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Macron : la feuille de route du larbin du Medef
Les rabatteurs de Macron peuvent être fiers d'avoir fait voter en masse pour Macron. Ce dernier compte les remercier par une thérapie de choc contre les acquis des travailleurs. Il peut bénéficier d'une propagande inédite des grands médias capitalistes, et malheureusement d'un attentisme pitoyable mais néanmoins si prévisible des directions syndicales.
La feuille de route de la Commission européenne
La Commission adresse régulièrement ses « recommandations » à chaque gouvernement. La dernière mouture consacrée à la France1 est sans surprise. La Commission diagnostique le « faible niveau de compétitivité » de l'économie française. En cause : le coût du travail évidemment trop élevé, les augmentations de salaire évidemment trop rapides, les règlements évidemment trop lourds, etc. La Commission, en bon agent du capitalisme pur et dur, martèle la même chose rapport après rapport. Elle loue néanmoins l'action de Hollande et de Macron depuis 2012 : « Ces mesures de réduction de la pression fiscale sur le travail ont amélioré la compétitivité de la France depuis 2013, mais les pertes précédemment accumulées n’ont pas encore été récupérées ». C'est bien, mais peut et doit beaucoup mieux faire ! C'est à dire pire pour les travailleurs et les travailleuses.
Pour cela, le gouvernement français doit continuer à baisser les cotisations sociales, mais il doit aussi veiller à comprimer les salaires nets : « Une augmentation du salaire minimum entraîne des augmentations salariales pour la plupart des catégories de travailleurs et comporte le risque de compresser les salaires vers le haut ». On notera le concept « compression vers le haut » et les salarié.e.s apprécieront de voir qu'un alignement des salaires vers le haut est perçu comme un « risque ». Mais évidemment, les grands médias capitalistes n'en diront pas un mot. Puisque « les entreprises restent confrontées à de lourdes contraintes réglementaires et à une législation qui change rapidement », Macron est appelé à réduire les charges réglementaires et aussi à réduire les effets de seuils : « des effets de seuil continuent de limiter le développement des entreprises, ce qui a des implications pour leurs performances économiques et de marché ». La Commission recommande aussi d'ouvrir les professions réglementées car il est insupportable que des travailleurs/euses soient indûment protégé.e.s de la discipline du libre marché. Il faut aussi adapter le système de formation aux besoins du patronat, car s'il y a du chômage, c'est bien évidemment parce que les chômeurs.euses ne sont pas assez employables, pas en raison de la crise d'un système barbare !
La nouvelle loi travail
Le programme de Macron est simple : appliquer la feuille de route de la Commission européenne, c'est-à-dire mettre en place les réformes structurelles pour démanteler les acquis sociaux et améliorer la « compétitivité » de l'économie française. Il lui faut donc poursuivre et amplifier ce qui a été entamé par Hollande avec la loi El Khomri.
Le premier étage de la fusée anti-sociale est la nouvelle loi travail que Macron veut faire adopter par ordonnance. Alors que la loi El Khomri donnait la primauté aux accords d'entreprises pour le temps de travail, il s'agit d'inverser la hiérarchie des normes dans tous les domaines : salaires, conditions de travail, etc. C'est toute l'architecture du droit du travail qu'il s'agit de démanteler, en permettant aux patrons de faire passer des accords d'entreprise rétrogrades sans aucune limite. Et si les patrons ne trouvent pas de partenaires syndicaux majoritaires pour cela, ils pourront alors organiser un référendum et exercer un chantage sur les salariés.
Macron veut aussi plafonner les indemnités prud'homales (prévue dans la loi El Khomri avant d'être retirée) pour sécuriser les patrons voyous. Il veut fusionner les instances de représentation du personnel, lutter contre les effets de seuil, pour alléger les contraintes pour les patrons. En un mot, Macron veut flexibiliser totalement le marché du travail pour comprimer les salaires et précariser les travailleurs et les travailleuses. Tous les moyens doivent être utilisés pour tenter de faire remonter le taux de profit des capitalistes.
En complément de ces réformes qualitatives, Macron veut sécuriser les cadeaux au patronat : le CICE devrait ainsi être pérennisé en baisses de cotisations sociales. Macron envisage même un double cadeau pour l'année de transition (2018) : les patrons percevraient le CICE au titre de l'année 2017 et ils bénéficieraient également de la baisse des cotisations qui prendraient effet en 2018. Et dire que l'on entend justifier la liberté d'exploiter donnée aux patrons en raisons des « risques » qu'ils prendraient !
Dans le même temps, pour financer tous ces cadeaux au patronat, il faudra sabrer dans les dépenses sociales et les fonctionnaires seront au régime sec2 : le point d'indice sera à nouveau gelé, un jour de carence pour les arrêts maladie sera réintroduit, et les effectifs vont diminuer. Le gouvernement prévoit 70.000 suppressions de postes dans la fonction publique territoriale, et 50.000 dans la fonction publique d’État.
Après la loi travail, Macron veut s'attaquer aux chômeurs/euses et au système de retraites
Une fois la nouvelle loi travail adoptée, Macron souhaite poursuivre à la fin de l'année avec sa réforme de l'assurance chômage. Il s'agit d'en finir avec la logique de la Sécurité sociale, où les chômeurs/euses perçoivent un salaire socialisé financé par les cotisations sociales, complément du salaire direct des travailleurs/euses. Dans cette logique, les chômeurs/euses sont considéré.e.s comme des travailleurs/euses et perçoivent à ce titre une partie du salaire socialisé. Comme les prestations chômage sont du salaire, l'Unedic a vocation à être dirigé (comme la Sécu) par les représentant.e.s des travailleurs/euses. Il se trouve que l'Unedic (comme la Sécu) est un organisme paritaire car les patrons ont été introduits dans la gestion de ces institutions salariales. Mais Macron veut en finir avec ces institutions : il veut « nationaliser » l'Unedic. Ainsi, les allocations chômage seront financés par l'impôt (payé par tous alors que les cotisations sont payées par les patrons en complément du salaire direct) et donc gérées par l’État. Les chômeurs/euses seront considéré.e.s comme des « assisté.e.s » qui auront droit à une allocation, à condition de la mériter. Si un.e chômeur/euse a le toupet de refuser deux offres d'emplois « décentes » (et Macron a déjà précisé qu'un emploi avec un salaire inférieur à 20% à celui de son dernier poste était « décent »), il/elle sera puni et donc privé d'allocation. Macron compte aussi repousser à 57 ans (au lieu de 52 ans) l'âge permettant de toucher un maximum de 36 mois de chômage (au lieu de 24 mois pour le régime commun). Ce type de réforme a été mis en place en Allemagne au début des années 2000, et vise à contraindre les chômeurs/euses à accepter n'importe quel boulot. Aujourd'hui, nombreux/euses sont les salarié.e.s qui, face à l'augmentation de la précarité, cumulent deux voire trois emplois sous payés, signifiant ici une « flexibilisation » extrême du travail !
En 2018, Macron compte s'occuper de notre système de retraites, en mettant en place la « retraite par points ». Le système ne serait plus à « prestations définies » (la pension étant fixée en proportion du dernier salaire par exemple), mais à « cotisations définies ». La pension de retraite deviendrait aléatoire, la valeur du « point » de cotisation fluctuerait en fonction de l'espérance de vie, de la croissance, et autres critères... Autrement dit, notre retraite serait une variable d'ajustement : nous serions autorisés à recevoir ce qui est compatible avec la nécessité de maintenir des profits suffisants pour les capitalistes !
Macron cherche à imposer une nouvelle représentation du système de retraites : les cotisations constitueraient une sorte d'épargne individuelle... qui serait amortie à partir du moment où on part en retraite. Cet amortissement dépendrait de l'espérance de vie : plus celle-ci est estimée importante, moins la pension serait élevée. Car l'idée est que les pensions perçues doivent être égales à ce qu'on a cotisé quand on était actif. Cette représentation est mensongère : d'ailleurs quand on a instauré la Sécu, les retraité.e.s ont perçu une pension de retraite... alors qu'ils et elles n'avaient jamais cotisé ! « Ma » pension de retraite n'est pas financée par « mes » cotisations d'hier, mais par l'ensemble des cotisations d'aujourd'hui. Nos retraites sont une composante du salaire socialisé d'aujourd'hui. La pension de retraite, c'est du salaire ! C'est le salaire continué des travailleurs qui échappent, en raison de leur âge, à la contrainte de devoir vendre leur force de travail à un capitaliste ! C'est pourquoi nous revendiquons le droit de partir à la retraite à 60 ans (55 ans pour les travaux pénibles) avec 100% du dernier ou du meilleur salaire, sans condition de durée de cotisation !
Les directions syndicales laissent le champ libre à Macron
Loin de préparer la mobilisation, les directions syndicales se font un plaisir de discutailler avec Macron. Le dirigeant de FO, Mailly, tente de disputer la palme du vendu à Berger (CFDT). Il est avide de discussions avec Macron : « Si on a une concertation, on est prêt à travailler tout l'été ». Il est prêt à accompagner tous les reculs sociaux, du moment qu'on y mette les formes, y compris sur le plafonnement des indemnités prud'homales ! Sur cette mesure, il a indiqué : « Après, tout est dans les détails : les niveaux de plafond, les exceptions à la règle ». On a bien compris sa stratégie : quémander une mesurette en contrepartie d'un recul social majeur. C'est la méthode CFDT.
Macron a bien fait de recevoir les directions syndicales, ces bureaucrates ne sont pas insensibles à ces signes de reconnaissance. « On n'est pas d'accord mais au moins on a échangé » s'est félicité Martinez (CGT) au sortir de son entretien avec Macron mardi 23 mai. La direction de la CGT n'envisage pas la moindre mobilisation nationale pendant l'été, et tire à boulets rouges contre les militant.e.s syndicaux qui ont le toupet de vouloir se mobiliser, en affichant son mépris pour le collectif « Front social »3.
Macron a ainsi le champ libre pour avancer. Il devrait présenter son texte début août pour un vote d'habilitation à procéder par ordonnance en septembre. Mais pour les directions syndicales, il est urgent d'attendre et de continuer les palabres avec le pouvoir.
Refuser la casse de nos acquis sociaux, dans les urnes les 11 et 18 juin et dans la rue immédiatement après !
Il nous reste un peu plus de deux semaines pour convaincre autour de nous de la nocivité du programme de Macron. Les médias font diversion en nous parlant de « renouveau », du « parcours exceptionnel » de cet homme d'exception qu'il nous faudrait admirer ! On assiste aujourd'hui à la déliquescence accélérée de nos acquis démocratiques, avec une presse plus aux ordres que jamais qui cherche à nous faire passer ce représentant direct des intérêts patronaux pour le perdreau de l'année. Lors des élections législatives des 11 et 18 juin prochain, il faudra tenter d'empêcher le triomphe de Macron et des intérêts qu'il représente, en faisant élire un maximum de députés qui s'opposent à la casse sociale.
Dès le 19 juin, à l'appel du « Front social », il faudra se mobiliser dans la rue car le rouleau compresseur anti-social risque de déferler très vite. Cette échéance doit permettre de mettre en discussion un plan de mobilisation pour empêcher la casse du code de travail par ordonnances. Et nous devrons mener la bagarre sur nos lieux de travail, dans nos syndicats, pour réunir les conditions d'une immense mobilisation pour l'ensauvagement de la société que nous programment Macron et ses commanditaires.
1https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/2017-european-semester-country-specific-recommendations-commission-recommendations_-_france-fr.pdf
2Cf. http://tendanceclaire.org/breve.php?id=23946