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EDF-GDF : une grève offensive pour les salaires mais qui est restée isolée
À l’heure où la situation est à la multiplication de conflits défensifs, contre les licenciements et le chômage partiel dans les entreprises privées, contre les réformes destructrices dans la fonction publique (universités, hôpitaux...), le mouvement qui a duré plus de huit semaines dans le secteur de l’énergie s’est caractérisé par son caractère offensif. Les annonces de hausses de salaires mirobolantes pour les PDG (900 000 euros pour celui d’EDF et 3,2 millions pour celui de GDF-Suez, à comparer avec les 0,3 % d’augmentation prévus pour les agents) ont mis le feu aux poudres : les salariés sont entrés dans la grève pour réclamer une augmentation de salaire de 5 %, un plan d’embauche massif et l’arrêt de l’externalisation de certains métiers, véritable plan social en préparation.
En cédant assez rapidement, fin mars, sur les revendications des gaziers des terminaux méthaniers, la direction avait cru circonscrire la mobilisation. Au contraire, celle-ci s’est propagée dans les diverses entreprises et branches qui composaient autrefois EDF-GDF, avec des moyens de lutte efficaces. Moins marqués que leurs collègues par la défaite de la privatisation, lors de laquelle les directions syndicales, au premier chef la puissante fédération CGT, avaient trahi la lutte, les jeunes sont le fer de lance de ce mouvement. Celui-ci est resté minoritaire, mais il a été marqué par des traits importants et prometteurs : il a été souvent structuré par AG de secteurs (distribution, production, centres d’appel...), convergeant parfois en des AG communes et qui définissent les modes d’actions ; et, au-delà des journées de grève de 24 heures sans lendemain proposées par les directions syndicales, les agents mobilisés et les équipes syndicales combatives ont mis en avant les seuls moyens qui pouvaient faire plier les directions patronales : la grève avec piquets, voire l’occupation des locaux, accompagnée de coupures.
Apeurés devant cette radicalité, les dirigeants ont dégainé l’arme de la répression. Les directions d’EDF et de GDF-Suez ont multiplié les poursuites disciplinaires et de procès en référés. Cela a mis fin assez rapidement aux occupations et aux blocages, mais non à la poursuite du mouvement et aux coupures. Les déclarations de Fillon, condamnant comme acte de sabotage (1) le fait que les agents aient osé toucher à l’appareil productif, ont rapidement été suivies d’effet, avec en particulier l’arrestation mi-mai de 74 syndicalistes et la garde-à-vue d’une quarantaine d’entre eux. La mairie de Paris, de « gauche », avait elle aussi fait appel à la police un mois auparavant contre les grévistes venus en délégation. Quant aux médias bourgeois, ils ont parfaitement joué leur rôle de chiens de garde de la bourgeoisie en passant généralement sous silence la grève ou en se déchaînant contre les coupures, pourtant très limitées.
Pour répondre aux intimidations et imposer les revendications, il n’y avait pas d’autres solutions que de radicaliser les actions et d’étendre la grève à l’ensemble de la branche, incluant des coupures massives, seule façon de faire céder le patronat. Alors que Sarkozy fanfaronnait voici quelques mois que les grèves étaient devenues invisibles en France, la méthode des coupures en particulier rappelle cette vérité : ce sont les travailleurs qui détiennent le pouvoir de bloquer l’activité. Si les équipes syndicales de base, celles de la CGT et de SUD en particulier, ont fait preuve de combativité, les principales directions fédérales, et en premier lieu celle de la CGT ont été tout sauf un élément moteur du mouvement. Contraintes par la combativité de la base, elles se sont contentées de « rythmer » la mobilisation par des journées d’action et, au prétexte de conserver l’unité syndicale à tout prix, elles ont refusé d’appeler à l’extension de la grève à l’ensemble de la branche, préférant toujours les actions symboliques au véritable blocage de la production et de la distribution.
La grève des électriciens et gaziers n’a donc pas réussi à se développer suffisamment pour emporter une véritable victoire. Le blocage de la montée vers la grève générale, le reflux des luttes en mai et la politique traître des principales directions syndicales l’ont condamnée à l’isolement. Il n’y a donc pas eu d’augmentation générale des salaires, ni d’embauche massives, ni de recul sur l’externalisation.
Cependant, la détermination des grévistes, notamment des jeunes, qui refusaient de reprendre le travail sans le moindre gain, a contraint les directions patronales à proposer une augmentation salariale pour une partie des travailleurs par le biais d’un avancement exceptionnel. Selon Le Point du 25 mai, en ce qui concerne ErDF, GrDF et EDF SA, 45 % des ouvriers, employés et agents de maîtrise (et 70 % des jeunes) verraient ainsi leur salaire augmenter de 50 euros, 64 % des cadres (et 70 % de jeunes cadres) le verraient s’accroître de 100 euros. Bien que la majorité des ouvriers et employés soit donc exclue de l’accord, la CGT l’a signé pour justifier son appel à la reprise du travail. Elle n’a pas signé l’accord similaire chez GDF Suez, manifestement parce que, contrairement à l’autre, il ne majore pas l’augmentation des jeunes — ce qui prouve la crainte de la bureaucratie face à la détermination particulière de ceux-ci dans ce mouvement.
Les militants NPA de l’énergie ont activement participé à la grève et combattu à juste titre pour l’auto-organisation et contre l’orientation des principales directions syndicales. Cependant, ceux d’entre eux qui ont fait le choix de construire un syndicat SUD combatif, mais ultraminoritaire, n’ont pas pu aller suffisamment au dialogue avec les syndiqués CGT, très nombreux dans ce secteur, et avec les travailleurs qu’elle influence (la CGT ne récolte pas moins de 60 % des voix aux élections professionnelles). D’autre part, la direction du NPA n’a pas fait de cette grève une question centrale, n’a pas mobilisé tout le parti pour la soutenir et n’a pas fait sienne et généralise l’interpellation des directions syndicales formulée, à juste titre, par les militants NPA de l’énergie. Et son orientation globale, parce qu’elle n’a pas été centrée sur la préparation de la grève générale, l’a empêchée de proposer des initiatives qui auraient pu contribuer, à partir de cette grève, à une convergence des secteurs en lutte. Il faut décidément que le NPA joue beaucoup mieux son rôle d’outil pour que les luttes aillent le plus loin possible, se coordonnent et débordent les directions syndicales.
1) Et on sait que ce terme de « sabotage » peut-être, même sans la moindre preuve, le prélude à l"accusation de « terrorisme », comme le prouvent les poursuites dont sont victimes les militants de Tarnac.