démocrates , beaucoup d'électeurs sont en colère, car leurs politiques fiscale et sociale sont plus à droite que ce que les gens attendaient, estime Rune Stubager, politologue à l'université d'Aarhus. Quant aux libéraux, ils ont été affaiblis par le scandale des cadeaux qui a éclaboussé peu avant les élections leur président, Lars Lokke Rasmussen. » Ce dernier a même été surnommé « Luksus-Lokke » (Luxe-Lokke) par les médias.

« Le système danois est fondé sur l'égalité sociale et la confiance. Nous partageons des valeurs sociales et morales et faisons confiance au système politique. Si un homme politique ne respecte pas la culture d'égalité, les Danois régissent très fortement », commente le romancier Jens Christian Grondahl, publié en France chez Gallimard.

« BRUXELLES A TROP DE POUVOIR »

Hvidovre, une commune de 51 000 habitants à l'ouest de Copenhague, a voté à 35 % pour DF aux élections européennes, après avoir été pendant près d'un siècle un bastion de la social-démocratie. C'est dans ces quartiers que les ouvriers méritants pouvaient déménager. L'actuelle première ministre sociale-démocrate, Helle Thorning-Schmidt, issue de cette gauche prolétarienne qui s'est embourgeoisée au fil des décennies, en est la plus belle illustration.

DF a été favorisé par une polémique concernant un étudiant d'un pays de l'UE dont la demande de bourse avait été refusée. Au Danemark, cette bourse s'élève à 1300 euros par mois, pendant cinq ans. En février 2013, la Cour européenne dejustice avait obligé le Danemark à accorder des bourses à davantage d'étudiants européens. « Le système éducatif danois est vraiment sous pression, souligne Marlene Wind, directrice du Centre des politiques européennes de l'université de Copenhague, et le fait qu'un tribunal étranger nous dise qu'on doive payer des étrangers a été très mal perçu. » Dans la foulée, un débat sur le dumping social des travailleurs européens a enflammé les esprits.

Dans la paisible cité de Hvidovre, certains habitants ne s'expliquent pas ce vote DF : « On a un bon système social, les soins gratuits, l'école gratuite », explique Lene Raavig, une enseignante qui a voté pour un mouvement de gauche opposé à l'UE. Flemming Jensen, lui, a vécu toute sa vie à Hvidovre et travaille dans une crèche. D'habitude plus radical, il a voté social-démocrate : « Heureux, oui ; nous payons beaucoup d'impôts et les gens ont l'impression qu'on s'occupe bien d'eux. On ne souffre pas, on ne manque de rien. »

Ce bonheur n'empêche pas Jean Helge Lyrdal, 71 ans, de voter pour le Parti du peuple danois depuis 1998, après avoir voté social-démocrate : « J'ai voté DF parce que je ne veux pas qu'on perde de souveraineté ; Bruxelles a trop depouvoir, et puis on a trop de criminels étrangers, il faut les stopper. »

Au café Claudio, Pernille Rabe, la serveuse, a son analyse : « Nous sommes très égoïstes. On veut tout ce qui est bien de l'UE, mais pas le reste. Et on a tellement peur d'abandonner notre culture. Les jeunes seront plus ouverts, je crois, mais le problème est que ces jeunes ne croient plus dans les politiciens car rien ne change. »

« Les Danois se sentent propriétaires de cette société financée par leurs impôts très lourds, analyse Jens-Christian Grondahl. Et quand une politique d'austérité est mise en place, nous nous sentons trahis, surtout si cela intervient à un moment où l'intégration ne fonctionne pas, avec des immigrés d'origine musulmane qui ne contribuent pas aux impôts et profitent du système. Les Danois réagissent à ça. »

« LES DANOIS VEULENT QUE ÇA RESTE COMME ÇA »

A quelques centaines de mètres du centre commercial, Mikkel Dencker reçoit chez lui, dans un pavillon immaculé. A 38 ans, il a failli devenir le premier maire d'extrême droite du Danemark lors des municipales de novembre 2013. Faute de majorité derrière lui, Mikkel Dencker a saisi la main tendue par la maire sociale-démocrate sortante, et Hvidovre se retrouve avec une coalition éclectique : des sociaux-démocrates, des socialistes de gauche, et DF.

Quand on lui demande s'il est heureux, Mikkel Dencker répond avec un souriresatisfait : « Les gens se sentent en sécurité, ils se font confiance les uns les autres, même avec des gens qu'ils ne connaissent pas. Et les gens se sentent aussi en sécurité sur le plan économique, s'ils perdent leur emploi. En votant pour nous, les Danois veulent que ça reste comme ça, alors que les autres partis veulent plus d'intégration dans l'UE, une UE dont les décisions bouleverseront notre situation. »

La politologue Marlene Wind constate que « DF se présente comme le parti social-démocrate des origines, généreux pour les dépenses sociales, préoccupé par les personnes âgées ». L'écrivain Jens Christian Grondahl abonde dans ce sens : « Pour beaucoup d'électeurs, DF est devenu un parti social-démocrate alternatif. »