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Covid-19 : réflexions sur la possibilité d’une sortie de "crise"

Par Erasmus Spikher (22 janvier 2022)
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Nous publions aujourd'hui une nouvelle élaboration sur la politique sanitaire qui est en cours de discussion au sein de la Tendance Claire. Nous la portons sans attendre à l'attention de nos lecteurs et lectrices. Notre position sur la politique sanitaire sera affinée dans les jours et semaines à venir.

Les progrès de la vaccination dans la population et l’émergence fulgurante du variant omicron, beaucoup plus contagieux mais moins virulent que les variants précédents, doivent aujourd’hui permettre de poser sérieusement la question de la sortie de crise. C’est en un sens ce qu’a contribué à faire le gouvernement en annonçant ce jeudi un calendrier prévoyant la levée progressive d’un certain nombre de mesures restrictives encore en vigueur, sans pour autant assumer qu’il s’agissait désormais de sortir d’une politique de gestion de la crise épidémique et d’accepter de vivre avec un virus destiné à devenir endémique. Cette occultation condamne la position du gouvernement à rester ambiguë. De fait, au moment où le pic des contaminations est sur le point d’être atteint, où les entrées en réanimation ont déjà commencé à baisser et où de plus en plus de pays réfléchissent à leur protocole de sortie de crise, le gouvernement s’aperçoit bien qu’il est temps de lever certaines mesures de restriction, mais parallèlement il joue à contretemps quand il s’emploie à transformer le pass sanitaire en pass vaccinal. Il annonce l’assouplissement de certaines restrictions en février, mais en même temps il s’agit bien de reconduire les mesures annoncées début janvier et qui devaient au départ être levées le 24 janvier. La levée de certaines restrictions, dont les plus envahissantes au quotidien (par exemple l’obligation du masque en intérieur), n’est pas même évoquée – symptôme qu’il ne s’agit pas encore d’assumer une véritable sortie de crise. Le gouvernement joue dans un entre-deux, mais contourne la question politique fondamentale qui se pose aujourd’hui, en fonction de laquelle toute stratégie sanitaire cohérente doit être décidée : faut-il se résoudre à accepter de vivre avec un virus qui circule et qui est appelé à devenir endémique, ou faut-il encore s’employer à limiter cette circulation (auquel cas on pourra selon les moments assouplir ou renforcer les mesures de restriction, en quelque sorte indéfiniment, sans que cela signifie qu’on soit sortis d’une stratégie de gestion de la crise) ? Par-delà donc la discussion du calendrier annoncé, et de son caractère opportun ou non, c’est cette question fondamentale qu’il convient d’abord de trancher.

De ce point de vue, il n’est pas surprenant que les annonces de Castex suscitent déjà des incompréhensions. Tant que ne sera pas levé le présupposé selon lequel la circulation du virus n’est pas acceptable, le relâchement des « mesures barrières » pourra toujours être jugé inopportun. Les débats font déjà rage sur cette question. Ils nous semblent pourtant manquer l’essentiel. Il est temps désormais, à l’inverse, de prendre au sérieux l’idée qu’on ne peut pas continuer indéfiniment à vivre sous le coup de mesures de restriction plus ou moins contraignantes (techniquement appelées dans la littérature scientifique NPI, non pharmaceutical interventions). Pour le dire en des termes triviaux, la question politique qui doit être sérieusement posée aujourd’hui est celle du retour à la « vie normale ». Réclamer la prolongation, voire le renforcement, des mesures de restriction ne peut plus être aujourd’hui une stratégie sanitaire valable.

En effet, on ne peut pas accepter la prolongation de telles mesures sans pouvoir répondre à la question : jusqu’à quand ? Or, si l’on accepte de prendre au sérieux cette question, il apparaît qu’il n’est pas de raison valable pour répondre « dans six mois plutôt que prochainement », ou « dans un an plutôt que prochainement », ou « dans deux ans etc. ». Dès lors, vouloir aujourd’hui prolonger les mesures plus ou moins contraignantes de lutte contre la circulation du virus (qui peuvent aller des plus autoritaires, à savoir le confinement, à ce qu’il est désormais convenu d’appeler les « gestes barrières » comme l’incitation à limiter ses interactions sociales, l’obligation du port du masque,  en passant par le tracing des contacts, l’obligation d’isolement, etc. – étant entendu qu’on peut soutenir certaines mesures plutôt que d’autres), voire même réclamer un renforcement des mesures en vigueur (par exemple en réclamant des protocoles plus lourds, au travail ou à l’école, etc.), n’est possible que si l’on se dispense de répondre à la question « jusqu’à quand ? ».

Pourquoi n’est-il pas possible de défendre la prolongation de l’essentiel des mesures servant à empêcher la circulation du virus en limitant les contacts sociaux et d’apporter une réponse satisfaisante à la question « jusqu’à quand ? » ? Pour le dire d’un mot : parce qu’il n’est plus rien à attendre qui soit susceptible de changer radicalement le cours des choses concernant l’avenir de l’épidémie. Il était juste de vouloir limiter par différents moyens la circulation du virus jusqu’à la vaccination massive de la population : effectivement, cette vaccination a permis de radicalement changer le coût social de l’épidémie, en protégeant très efficacement la population contre un niveau de risque de mourir qu’on pouvait jusque-là considérer trop élevé, mais qui a substantiellement baissé depuis. En revanche, on ne voit plus bien ce qui pourrait encore le faire baisser substantiellement, au point qu’on franchisse un seuil qualitatif qui justifie de lever à ce moment-là seulement les mesures non pharmaceutiques de crise. La situation ne sera jamais substantiellement meilleure que celle que nous connaissons pour entreprendre de mettre fin à cette période de « gestion de crise ». Il est donc temps de réclamer une véritable politique de sortie de crise, qui s’articulerait autour de deux axes parallèles : d’une part, achever la campagne de vaccination, en mettant en œuvre tous nos efforts pour vacciner les personnes les plus fragiles (en particulier les personnes plus âgées, sur lesquelles le pass vaccinal n’a pas eu l’effet requis) – et permettre enfin la vaccination massive dans les pays qui n’y ont toujours pas eu accès, à cause des brevets et de l’égoïsme des pays riches ; d’autre part, lever les mesures de restriction qui limitent les rapports sociaux au sein de la population.

Protéger grâce à la vaccination, en ciblant particulièrement les plus fragiles

En effet, même si la vaccination massive des adultes a déjà largement eu lieu (plus de 92% des plus de 12 ans sont vaccinés), l’effort ne doit pas être relâché. En particulier, le recours au pass sanitaire n’a pas permis d’atteindre les personnes isolées, donc toute une partie de la population qui court le plus de risques de finir en réanimation. D’après les chiffres récents de la DREES, on arrive à estimer qu’en ayant convaincu 80% des personnes de plus de 50 ans qui restent aujourd’hui non-vaccinées, on aurait divisé par près de deux le nombre des entrées en réanimation. Gagner quelques pourcents dans cette tranche d’âge représente en vérité une diminution considérable des risques d’entrer en soins critiques. Promouvoir la vaccination auprès des plus fragiles est aujourd’hui la stratégie la plus valable pour protéger le plus efficacement la population – ce qui implique prioritairement de protéger ceux qui courent le plus de risques. Il faut de ce point de vue s’en donner les moyens. Une étude récente de l’INSERM explique que 40% des non vacciné-e-s le sont à cause de difficultés d’accès au vaccin plus que par refus de la vaccination en elle-même. Une politique sanitaire ambitieuse prévoirait ainsi par exemple, outre le déploiement massif de centres de vaccination sur les lieux de travail, la constitution de brigades de vaccination pour atteindre les personnes isolé-e-s.

Sortir de la stratégie de la crise perpétuelle en levant prochainement les mesures de limitation

Cela dit, il faut en même temps reconnaître que même la vaccination de 100% de la population n’empêcherait pas la circulation du virus. Contre le variant delta, on estimait que le vaccin ne faisait baisser le risque de contamination qu’autour de 30-40% – même si les études ultérieures ont montré que la protection remontait avec une troisième dose – et cette protection tend à diminuer avec le temps. Ce n’est pas rien, mais cela signifie qu’on ne peut pas attendre de la vaccination qu’elle permette de supprimer la circulation du virus. On peut donc seulement la limiter par toute une série de mesures de contrainte non pharmaceutiques. Toutefois, il faut être clair sur ce point : celles-ci ne permettront pas d’atteindre un moment où le virus ne circulera plus, et où le relâchement de ces mesures ne nous ramènera pas au point où nous en serions de toute façon si nous les relâchions prochainement. Ces mesures peuvent bien retarder une vague de contamination, mais ces contaminations auront lieu à un moment ou un autre (quel que soit le niveau de vaccination de la population). Cela est d’autant plus vrai avec omicron, dont le taux d’échappement à la protection contre les contaminations (immunité stérilisante) est manifestement plus élevé encore, sans échapper pour autant à l’immunité contre les formes graves de la maladie (immunité protectrice).

Ceci signifie d’abord que, même avec la vaccination, la stratégie dite « zéro covid », avec toutes les mesures de limitation des contacts sociaux qu’elle implique, est devenue illusoire (contrairement à ce que pensait encore la Tendance CLAIRE dans son texte de septembre). On peut retarder des vagues, lisser temporairement des courbes, mais nous n’arriverons pas à zéro covid, et donc nous n’empêcherons pas que les contaminations auront lieu à un moment ou à un autre, de façon relativement incompressible. Ainsi, ce qu’on gagne en limitant la circulation du virus à un moment t sera de toute façon perdu au moment t+1, où nous relâcherons les mesures impliquées par cette stratégie. La vérité est la suivante : nous allons tou-te-s être infecté-e-s par SARS-CoV-2 dans les mois et les années à venir, et même plusieurs fois à l’échelle de plusieurs années. Le virus ne disparaîtra pas, mais il va devenir d’une façon ou d’une autre endémique. Les mesures de lutte contre la circulation du virus contribuent en fait à allonger le processus d’endémisation. Tous les pays ayant un temps adopté sérieusement une stratégie dite « zéro covid » (qui contrairement à ce qu’on laisse parfois croire à gauche ne pouvait pas consister simplement à installer des purificateurs d’air dans les salles de classe, favoriser le télétravail, avoir des tests gratuits, etc. ; une stratégie zéro covid, partout où elle a été un temps essayé, passe par des confinements à répétition, des limitations drastiques des interactions sociales, etc., en un mot des mesures moins populaires que celles évoquées ci-dessus), tous ces pays, donc, ont finalement plus ou moins explicitement renoncé (Singapour, Australie, Nouvelle-Zélande…)… À part sans doute la Chine, qui a malgré tout bien du mal à s’en sortir, et qui pour réussir dans cette politique se condamne à utiliser à répétition des moyens de contrôle et de restriction des libertés inacceptables, encore plus sur le temps long. Il faut encore noter que même quelque chose d’aussi évidemment impossible qu’un confinement planétaire synchronisé et par hypothèse universellement respecté de toute la population mondiale ne permettrait pas de faire disparaître la circulation du virus : Sars-CoV-2 se transmet de toute façon dans des réservoirs animaux importants, et continuera de muter dans ces réservoirs, et continuera donc de se transmettre aux êtres humains (quand bien même tous les variants animaux ne parviennent pas à passer vers l’être humain). Contrairement à ce qui est parfois expliqué, le cas de Sars-CoV-2 n’a absolument rien à voir avec celui de la variole, et ne sera pas éradiqué. Si l’on continue de soutenir que la stratégie pertinente est de limiter la circulation du virus, il faudra donc le faire à perpétuité : il n’y aura jamais de moments où les restrictions pourront être relâchées sans que le virus ne ressurgisse et que les contaminations ne repartent (il faudra alors reprogrammer ces mesures, et cela sans fin).

Vivre avec un virus destiné à devenir endémique

Il n’est peut-être pas inutile d’introduire ici quelques éléments de virologie (on pourra trouver dans ces articles de vulgarisation (néanmoins assez techniques) les maigres éléments rappelés ici, et d’autres encore : http://www.madore.org/~david/weblog/d.2022-01-04.2709.covid-endgame.html#d.2022-01-04.2709 et https://cspicenter.org/blog/waronscience/why-covid-19-is-here-to-stay-and-why-you-shouldnt-worry-about-it/) pour expliquer simplement pourquoi la circulation perpétuelle du virus est inévitable, ce qui rend caduque l’idée d’une limitation temporaire de sa propagation. L’endémisation du virus est son destin, quelle que soit la politique sanitaire adoptée ; et heureusement, ce destin est a priori acceptable socialement (quand bien même il ne le serait pas, nous n’aurions de toute façon pas le choix).

Sars-CoV-2 n’est pas la variole, c’est un coronavirus humain. Nous connaissons d’autres coronavirus humains aujourd’hui endémiques, mais qui ne l’ont pas toujours été (OC43, 229E, NL63 et HKU1). Ces coronavirus endémiques ne causent plus aujourd’hui, grosso modo, que des rhumes. On peut légitimement penser que cela n’a pas toujours été le cas : par exemple, une hypothèse défendue à propos d’OC43 est qu’il était en fait responsable de ce qu’on a appelé l’épidémie de « grippe » de 1889 (voir par exemple l’étude suivante : https://sfamjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1751-7915.13889 ; ou en français, cette tentative de synthèse sur la question : https://www.vidal.fr/actualites/26269-pandemie-de-grippe-russe-une-covid-du-xixe-siecle.html). Parallèlement, on connaît des coronavirus qui ne sont pas encore endémiques, et qui précisément causent des symptômes plus graves que les rhumes, exactement comme le Covid-19 aujourd’hui. Ce que tout cela suggère, c’est que le virus, en devenant endémique, devient de moins en moins grave. Peut-être que ce ne sera pas un simple rhume, peut-être que ce sera plutôt comme une grippe qui justifiera de vacciner régulièrement au moins la partie de la population la plus fragile, voire d’inciter, dans les semaines d’hiver les plus tendues, au port du masque dans les lieux clos à forte concentration de population ; il n’y aura aucun scandale à ce qu’une partie de la population doive régulièrement renouveler sa vaccination, et il ne faut pas y voir une raison de discréditer la protection que le vaccin permet d’apporter. Par ailleurs, l’expérience du Covid-19 doit conduire à se tenir constamment prêt à faire face à une nouvelle pandémie, avec en France comme partout dans le monde, un suivi de l’évolution du virus Sars-CoV-2 et des autres virus dangereux, l’amélioration des structures hospitalières, la constitution de stocks massifs de masques FFP2 et chirurgicaux, des usines dans chaque pays pour pouvoir produire rapidement et facilement des masques, des vaccins, des médicaments et des équipements médicaux... Reste qu’a priori, tout suggère que la circulation du virus Sars-CoV-2 à son stade endémique sera quelque chose de gérable socialement – et encore une fois, nous n’avons de toute façon pas le choix.

C’est le cas pour différentes raisons, mais dont la plus importante est l’acquisition d’une immunité protectrice (immunité contre les formes graves de la maladie) par la population via de premières contaminations. Si l’immunité stérilisante (immunité contre la contamination) semble insuffisante pour espérer nous protéger durablement contre la circulation du virus (plus encore l’immunité stérilisante acquise par le vaccin que celle acquise par une infection), et semble surtout facilement contournée par la mutation du virus (cf. delta par rapport aux premiers variants, omicron par rapport à delta, etc.), en revanche l’immunité protectrice va faire son œuvre. C’est le rôle du vaccin que de permettre que l’acquisition de cette immunité protectrice soit la moins coûteuse possible socialement (comprenons : la moins violente à l’échelle de la société). Toutes les conditions sont donc réunies pour changer de cap et accepter la circulation du virus (qui va avoir lieu de toute façon) tout en protégeant la population grâce à la vaccination. C’est aujourd’hui la seule stratégie sanitaire raisonnable.

Prolonger les mesures d’endiguement de la circulation du virus, voire les renforcer ne peut avoir dès lors que deux justifications : 1) éviter la saturation des hôpitaux en période de pic épidémique, et 2) limiter le risque de mutation du virus, avec un variant plus dangereux à la clé. Aucune de ces deux justifications n’est satisfaisante.

L’objection du risque de saturation des hôpitaux

Il est évidemment entendable qu’on souhaite éviter la saturation des hôpitaux, et en particulier des réanimations, avec possibilité de nombreuses morts à la clé. Mais il faudra alors encore une fois expliquer jusqu’à quand nous allons refuser le retour à une forme de normalité dans l’éventualité que les hôpitaux soient saturés. Les données actuelles suggèrent à l’inverse que la vaccination massive de la population, et d’autant plus si elle s’étend encore, permet de gérer ce risque (la vaccination est importante pour cela, et pas pour empêcher de contaminer son voisin). La vague delta a globalement été gérée sans que cela devienne absolument intenable d’un point de vue hospitalier (beaucoup moins que les premières vagues quand il n’y avait pas de vaccin). Quant à la vague omicron, dans tous les pays plus avancés que nous de ce point de vue (Afrique du Sud, mais avec une population très différente de la nôtre, tant sur le profil vaccinal que sur la structure démographique générale ; Danemark ; et surtout Royaume-Uni), celle-ci circule à une rapidité assez phénoménale sans pour autant saturer les hôpitaux. Malheureusement, leur état général a conduit dans plusieurs endroits à déprogrammer d’autres soins et même des opérations importantes, mais c’est avant tout à cause des politiques gouvernementales – une partie de ces déprogrammations ont d’ailleurs eu lieu par précaution, en prévision d’une saturation attendue, les médecins étant au quotidien contraints d’exercer ce genre d’arbitrages délicats pour gérer la pénurie de moyens. Globalement, le coût social des vagues delta et omicron n’est pas celui d’un système hospitalier qui explose et qui laisse les gens mourir par milliers sans pouvoir les traiter.

Au Royaume-Uni, la vague omicron ne s’est (pour l’instant, mais on a déjà le nombre de jours de recul nécessaire aujourd’hui) pas du tout fait sentir sur les réanimations :

En France, les hospitalisations sont certes encore en hausse, mais pas du tout au niveau des vagues précédentes et cela est encore en partie dû à la concomitance avec la dernière phase de la vague delta. Il y a en tout cas un décrochage net entre l’explosion des cas et la pression hospitalière, en particulier sur les réanimations, décrochage qui ne devrait faire que s’agrandir encore. Les admissions en soins critiques (ce qui est un ensemble beaucoup plus large que les seules réanimations : environ 4 fois plus de lits) ont nettement chuté, au point que le nombre de personnes actuellement en réanimation a lui aussi commencé à baisser :

On sait aujourd’hui de façon à peu près sûre qu’omicron n’envoie quasiment pas en réanimation (au Danemark, on comptait autour du 10 janvier plus de 66 000 cas d’omicron dont seulement 5 patients en réanimation, avec un chiffre stable depuis trois semaines ; une étude californienne menée sur plus de 52000 cas omicron recense 235 hospitalisations, et 0 cas ayant nécessité la mise sous ventilation mécanique (https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.01.11.22269045v1) ; en France, la proportion de cas positifs admis en soins critiques a été divisée par plus de 10 ces dernières semaines), qu’il envoie moins à l’hôpital et pour des durées beaucoup plus courtes (quelques jours d’oxygénation : soit une réduction de 70% par rapport à delta d’après l’étude californienne citée ci-dessus). Le pic est clairement sur le point d’être atteint (la vague commence déjà à marquer le pas dans les premières régions frappées par omicron), et tout laisse à penser que le système hospitalier ne connaîtra pas la saturation susceptible d’amener aux situations apocalyptiques dont on parlait encore beaucoup début janvier.

Donc, puisqu’il faudra bien relâcher les mesures de restriction un jour, aucune raison sérieuse ne s’oppose à ce qu’on le fasse très prochainement. Les conditions sont réunies pour reprendre une vie normale en société, avec un risque acceptable par rapport au niveau de risque qu’on acceptait déjà avant que fasse irruption le covid. En tout cas, il n’y a pas vraiment de conditions substantiellement meilleures à attendre.

L’objection du risque de mutation du virus

Reste l’objection selon laquelle ne pas tout faire pour limiter la circulation du virus serait intolérable dans la mesure où cela favorise le risque d’apparition de nouvelles mutations. Cette objection n’est en fait pas valable, pour différentes raisons techniques que nous allons détailler ci-dessous, mais encore une fois fondamentalement parce qu’elle n’envisage pas du tout le fait qu’il ne sera de toute façon pas possible d’empêcher éternellement la circulation du virus : ainsi, les mutations qui doivent arriver arriveront. La seule façon de l’éviter (et encore), ce serait une politique éternelle extrêmement dure de contention, à la chinoise si on veut, et cela au niveau de la planète. Puisqu’il est évidemment déraisonnable de défendre une telle stratégie, et que tous les partisans de l’endiguement de la circulation du virus préconisent des mesures un peu plus acceptables (masque, isolement, protocoles au travail et dans les écoles, éventuellement des petits confinements de temps à autre, etc.), et surtout pas indéfiniment, la possibilité des mutations n’est pas une objection contre une sortie de crise prochaine plutôt que dans tel autre laps de temps. L’argument des mutations sera toujours aussi vrai dans deux ou cinq ans qu’aujourd’hui, ce qui fait qu’on ne peut pas s’appuyer dessus pour décider quand sortir de la gestion de crise. Ce point encore général étant dit, il faut détailler les arguments qui rendent cette objection moins décisive qu’elle ne paraît d’abord :

  • Le risque de mutations est en un sens une fatalité, mais il ne doit pas être non plus surévalué de façon alarmiste. Le virus mute, mais il ne mute pas beaucoup (5 variants vraiment préoccupants en deux ans, et aucun qui ne résiste à l’immunité protectrice concernant les formes graves),
  • Surtout, Sars-CoV-2 mute beaucoup moins que d’autres virus qu’on laisse circuler très largement et depuis fort longtemps (en particulier les virus grippaux), sans jamais avoir dit qu’il fallait prendre tout un ensemble de mesures contraignantes au cas où ils muteraient vers une forme très dangereuse. Pourtant, il n’y a aucune raison que ce ne soit pas le cas, et même moins qu’avec le Sars-CoV-2, qui mute beaucoup moins que d’autres. En fait, si on utilise cet argument, il faudrait vivre toujours avec des mesures de limitation des contaminations virales, car il y a plus de chances que la grippe mute prochainement vers une forme terrifiante que Sars-CoV-2. Il ne fait pas de sens d’utiliser l’argument du risque de mutation seulement pour le Sars-CoV-2 – or, personne n’est prêt à l’universaliser, car alors avec tous les virus qui circulent et qui peuvent tous logiquement muter dans une version très dangereuse, il faudrait vivre indéfiniment sous le coup de rigoureuses mesures de restriction.
  • On a des soupçons que 2 des 4 variants préoccupants en question sont apparus soit dans un individu immunodéprimé infecté chroniquement (variant alpha), soit dans un réservoir animal (pour le variant omicron, voir par exemple l’étude https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34954396/). Or, les réservoirs animaux sont peut-être beaucoup plus grands que le réservoir constitué par la seule espèce humaine – si c’est le cas, cela veut dire que même en gardant indéfiniment des mesures cherchant à limiter un peu la circulation au niveau de l’espèce humaine, on n’aurait en fait qu’un impact relativement faible sur les possibilités de mutation du virus (impact faible dans le réservoir humain, qui représente lui-même une part seulement du réservoir total. Par ailleurs, cela pose aussi la question de la réduction drastique des élevages, à commencer par la suppression immédiate de ceux des visons et autres animaux élevés et tués pour l’habillement, mais aussi la diminution des élevages alimentaires, de toute façon nécessaire d’un point de vue écologique (quant à la cause animale elle-même, la discussion est ouverte dans la TC : nous y reviendrons...). Quoi qu’il en soit, si de tels phénomènes jouent un rôle décisif dans l’émergence de mutations, empêcher drastiquement la circulation dans la population n’est de toute façon pas nécessairement la mesure la plus pertinente : il y aura toujours des animaux pour nous réserver des variants omicron, ou toujours la possibilité que des personnes immuno-déprimées « aident » le virus à muter (qu’il circule massivement ou non dans la population bénéficiant de défenses immunitaires solides).
  • Les subtilités de l’immunité, en particulier avec l’immunité cellulaire qui joue par-delà l’immunité conférée par les anticorps, expliquent assez bien pourquoi, comme pour les coronavirus qu’on laisse massivement circuler tous les hivers (et qui mutent comme Sars-CoV-2) ou pour les grippes (qui mutent beaucoup plus), un scenario de mutation absolument terrifiant reste relativement peu probable (et de toute façon, s’il doit arriver, il arrivera quand on relâchera les mesures à un moment ou un autre). Voir par exemple l’article de vulgarisation suivant : https://cspicenter.org/blog/waronscience/why-covid-19-is-here-to-stay-and-why-you-shouldnt-worry-about-it/.
  • Tous ces arguments convergent donc vers le suivant : s’il faut empêcher le risque de mutation du virus en limitant sa circulation par des mesures contraignantes, jusqu’à quand ? Pourquoi faudrait-il renoncer à ses mesures dans deux ans ? Le virus mutera-t-il moins ? Du fait de tout ce qui vient d’être expliqué dans les points précédents, l’objection de la mutation ne s’oppose pas à lever ces mesures contraignantes prochainement plutôt que plus tard ; il s’oppose à les lever tout court. C’est un argument qui conduit à une seule conclusion, qui n’est pas acceptable : il faut, si on veut vraiment éviter les mutations dangereuses, qui sont effectivement logiquement possibles (quand bien même les arguments précédents suggèrent des choses rassurantes, et qu’il n’y a aucune raison d’être plus alarmiste pour les mutations de Sars-CoV-2 que pour celles de tous les autres virus en circulation), installer un état de crise sanitaire perpétuel sans perspective de sortie. Ce n’est pas un argument contre une politique de sortie de crise plutôt qu’une autre, c’est un argument contre toute sortie de crise en général.

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