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Note sur la crise des dettes publiques à la veille du sommet européen

Par Gaston Lefranc ( 8 décembre 2011)
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Le précédent sommet européen (27 octobre) n’a rien résolu du tout : il a juste acté, contraint et forcé, un défaut partiel de la Grèce, qui n’a fait qu’alimenter la poursuite de la crise des dettes publiques, avec des taux qui ont continué à monter en Italie, en Espagne, et même en France. Les décisions autour du FESF (fonds européen de stabilité financière) n’étaient que de la communication : en réalité, le FESF n’a pas été renfloué, la Chine a refusé de l’alimenter, et il est clair pour tout le monde que le FESF (c’est-à-dire les pays les plus forts de l’UE) n’a pas les moyens de faire face à une incapacité de l’Italie à rembourser sa dette (ce qui aurait des conséquences énormes et incalculables).

Un nouveau sommet européen a lieu jeudi 8 et vendredi 9 décembre. Sur la table : la discussion d’un nouveau traité qui changerait les règles institutionnelles au sein de l’UE. Autrement dit, le temps du bricolage et de la communication est terminé. Les choses sont désormais trop sérieuses. La question décisive est de savoir si les bourgeoisies européennes seront capables d’effectuer un pas significatif pour trouver de nouvelles règles communes au profit des pays les plus forts de l’UE. Parisot (dirigeante du MEDEF), dans une tribune pour Le Monde (daté de jeudi 1/12) (1) l’espère ardemment et s’affiche pour la construction urgente des « États-Unis d’Europe », d’une « nouvelle patrie », pour le « fédéralisme européen » et les « délégations de souveraineté », afin de sauver l’euro et d’éviter des « décennies d’appauvrissement ».

Le projet politique de Merkel est clair : contrôler, par le biais des institutions européennes, le budget des États membres de la zone euro. Comme les gouvernements nationaux sont aujourd’hui incapables (cas de la Grèce, même si l’opération « gouvernement d’union nationale » fait provisoirement son effet sur la lutte des classes) et seront probablement demain (en Italie, en France ?) incapables de mettre en place les plans d’austérité nécessaires au remboursement de la dette publique, Merkel veut trouver les solutions institutionnelles pour imposer ces plans sans avoir à mettre la main à la poche. D’où l’idée de déposséder les États de leur souveraineté budgétaire afin d’imposer plus facilement les plans d’austérité. Cela exige un nouveau traité, qui spécifierait le nouveau rôle de la Commission européenne, de la Cour de justice européenne, et une extension du vote à la majorité qualifiée (qui permettra de passer outre le veto d’un État périphérique de l’UE).

Le projet politique de Sarkozy n’est pas fondamentalement différent : lui aussi « veut » (les guillemets sont nécessaires puisqu’il n’y pas en fait d’alternative dans le cadre capitaliste) mettre en place des plans d’austérité pour faire payer la crise aux travailleurs. Mais la situation en France est différente, notamment en raison de la plus forte résistance des travailleurs ces dernières années ; les intérêts de la bourgeoisie française ne sont donc pas identiques à ceux de la bourgeoisie allemande. Sarkozy sait qu’il aura des difficultés à imposer les plans d’austérité nécessaires et il a donc plaidé pour des rachats massifs de la dette des États par la BCE (pour limiter la hausse des taux d’intérêt) et des avancées vers le fédéralisme (euro-obligations (2), voire transferts budgétaires des zones les plus riches vers les zones les plus pauvres de l’UE). L’idée générale est de mutualiser les efforts, et donc de faire directement (par les transferts budgétaires) ou indirectement (par l’inflation) payer l’Allemagne.

Le projet politique de Sarkozy (qui converge aujourd’hui avec celui des antilibéraux) n’est pas incompatible avec le projet de Merkel : il en est complémentaire. En effet, la mutualisation implique le transfert de la souveraineté budgétaire aux institutions européennes. Mais l’inverse n’est pas vrai : le projet de Markel n’implique pas celui de Sarkozy !

Avant le sommet européen, Merkel est en position de force : dès le 1er décembre (discours de Toulon), Sarkozy avait accepté les grandes lignes du projet de Merkel. Et à l’issue de leur rencontre du 5 décembre, Merkel et Sarkozy ont annoncé qu’ils étaient parvenus à un « accord » qu’ils comptaient imposer « à marche forcée » au reste de l’Europe. Sans surprise, ils se sont mis d’accord sur un système de « sanctions immédiates en cas de non-respect de la règle du déficit inférieur à 3% du produit intérieur brut (PIB) », que seule une majorité « qualifiée » pourrait empêcher. Il reste encore à peaufiner les modalités de contrôle des institutions européennes sur les États, mais Sarkozy a donné son accord pour que la Cour de justice européenne vérifie la conformité des budgets des États avec la « règle d’or » anti-déficit. Sarkozy n’a rien obtenu de significatif de la part Merkel, et il a même été jusqu’à déclarer publiquement que les euro-obligations n’étaient pas une solution à la crise. En outre, le Mécanisme européen de stabilité succédera au FESF dès 2012 (et non en 2013 comme prévu initialement) et il devrait fonctionner (contrairement au FESF) à la majorité qualifiée, marquant là aussi un pas en avant significatif dans l’intégration européenne au profit des États les plus puissants.

Derrière les formules vaseuses (« refondation de l’Europe », etc.) se profile un recul démocratique de grande ampleur. Il s"agit de construire une Europe où les bourgeoisies européennes auront davantage de marges de manœuvre pour imposer le grand bond en arrière.

L’accentuation de la crise a au moins une vertu : elle fait apparaître au grand jour la convergence des positions de tous les défenseurs du système capitaliste. Dimanche 4/12 sur Canal plus (3), le réformiste Mélenchon n’avait pas grand-chose de substantiel à reprocher à Sarkozy si ce n’est de se coucher devant Merkel et de n’avoir pas assez de volonté (contrairement à lui : « Nous, on peut »...) pour imposer le remède miracle qu’ils ont aujourd’hui en commun : l’intervention massive de la BCE pour racheter les titres de la dette publique. Certes, Mélenchon prétend vouloir mettre en place une « politique de relance », contrairement à Sarkozy et Hollande. Il est d’autant plus important de dénoncer cette imposture : comme Mélenchon s’inscrit dans le cadre capitaliste, ne remet pas en cause le paiement de la dette, une politique de relance est impossible et ne peut que se transformer en austérité une fois au pouvoir. Mitterrand avait promis la relance en 1981 : il lui a fallu deux ans pour que cela vire à l’austérité (d’autant plus rude qu’elle a été précédée par ces deux années de relance qui ont gonflé les déficits). Papandréou avait promis la relance en 2009 : il ne lui a fallu que quelques semaines pour faire son virage à 180 degrés. En faisant le même type de promesses, Mélenchon sème des illusions très graves et nous fait croire qu’il serait suffisamment fort pour imposer sa volonté à tous. Or, à partir du moment où il ne remet pas en cause le capitalisme, ce sont évidemment les lois du système qui s’imposeront à lui et non l’inverse !

Alors que tous les projets capitalistes convergent, que l’impuissance des bourgeois et réformistes est patente, il est incompréhensible que la direction du NPA ne dise rien pour critiquer le projet du Front de gauche dans le 4-pages national de campagne qui vient de sortir (4). Cela ne peut qu’accréditer l’idée que notre projet n’est pas fondamentalement différent de celui du Front de gauche. Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire d’oser porter le projet politique révolutionnaire. Alors que la question clé est celle de l’alternative historique au capitalisme, la direction du NPA ne dit pas un mot sur le « socialisme » ou le « communisme » et ne propose même pas un véritable programme de transition dans le 4-pages, prétendant qu’on pourrait financer les mesures que nous portons simplement en taxant les riches ! Pourtant, il est plus nécessaire que jamais d’expliquer que la seule façon d’imposer une sortie de la crise « par le haut » est la mise en place « d’un gouvernement des travailleurs, qui répudierait la totalité de la dette publique, exproprierait les grands groupes capitalistes sans indemnités ni rachat, les nationaliserait sous contrôle des travailleurs et relancerait la production en fonction des besoins sociaux. Pour pouvoir réaliser ce programme, un tel gouvernement devrait prendre immédiatement des mesures de rupture avec les marchés capitalistes : rupture avec l’UE capitaliste et sa monnaie, création d’une monnaie inconvertible, monopole du commerce extérieur. Il agirait centralement pour l’extension internationale de la révolution et pour une coopération étroite, dans le cadre d’une fédération sur un pied d’égalité, avec les autres pays révolutionnaires. » (5)

Nous devons réorienter notre campagne et sortir du para-syndicalisme dépoliti-sant. Notre candidature ne doit pas seulement être une candidature de témoignage, celle de l’indignation, de la résistance, de la riposte, mais surtout celle qui porte un projet politique d’affrontement politique central avec le gouvernement et le patronat et de rupture avec l’ordre bourgeois. Nous sommes bien sûr du côté des travailleurs qui luttent, mais cela ne suffit pas : il faut nommer et combattre les obstacles qui s’opposent à ces luttes (les bureaucraties syndicales, les réformistes), en polémiquant et en s’organisant face à eux. Alors que la situation pourrait, dans les mois à venir, devenir explosive voire pré-révolutionnaire, il faut plus que jamais défendre un programme communiste révolutionnaire. C’est la condition sine qua non pour espérer une autre issue à la crise qu’un grand bond en arrière et l’accentuation de la barbarie capitaliste.


1) http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/30/creons-d-urgence-les-États-unis-d-europe_1611180_3232.html

2) Les États emprunteraient au même taux et seraient solidaires les uns des autres (si un État ne peut pas payer sa quote-part, les autres rembourseraient).

3) http://www.canalplus.fr/c-infos-documentaires/pid3354-c-dimanche.html

4) http://www.npa2009.org/sites/default/files/4PAGES%20Campagne%20POUTOU%20bicro.pdf

5) Chaque semaine qui passe montre la pertinence de cet amendement que nous avons proposé lors du dernier CPN du NPA mais que la majorité a rejeté.

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