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La scission et le marasme : ainsi s’éteint le NPA
Le week-end du 10-11 décembre a connu, à l’occasion du cinquième congrès du parti, l’éclatement du NPA. Ce fut un triste spectacle auquel nous estimons aujourd’hui avoir eu raison de refuser de participer. Après avoir soumis au débat une orientation stratégique propre (la construction d’un courant communiste révolutionnaire à l’intérieur de l’Union populaire, dans le but de faire vivre le programme communiste au-delà du cadre mortifère et rabougri du NPA) et avoir observé qu’elle n’avait absolument aucun écho dans le parti (notamment auprès des courants oppositionnels), nous en tirions la conclusion suivante : nous « refusons de participer à un congrès dont l’enjeu principal n’est pas l’intervention dans la situation politique, mais la crise d’un NPA autocentré et la polarisation par des menaces de bâillonnement ou d’exclusion » (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1841). Hélas, force est de constater que le déroulement de ce cinquième congrès ne nous a pas détrompé-e-s. Il ne s’est jamais agi de discuter des différentes orientations politiques possibles pour le parti, lesquelles sont toujours restées au second plan, mais, pour les uns (la majorité sortante), d’organiser la liquidation des courants oppositionnels, et pour les autres (les courants de la plateforme C), de négocier la préservation du statu quo. Il en ressort finalement une scission sale, avec son lot de manœuvres bureaucratiques, de laquelle tout le monde sort affaibli.
La direction sortante fait éclater le parti
Avant même que ne s’ouvre le congrès, la direction sortante s’est efforcée de verrouiller le débat politique et a voulu limiter ce congrès au procès des tendances oppositionnelles. Accusées de tous les maux (voir notre critique de la Pf B), les tendances ou fractions de la « gauche » du parti devaient soit se soumettre (arrêter d’exister comme tendances organisées, avec l’autonomie relative que cela implique) soit être expulsées. Après l’éviction des militant-e-s du CCR, la majorité sortante espérait obtenir une majorité suffisante pour imposer ses conditions. Les résultats du vote en ont décidé autrement : la direction (plateforme B) n’a réuni que 48,3% des voix (contre 45,5% pour la plateforme des principaux courants oppositionnels) et n’avait donc pas la majorité requise pour voter la suspension des tendances. Les bureaucrates acceptant mal, en général, de n’être plus maîtres en ce qu’ils/elles considèrent être leur propre demeure, il ne leur restait plus alors qu’à faire exploser le parti, à l’aide de manœuvres relevant en vérité davantage du putsch que de la scission, excluant de fait près de la moitié des membres du NPA.
Comprenant qu’elle ne pourra rien imposer dans ce congrès, la direction sortante a décidé de purement et simplement quitter le congrès en cours de route, actant dans son coin la séparation. Quitter un parti dans lequel on n’a plus de majorité et dont la nouvelle configuration ne nous convient pas est un droit élémentaire : mais on ne peut plus alors prétendre représenter légitimement le parti que l’on quitte. Pourtant, alors même qu’elle ne représente plus qu’une minorité (à peine la plus grosse) au sein du NPA et qu’elle refuse de participer aux cadres souverains prévus par les statuts, la direction sortante prétend être seule légitime à incarner le parti et n’hésite pas à s’accaparer ses outils. Elle monopolise le site du parti pour y diffuser son propre récit, en parlant toujours au nom du NPA. Elle organise le dimanche, à une heure où devait se dérouler la discussion de congrès, une conférence de presse de son côté, en présence de ce qu’elle appelle « les porte-paroles du NPA » (notamment les figures médiatiques les plus connues, comme Poutou et Besancenot, remis sur le devant de la scène pour l’occasion) mais sans les porte-paroles du parti affiliés à d’autres courants que le leur, et devant le drapeau du parti. L’expression d’une minorité qui ne représente qu’elle-même devient ainsi, aux yeux de tous, la parole du parti, qui se sépare de certain-e-s de ses membres. Le site du NPA n’a publié, dans un premier temps, que la déclaration des représentant-e-s de la Plateforme B (moins de cent délégué-e-s sur 210 en tout), mais a d’abord présenté ce texte comme la « déclaration adoptée à l’issue de cinquième congrès du NPA », alors que le congrès (qu’ils et elles ont déserté) n’a évidemment jamais voté une telle déclaration. Finalement, manifestement embêté-e-s par un mensonge aussi éhonté, et parce que leur récit n'a pas été unanimement repris par les média, le chapeau a été modifié dans les jours qui ont suivi, et on lit désormais qu’il s’agit d’une déclaration adoptée par 99 délégué-e-s. Voilà comment une minorité prend de façon anti-démocratique le contrôle d’un appareil (qu’elle accaparait presque entièrement jusque là), alors qu’elle n’a plus aucune légitimité à parler seule au nom du parti. Et comme ils ne contrôlent pas le NPA Jeunes, ils ont lancé le 20 décembre un « NPA jeunesses anticapitalistes » (Continuer de construire le NPA dans la jeunesse !) qui sème un peu plus la confusion, alors que leur plateforme est ultra-minoritaire parmi les jeunes du NPA.
La « continuité historique » ne donne aucune légitimité à la direction sortante
Sur le fond, le seul argument dont se soutient l’ancienne majorité est celui de la « continuité historique » : nous avons fait vivre le parti depuis le début, explique-t-elle, alors que les autres ne s’en sont jamais servi que comme un front de tendances. Mais à qui appartient-il de décider qu’un parti doive rester ce qu’il a été au départ, alors que les résultats du présent congrès attestent que la majorité des militant-e-s ne se reconnaissent manifestement plus dans ce projet ? C’est précisément l’enjeu d’un congrès que de décider des évolutions d’un parti et d’acter des changements d’orientation : ces évolutions et ces changements peuvent ne pas convenir à l’ancienne majorité, mais elle n’a pas pour autant le droit, sous prétexte qu’elle était là en premier et que le NPA ne ressemble plus aujourd’hui à ce qu’elle souhaite, de prétendre qu’elle incarne toujours « le vrai NPA ». Le « vrai NPA » appartient à l’ensemble de ses militant-e-s qui ont voté lors du congrès (et même aux adhérent-e-s à jour de cotisations qui n’ont pas voté !), et non aux premier-e-s venu-e-s devenu-e-s actuellement minoritaires.
Du reste, l’argument de la continuité historique, tel qu’il est présenté dans la déclaration de l’ancienne direction, a de quoi laisser songeur : le « vrai NPA » est présenté comme une organisation refusant depuis le départ tout sectarisme, prônant une ligne unitaire, qui a ensuite été phagocytée par « des groupes en désaccord avec ces perspectives ». Mais, d’une part, ces “groupes” étaient en fait là depuis le début du processus NPA (Fraction L’Étincelle et Tendance CLAIRE), voire pour certains d’entre eux déjà dans la LCR (Démocratie révolutionnaire et noyau de l’actuel courant Anticapitalisme et révolution) ! D’autre part, aujourd’hui, si les courants oppositionnels reprochent à la direction sortante une politique d’ouverture vers la France Insoumise, c’était en 2009 le camp soi-disant « historique » de l’actuelle direction sortante qui s’opposait à l’ouverture vers les réformistes du Front de gauche, ce qui a entraîné le départ de tout un pan du parti (sous le nom de Gauche anticapitaliste). Il est donc pour le moins douteux que cette politique d’ouverture constitue « l’ADN historique du NPA », et, sur ce point, les courants oppositionnels sont peut-être plus proches de la position historique que la direction sortante. Quoi qu’il en soit, aucune règle ne prescrit à un parti de rester en accord avec ses orientations originelles, et il appartient à ses militant-e-s actuel-le-s de décider, grâce au vote de congrès, de ce que le parti doit être aujourd’hui.
Les courants d’opposition se replient dans un légitimisme sectaire et stérile
Contre la menace de suspension voire d’exclusion, la politique des courants oppositionnels s’est restreinte à la défense de l’ancien statu quo, qui leur permettait de continuer à exister : le cadre même du NPA n’était pas remis en cause, et l’opposition devenait même plus royaliste que le roi. Publiquement, les représentant-e-s des courants sont même parfois prêt-e-s à expliquer qu’il n’y a pas de véritable désaccord politique de fond et qu’aucune base politique ne justifie la séparation. Après le départ des représentant-e-s de la plateforme B du congrès, cette défense mordicus du cadre du NPA tel qu’il est a conduit les représentant-e-s de la plateforme C (A&R, FLO, DR…) à prétendre à leur tour « continuer le NPA », en prenant acte du départ des membres de l’ancienne majorité. S’ensuit un curieux spectacle où chacun des deux camps prétend de son côté, en utilisant exactement la même formule, « continuer le NPA », et s’efforce d’imposer sa vérité à la presse : d’où cette situation qui serait comique si elle n’était pas aussi déplorable, où chaque média explique différemment qui est le NPA et qui l’a quitté, en fonction des communiqués qui sont parvenus sous les yeux des journalistes (voir par exemple l’article du Huffington Post, qui reprend le récit de la Pf C, par opposition à la majorité des autres articles, qui suit la version de l’ancienne direction et interroge uniquement ses porte-paroles).
D’un point de vue purement formaliste, la Pf C a de meilleurs arguments que la Pf B pour prétendre parler au nom du congrès : il est vrai que c’est l’ancienne direction qui a quitté le cadre du congrès, et qu’en son absence, le congrès, c’est le groupe qui a voté la déclaration de la Pf C. Si la minorité qui adhère à la Pf B (autour de l’ancienne direction, donc) quitte les cadres du parti, alors le parti reste effectivement aux mains des militant-e-s qui ne l’ont pas déserté. On voit bien toutefois la limite d’un tel formalisme : la Pf C aura beau se déclarer le NPA légitime (et encore une fois, elle y est davantage fondée que la Pf B après ce qui s’est déroulé le week-end dernier), on sait bien que ce NPA ne l’est plus vraiment, et qu’elle aussi ne représente qu’elle-même (une minorité plus petite encore que celle qui soutient la direction sortante). Pour autant, nous ne la mettons évidemment pas sur le même plan que la Pf B : celle-ci, en tant que direction du NPA, porte seule la responsabilité de la scission et, auparavant, la responsabilité principale du marasme, qui résulte de son projet même de “parti large” sans délimitation programmatique ni stratégique. Nous avons longtemps voulu constituer avec les courants oppositionnels une “grande tendance révolutionnaire” du NPA pour en gagner la majorité. Ces courants ont malheureusement toujours refusé : c’est leur part de responsabilité dans l’échec global du NPA.
Quant aux prétendu-e-s non-aligné-e-s de la « troisième voie », les dirigeant-e-s de la prétendue « ARC », prêt-e-s à toutes les concessions vis-à-vis de la direction pour sauver l’appareil (et leur place dans cet appareil), promettaient qu’il était possible de refonder le NPA et d’éviter ainsi « la scission et le marasme » : mais comme nous l’avions prédit (voir notre critique de la Plateforme A défendue par l’ARC), toute minorisation de la direction sortante devait reconduire automatiquement à la scission, en sorte que la « troisième voie » ne représentait évidemment aucune perspective politique concrète. Ou plutôt, la logique même de la ligne suivie par la direction de l’ARC, toujours plus tournée vers le cadre même du NPA et donc sa direction (ce qui l’avait conduite à employer les mêmes méthodes pour exclure de ses rangs la majorité des camarades issu-e-s de la Tendance CLAIRE au printemps 2021 !), explique qu’elle ait refusé de faire bloc avec les oppositionnels de la pfC contre le coup de force de la direction, alors que cela aurait permis de constituer une majorité au congrès et donc de donner une légitimité à celui-ci après le départ de la pfB. Et auparavant, tout en prétendant vouloir une « refondation révolutionnaire du NPA », elle avait en fait donné le feu vert à la direction en proposant au congrès un texte qui prévoyait de mettre fin à une bonne partie des droits des fractions, ce qui revenait à présenter celles-ci comme les principales responsables du « marasme ». La seule “troisième voie” possible entre la scission et le marasme, c’était en fait la scission et le marasme à la fois : un parti qui a scissionné de fait, mais avec deux groupes qui prétendent toujours « continuer » de leur côté le NPA dans un état toujours plus moribond.
Une affaire à suivre…
Le seul résultat de ce congrès, c’est la parcellisation toujours plus prononcée de l’extrême gauche, et personne n’en sort gagnant. Il existe une constellation encore plus dispersée de groupes dérisoirement faibles. Dans quelles perspectives s’engageront les courants oppositionnels ? Tireront-ils les leçons de l’échec du NPA ? L’avenir le dira. Pour notre part, nous ouvrons la discussion entre nous pour savoir quelle position adopter à l’égard de ces courants, et nous sommes prêt-e-s à échanger avec eux à ce sujet. Quoi qu’il en soit, nous continuons bien sûr de participer à la France insoumise et d’y défendre nos idées communistes révolutionnaires.