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Attirer les convaincus pour atteindre tous les autres
Intervention de Tristan Daul pour la Tendance Claire lors du meeting «Que Faire ?» impulsé par l’organisation Tsedek à la suite des résultats des élections législatives de juillet 2024 auquel ont participé de nombreuses organisations telles que le NPA anticapitaliste, l’UCL, l’action antifasciste, Paroles d’honneur, Tsedek, l’UJFP, ATMF, FTCR, Contre Attaque, Urgence palestine, PEPS, confédération paysanne, etc.
Partons d’un constat : nous avons réussi à repousser, momentanément, le danger le plus grave. Ça ne veut pas dire que les Darmanin, Hollande ou Borne ne sont pas des dangers. Ça veut dire qu’on hiérarchise les dangers que représentent nos différents ennemi·e·s. Défendre notre politique face à un gouvernement d’extrême droite n’est pas la même chose que face à une coalition macroniste et, évidement dans le cadre d’un gouvernement NFP. C’est pareil pour l’ensemble des personnes qui seraient immédiatement, très durement, visées par le RN : les non-blanc.h·e·s, LGBT, militant·e·s, syndicats, libertés publiques, etc.
Pour mener notre politique, il faut différencier la tactique de la stratégie, pour pouvoir utiliser au mieux ces deux aspects de la lutte révolutionnaire dans un contexte dominé par l’incertitude, la fragilité et la réaction. Pour illustrer, dans le cadre d’un conflit armé, la tactique consiste à remporter une bataille, la stratégie de remporter la guerre. Le NFP est une bataille, le gouvernement des travailleurs et des travailleuses est la guerre.
Tactique et stratégie
Dans la situation générale – guerre en Ukraine et en Palestine, récession économique mondiale, défaite du mouvement social des retraites, émeutes dans les banlieues et crise parlementaire -, il a fallu faire preuve de souplesse devant les circonstances changeantes créées par la dissolution de l’AN. Dans cette situation, le vote et le soutien critique au NFP a été une tactique. Soutien critique car sans illusions sur le PS, le PCF et EELV ni sur les capacités réelles de réalisation du programme. Nous nous sommes mobilisés et nous avons utilisé, dans cette élection précise, l’arme la plus efficace mise à notre disposition pour empêcher un gouvernement Bardella de voir le jour. Nous avons effectué une action tactique, et nous avons réussi.
La stratégie, dont la tactique est une des composantes, consiste à construire un plan d’offensive réfléchi sur le long terme. Elle regroupe une multitude de modalités et elle s’adosse à un programme, à un projet de société, construit par des aller/retours constants entre les revendications immédiates des travailleurs et des travailleuses mobilisées, les revendications de long terme et les apports théoriques et pratiques des mouvements sociaux. Par exemple des revendications économiques (hausse des salaires) et politiques (par exemple sur les questions démocratiques, qui avaient été mises en avant via le RIC – et malgré toutes limites d’un tel mot d’ordre – dans le mouvement des gilets jaunes). Aucune des deux revendications n’annule l’autre, au contraire, elles s’adossent l’une à l’autre. Nous sommes pour la révolution, la transition vers le communisme, ce qui implique un gouvernement des travailleurs et des travailleuses. C’est est un objectif de très long terme, qui va nécessiter des alternances, entre la souplesse et la fermeté.
Moment politique
Le moment politique ouvert depuis la dissolution n’en est qu’à ses débuts. Le renforcement du RN, l’effondrement du macronisme et la fragilité du NFP ne vont que s’accentuer. Cependant, le NFP est légitime à revendiquer le pouvoir et doit l’exercer sur la base du mandat qu’il a reçu, c’est-à-dire appliquer son programme qui contient des mesures qui vont dans l’intérêt immédiat du plus grand nombre. Or, pour être appliqué, ce programme ne pourra pas se faire ni sur la base de concessions avec des macronistes, pas plus qu’il ne pourra être appliqué sans des mobilisations de masse de toute la population. En effet, c’est en mettant la pression sur le NFP que la population pourra obtenir des acquis importants. En ce sens, toute trahison se répercuterait immédiatement en faveur du RN.
Si l’on considère que l’affrontement prochain se jouera entre la ligne de rupture incarnée par JLM et la FI et LePen, alors il faudra une organisation forte, disciplinée, capable de convaincre et de vaincre. L’urgence, c’est de se doter d’un outil collectif capable d’organiser au quotidien les dizaines de milliers de personnes qui se sont spontanément engagées pour militer dans la campagne. Mais aussi les centaines de milliers, en particulier les jeunes, qui sont attirés par l’action mais qui doutent encore de la nécessité de s’organiser.
La FI peut-être cette organisation de masse, prête à exercer le pouvoir, à condition d’inclure tout·e·s les militantes et les militantes, de la base à la direction. Cela va impliquer d’ouvrir des discussions nombreuses, qui devront se dérouler et qui, malgré des désaccords éventuels, feront émerger de nombreuses idées et interrogations, qui permettront à la totalité de se saisir de ces questions, de les partager et de les défendre. Il est nécessaire de prendre acte des réussites de la FI (qui sont nombreuses et réelles, par exemple la bataille pour l’hégémonie dans les quartiers populaires) mais aussi des limites de sa forme gazeuse et de son manque d’implantation dans la classe ouvrière.
Axes
Pour la TC, s’engager dans la FI, c’est le faire sur des axes précis, qui sont comme des leviers qui font pression sur son aile gauche. En voici trois :
– Le premier, qui cadre l’ensemble, c’est la défense du programme communiste révolutionnaire avec un principe central : c’est à nous, à la classe ouvrière, de prendre nos affaires en main. Pas pour partager les richesses, mais pour prendre le contrôle sur la production de ces richesses et pour les redistribuer selon nos propres besoins. Le programme, c’est la colonne vertébrale de l’organisation, et donc de l’action. C’est ce qui permet de s’adresser au plus grand nombre, dans l’intérêt du plus grand nombre.
– Le deuxième, c’est de défendre que c’est par l’intervention directe des travailleurs et des travailleuses dans les luttes sociales que pourront se produire les plus grandes avancées. Or, les obstacles sont nombreux : le poids des défaites dont on hérite, les compromissions du « dialogue social » et du syndicalisme de cogestion, l’absence de plan de bataille concrets, réfléchis, organisés qui permettraient des mobilisations victorieuses, capable de faire céder des gouvernements et le patronat. L’auto-organisation, là encore à toutes les échelles, sur les lieux de travail et d’études, dans les quartiers, est une des clés pour permettre de dépasser les obstacles que représentent les bureaucraties syndicales et de faire des bonds dans la prise de conscience politique. Il ne s’agit pas d’être contre ou en dehors des syndicats, mais au contraire de les construire et, le cas échéant, d’y combattre les orientations, à l’intérieur même.
– Troisièmement, le combat anti-impérialiste et donc anti-raciste : un combat contre la domination blanche et bourgeoise à l’échelle du monde – c’est-à-dire, entre autres, en Palestine, en Kanaky ou encore au Sahel – mais aussi en plein cœur de la métropole où s’exerce une continuité coloniale. Nous l’avons toutes et tous constaté, pour l’événement le plus récent, après l’assassinat de Nahel et la répression des émeutes qui ont suivi.
Ces trois axes ne sont pas les seuls à devoir être défendus mais pourraient être les premiers. Cela nous permettra non seulement de porter des orientations que nous pourrions partager ensemble, bien qu’en restant indépendants les uns des autres, tout en construisant des bastions, pas seulement électoraux mais physique, de s’implanter dans nos espaces de vie, dans nos milieux de travail et d’études et dans nos quotidiens. Notre travail doit être patient, collectif et efficace, avec l’objectif d’attirer celles et ceux qui sont déjà convaincus pour les atteindre tous les autres.