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Que nous cache la "grande marche contre l’antisémitisme" de Yaëlle Braun-pivet et Gérard Larcher ?

Par Tristan Daul (10 novembre 2023)
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Initialement, c’est Olivier Faure qui a eu l’idée. Il a déclaré qu’en raison de la recrudescence des actes antisémites, constatés par le ministère de l’Intérieur, il était nécessaire d’organiser une manifestation contre l’antisémitisme. Dans la foulée, il a considéré que le Rassemblement National devait y participer puis s’est sûrement retrouvé piégé à son propre jeu : en voulant se démarquer de l’aile gauche de la FI il s’est cru en capacité de démasquer l’antisémitisme du RN. Or il s’est complètement trompé : le RN, nouvel allié inconditionnel d’Israël sera, bientôt, le plus ardent pourfendeur de l’antisémitisme de l’arc républicain. Ce n’est contradictoire ni avec son origine ni avec son racisme structurel : défendre Israël et les juifs participe aujourd’hui, selon leur grammaire politique, à défendre la civilisation occidentale contre la menace islamique et celle du grand remplacement. Israël en tant qu’avant poste blanc dans un territoire hostile devient bastion lorsqu’il s’agit de répondre militairement à une menace puissante. Le 7 octobre est, selon Netanyahu, le 13 novembre français et le 11 septembre américain. En liant ces dates, il s’adresse à la fois aux affects terrorisés et aux affects civilisationnels : à travers Israël, c’est de nouveau la blanchité qui est attaquée et il faut donc y répondre ensemble, inconditionnellement. C’est ici que se joue le ralliement du RN à Israël et par extension aux juifs et c’est ici que le piège d’Olivier Faure se retourne conte lui : le parti d’extrême droite souhaite participer à la marche, et il se félicite de s’y faire inviter par le Parti Socialiste. La FI s’est par ailleurs immédiatement démarquée, jugeant complètement contradictoire et donc impossible de combattre l’antisémitisme aux côtés, notamment, du RN. Les positions étant affirmées à gauche, c’est ensuite la droite qui a repris les commandes.

Larcher, président du Sénat, en faisant de la loi immigration un champ de bataille, vient d’affirmer sa politique. Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, vient d’affirmer la sienne en revenant de Tel-Aviv. En appelant conjointement à participer à une grande manifestation contre l’antisémitisme, ils s’adressent à l’ensemble de la droite de France, aux électeurs macronistes et ceux de LR. Marine Le Pen fait de même avec ses électeurs, afin de ne pas être privée d’un nouveau marche-pied de légitimations ou pire, d’être contrainte d’appeler à une manifestation isolée, dont le résultat serait à la fois décevant et inquiétant. En plus que de se compter, il s’agit de mobiliser des affects blancs pour faire face aux succès encore timides mais réels du soutien à Gaza et à la Palestine. Cependant, le champ politique blanc demeure multiple. D’une part, au sein même de la majorité ou de la droite, certains refusent la participation du RN à cette manifestation. D’autre part, la première étape de l’explosion de la NUPES a lieu ici, avec un premier regroupement officiel PCF / PS / EELV appelant à y participer tout en prétendant être en capacité d’assurer un intrigant « cordon sanitaire » permettant de distinguer les forces « progressistes » de celles « d’extrême droite ». Pour l’instant, les députés insoumis droitiers n’ont par rallié cet appel parisien, mais rien n’empêche que cela arrive, par exemple du côté Raquel Garido qui vient de subir une exclusion temporaire de 4 mois des instances représentatives de la FI suite notamment à ses critiques contre les prises de positions de Mélenchon sur la situation en Palestine. François Ruffin, qui avait refusé de marcher contre l’islamophobie le 10 décembre 2019 prétextant un match de foot, a visiblement cessé de pratiquer le football, puisqu’il se rendra dimanche à une marche contre l’antisémtisme à Strasbourg organisée par la LICRA, qui a certes indiqué que le RN n’était pas le bienvenu, mais qui a aussi précisé que c’était le cas pour Mélenchon ! A Strasbourg, il y aura de toute façon des islamophobes avérés (macronistes et LR) qui traitent d’antisémites tous ceux qui s’opposent au soutien inconditionnel à Israël.

Il y a fort à parier que cette manifestation du 12 novembre mobilise majoritairement des gens de droite, assumés comme tels. L’association des maires de France, dirigée par l’ancien porte-parole de François Fillon David Lisnard, a par ailleurs appelé à se rassembler devant les mairies. Tous les moyens vont être mis pour faire de cet évènement un succès avec, évidemment, l’utilisation intensive de l’appareil médiatique triant le bon grain de l’ivraie, continuant à répandre l’idée que celui ou celle qui ne participerait pas à cette marche serait nécessairement antisémite. Cette stigmatisation ignoble est par ailleurs complètement contre-productive, car c’est en renforçant ce type de propos que des soupçons de traitements différenciés vont s’éveiller et amener à révéler des positions de fait « antisémites soft ». Caractérisation polémique bien sûr mais qui part du principe que l’on ne peut pas mettre au même niveau le caractère antisémite de quelqu’un qui se demande si, dans la période, la communauté juive ne bénéficierait pas d’une sorte de protection en France et à l’international et celui d’un militant d’extrême-droite qui irait profaner des tombes. Bien sûr, l’un n’exclut pas l’autre, mais ils ne s’associent pas nécessairement, et pas tout le temps. Le qualificatif « soft » ne signifie dès lors pas qu’il s’agit d’actes plus ou moins graves ou moins violents mais plutôt d’un antisémitisme diffus, moins sédimenté et ne conduisant pas nécessairement à des actions contre les juifs et juives. Par contre, catégoriser pour stigmatiser des gens comme antisémites risque effectivement de les transformer en antisémites.

Les juifs de France deviennent dans la séquence un enjeu idéologique, car ils participent, et sûrement malgré eux pour une partie significative d’entre eux, de la structuration de l’arc républicain blanc. Mais l’enjeu est aussi électoral, car c’est un groupe social à gagner en tant que plus grande communauté juive d’Europe, forte d’environ 448 000 membres. Dans la mesure où l’électorat des quartiers populaires a largement voté pour Mélenchon en 2022, celui-ci est considéré, si ce n’est comme perdu, presque ingagnable. C’est d’ailleurs avec cette lentille qu’est analysée la politique pro-palestinienne de la FI et c’est une des raisons pour laquelle les mobilisations de soutien au peuple palestinien ont été autant que possible interdites.

Depuis l’élection de 2022, des spasmes ne cessent d’agiter le corps raidi d’un système politique à court de souffle. En miroir de l’affirmation d’un arc réactionnaire se dessinent les contours d’un autre possible : celui de construire un front qui serait capable d’articuler les questions centrales de l’organisation du travail à celles du combat décolonial. La première moitié de l’année 2022 a été celle du combat contre la réforme des retraites, la seconde celle des émeutes et du soutien à la Palestine. Ces deux éléments ne peuvent être traités indépendamment et doivent faire l’objet d’un programme commun. La multitude d’organisations anticapitalistes sont malgré elles mises en orbite autour de la FI qui incarne de plus en plus l’opposition la plus importante à la consolidation et l’affirmation de l’arc républicain blanc et réactionnaire. La recomposition politique continue de s’opérer autour des trois grands pôles gauche – droite – extrême droite avec une tendance de plus en plus significative à la tentative de fusionner le pôle des droites dont Marion Maréchal-LePen est la cheville ouvrière depuis des années.

Ce qu’a donc mis en lumière l’appel de Larcher et Braun-pivet c’est l’approfondissement du clivage gauche-droite plutôt que son dépassement, avec pour axe central la question raciale et civilisationnelle. Pour y faire face, il est, dans un premier temps, impossible de manifester à leur côté, en particulier lorsque cela accentuera la fracture raciale en utilisant comme pare-chocs les juifs et juives de France. Ensuite, il est nécessaire de rester ferme sur la condamnation de la politique de destruction menée par le gouvernement d’extrême-droite de Netanyahu contre la population de Gaza pour enfin mettre en avant des mots d’ordre de justice et de solidarité à même d’être portés collectivement. Le combat contre l’antisémitisme ne peut-être mené par les mêmes qui sont partie prenante dans ce qu’ils considèrent être une guerre civilisationnelle qu’ils doivent gagner.

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