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REPORTAGE : Vive la lutte des travailleurs de Goodyear !

Reportage : En lutte depuis le 26 mai, rassemblés devant le siège de l’entreprise à Rueil le 11 juin, les Goodyear refusent le plan de 817 licenciements de la direction

900 travailleurs de l’entreprise multinationale Goodyear d’Amiens-Nord se sont rassemblés jeudi 11 juin devant le siège de l’entreprise à Rueil (Hauts-de-Seine). Le 26 mai, prétextant un déficit du secteur des pneus pour véhicules de tourisme en raison de la crise, la direction de l’entreprise avait annoncé un plan de 817 licenciements sur 1400 emplois, avec la fermeture totale des ateliers concernés (seule serait maintenue la fabrication des pneus pour engins agricoles, qui reste excédentaire, mais même là il n’y a aucune garantie de pérennité, selon les salariés). En comptant les sous-traitants, 1500 emplois sont en fait menacés.

Ce jour-là se tenait un Comité central d’entreprise (CCE) devant lequel la direction devait présenter le détail de son « plan social » et entamer des « négociations » avec les syndicats pour son application, dans un contexte particulièrement difficile pour les salariés, qui subissent déjà une semaine de chômage technique par mois depuis six mois. Arrivés en car dès 8h 30, les travailleurs se sont trouvés immédiatement face à un important dispositif policier visant à les empêcher de s’approcher jusqu’au portes de l’immeuble et usant rapidement de gaz lacrymogènes contre les ouvriers qui s’avançaient aux cris de « Les bandits, c’est pas nous », « La crise, c’est eux : aucun licenciement, chômage technique payé à 100% » et « Jeunes dans la galère, vieux dans la misère, de cette société-là, on n’en veut pas, on la combat ». Prenant la parole avant de rejoindre la réunion du CCE, le délégué CGT, Mickaël Wamen, a annoncé que l’objectif du mouvement était d’« aller en justice le plus vite possible pour faire annuler ce plan social » ; mais il a immédiatement ajouté que, « si cette bataille est perdue, l’autre bataille sera d’aller chercher du fric », c’est-à-dire des indemnités maximales, comme l’ont fait les travailleurs de Continental, avec qui ceux de Goodyear ont manifesté main dans la main le 6 juin à Compiègne (cortège de 2000 personnes).

Indignés que la première réponse de la direction à leur rassemblement soit un accueil policier particulièrement important, les ouvriers ont jeté sur les CRS, durant quatre heures, des œufs, des tomates, de la farine, des mottes de terre, de la peinture, des pétards variés et quelques canettes. Les CRS ont régulièrement maintenu la distance avec leurs gaz lacrymogènes. Mais cela n’a pas suffi tant la colère était grande. Les CRS ont fini par démarrer leurs camions et avancer sur la foule pour l’obliger à reculer à une plus grande distance de l’immeuble, scindant en même temps le rassemblement, tout en coinçant le camion de la CGT. Les ouvriers ont alors recouvert d’autocollants les capots et les pare-brise des camions qui faisaient barrage et continué de jeter différents projectiles légers sur les CRS qu’ils pouvaient encore atteindre. Un ouvrier a été molesté par les CRS et deux CRS auraient été blessés durant cette matinée.

Un affrontement plus violent n’a été évité que par l’ultime prise de parole du délégué de la CGT : tout en soutenant les actes de colère des ouvriers comme réponses à la provocation patronale et policière, Mickaël Wamen a appe4lé au calme et surtout annoncé que le Comité central d’entreprise avait voté à l’unanimité un vœu condamnant purement et simplement le plan social de la direction. Les représentants syndicaux ont alors annoncé leur volonté de saisir le tribunal pour le faire annuler et mis fin à la réunion, au grand dam de la direction qui voulait obtenir le soutien de certains à son plan, quitte à « négocier ». Il faut savoir qu’un précédent plan social, prévoyant 420 licenciements, avait été invalidé en première instance par le tribunal de Nanterre en novembre dernier, puis retiré par la direction malgré sa validation par la cour d’appel de Versailles. Le délégué CGT s’est déclaré confiant dans l’issue du procès, tout en appelant à la poursuite de la mobilisation.

Le syndicat CGT de l’usine, ultramajoritaire (86% des voix), représenté par un leader charismatique, dirige le mouvement ; il fait preuve de combativité : contrairement aux syndicats majoritaires de l’autre usine de Goodyear Dunlop à Amiens-Sud, il avait refusé l’an dernier, malgré le chantage aux licenciements de la direction et une énorme pression, de signer un accord prévoyant le passage aux 4 x 8, destructeur de la vie sociale (avec notamment la généralisation du travail du dimanche). Lors de la manifestation commune des travailleurs de Goodyear et de Continental le 6 juin à Compiègne, Mikaël Wamen, comme son homologue de Continental, a mis en avant l’objectif de la grève générale et dénoncé les journées d’action saute-mouton des directions syndicales. Le syndicat SUD est également présent sur l’usine et participe à la lutte, tout en demandant la mise en place d’une intersyndicale que la CGT, arguant de sa large majorité, refuse. Quant à la CGC, elle est si discréditée aux yeux des ouvriers, pour avoir soutenu de précédents plans de la direction, que son représentant a été hué et n’a même pas pu prendre la parole durant le rassemblement du 11 juin, malgré l’appel du délégué de la CGT à une unité dépassant les dissensions du passé.

Cependant, si le syndicat CGT a raison de vouloir gagner du temps en faisant appel aux tribunaux, cela ne doit pas se faire au prix d’illusions parmi les travailleurs ; en effet, les jugements de la justice bourgeoise sont non seulement aléatoires (comme le prouvent les décisions contradictoires du tribunal de Nanterre et de la cour d’appel de Versailles concernant le précédent plan social), mais surtout déterminés par la loi, qui n’interdit nullement les licenciements pour raisons économiques, quels que soient les profits généraux de l’entreprise. Or la priorité donnée au recours juridique conduit à faire dépendre la suite de la lutte d’une décision de justice : le délégué CGT prévoie expressément que, en cas de défaite, la revendication centrale ne sera plus l’annulation du plan de licenciements, mais l’accroissement des indemnités, sur le modèle des travailleurs de Continental. Pourtant, la fermeture de la majorité des ateliers, la suppression de 1 500 emplois directs et indirects sont inacceptables : les travailleurs ont donné des années de leur vie et de leur santé pour les profits de Goodyear, ils savent que cette multinationale réalise globalement de juteux profits en France comme dans le monde et ils ont conscience de l’ampleur de la crise actuelle, qui les empêchera pour la plupart de retrouver du travail dans une région d’ores et déjà frappée par un taux de chômage particulièrement élevé. Dès lors, il est vital de faire avancer progressivement l’idée qu’il est possible de se battre pour faire échec au plan de licenciements, pour l’occupation de l’usine et sa gestion par les ouvriers eux-mêmes (sur le modèle des 500 ouvriers de Zanon en Argentine, qui font marcher tout seuls leur usine depuis 8 ans), pour sa nationalisation sous contrôle ouvrier. Cela ne peut certes pas se faire de façon incantatoire, mais passe par le dialogue avec les travailleurs syndiqués et non syndiqués (à commencer par les ouvriers, qui sont et doivent rester hégémoniques dans le mouvement), par leur auto-organisation intégrale, notamment des assemblées générales fréquentes et la mise en place d’un comité de grève élu et mandaté intégrant les représentants syndicaux combatifs, mais sans se réduire à eux.

Corrélativement, s’il peut être juste de ne pas se précipiter dans la grève afin de garder des réserves pour les étapes suivantes de la lutte (il est prévu que le plan de la direction s’applique en 2010), il n’en reste pas moins que l’objectif de la grève doit être mis en avant de façon centrale dès maintenant. Il faut la préparer activement à la fois par une activité de conviction patiente des travailleurs (là encore au moyen notamment des AG démocratiques) et par la constitution immédiate d’une caisse de grève abondée par la population laborieuse d’Amiens et de toute la région, où les 1500 suppressions d’emplois seraient catastrophiques. Une grève pourrait être efficace parce que le secteur des pneus agricoles n’est pas encore touché par la crise et qu’un blocage de la production exercerait donc une pression sur le portefeuille patronal. De plus, des contacts peuvent être pris sans attendre avec les salariés de l’autre usine Goodyear d’Amiens, où les conditions de travail sont encore plus difficiles depuis le passage aux 4 x 8, et des autres usines du groupe, qui emploie 3 500 personnes en France. Enfin, dans la continuité de la jonction avec les travailleurs de Continental, la convergence avec les travailleurs en lutte des autres usines frappées par des plans de licenciements et de fermetures, à commencer par ceux du secteur automobile (donneurs d’ordre, équipementiers et sous-traitants) peut être systématisée, car elle est vitale : c’est dans ce secteur (Continental, Caterpillar, Toyota, Lear, PSA Saint-Ouen…) qu’il y a eu depuis le début de l’année le plus de grèves ouvrières, avec une forte combativité, une certaine radicalité et parfois des victoires partielles. Mais le patronat et l’État savent que des grèves isolées usine par usine ne peuvent donner que des résultats limités, alors que leur débordement et leur convergence conduiraient à des victoires importantes.

Il est donc crucial d’amplifier le combat politique pour des revendications aussi avancées que possible, pour l’auto-organisation des luttes et pour leur jonction, notamment par une Rencontre nationale des délégués des entreprises en lutte et l’organisation d’une Marche unie sur Paris contre les licenciements. C’est un tel combat que le NPA, insuffisamment représenté au rassemblement des Goodyear le 11 juin (il n’y avait qu’une poignée de militants de Rouen et de Nanterre/Rueil et Christine Poupin n’y était présente qu’à titre syndical), peut contribuer à mener. Pour cela, il faut non seulement soutenir les luttes en cours et à venir, mais prendre des initiatives concrètes et répondre positivement, au niveau national, à la proposition du POI d’organiser effectivement une manifestation nationale contre les licenciements, puisque le NPA s’est prononcé lui aussi pour une telle marche. Il faut aussi proposer à LO, dont les militants sont implantés dans un certain nombre d’entreprises et participent activement aux luttes, de s’associer à cette initiative et à la proposition d’une Rencontre nationale des délégués d’usines en lutte. Il faut enfin mener ce combat dans les syndicats, notamment dans la CGT, en aidant les syndicats et syndicalistes combatifs à déborder l’obstacle des directions bureaucratiques et à se coordonner au niveau national.

De ce point de vue, l’interpellation de la direction confédérale de la CGT par le syndicat CGT de Goodyear (que nous reproduisons ci-dessous) est un point d’appui considérable : dénonçant l’inaction de la confédération face aux licenciements et la tactique désastreuse des « journées d’action éclatées », il exige que la CGT appelle à une « grève générale et totale », « un mouvement national de grève reconductible ».

Ludovic Wolfgang,
militant du comité NPA de Nanterre,
présent au rassemblement des Goodyear le 11 juin.


Discours de Mickaël Wamen, délégué de la CGT, au milieu de la matinée

La première réunion a été annulée, la deuxième commence dans une demi-heure. Un chef comptable a été nommé pour le plan. À l’ordre du jour, il y a le plan de la direction. Projet de fermeture de l’activité tourisme, pas question de l’activité agraire. On est pour défendre les deux.

Ce que vous faites est très important. On nous fait passer pour des bandits, avec déploiement de CRS ici, vigiles qui me suivent à l’intérieur… « Les bandits, c’est pas nous ! » (Slogan repris par les manifestants.)

Pour le retour, il faut être aux cars à 12h 45. Je vous ai fait confiance, aucun débordement ne sera toléré dans le car. C’est notre seul moyen pour nous exprimer aujourd’hui. Sinon, il n’y aura plus d’autocaristes pour nous accompagner. La CGT organise un train spécial pour aller à Luxembourg, siège de l’entreprise multinationale. La direction de Goodyear va devoir venir s’expliquer devant le tribunal.

Je vois le visage de salariés déterminés à aller jusqu’au bout ! Mais il faut respecter les gens de chez nous et ceux qui nous soutiennent (pas les CRS, eux, je m’en fous !). On est allé à Continental, on a vu qu’ils sont déterminés, qu’ils ont réussi à faire venir un maximum de salariés. Leur usine ferme alors qu’elle est très moderne. Les patrons octroient 8 ans de salaire pour liquider la boîte !

Je m’adresse maintenant au camarade de la CGC : il doit voter la délibération que nous soumettons au Comité d’entreprise. [Les ouvriers huent insultent le délégué CGC, qui renonce à prendre la parole.] Oui, ils nous ont trahis, mais il faut passer à la vitesse supérieure. La CGC n’a pas d’autre choix. L’encadrement aujourd’hui se mobilise, ne nous trompons pas de combat. Ça va pas être évident de travailler avec certains, mais il ne faut pas s’en prendre à une personne. Nous sommes en train de rassembler, ne jetez pas la pierre, allez chercher les collègues dans les bureaux, il faut approfondir la mobilisation. C’est dur d’oublier ce qu’on s’est pris dans la gueule pendant 15 ans, mais c’est l’ensemble du personnel qui va morfler.

Samedi, nous avons manifesté avec les Conti, nous étions 2000, puis il y a eu le concert, moins de monde, mais c’était une fête, c’était une journée exceptionnelle. Donnons-nous la main, salariés, maîtrise et cadres, main dans la main !

Discours de Mickaël Wamen après la réunion du Comité central d’entreprise

La direction a refusé de venir s’expliquer devant vous. [Huées, sifflets, insultes.] Mais pendant la réunion, nous avons assisté à un spectacle grandiose. Dumortier [directeur général de l’entreprise] a refusé nos délibérations, mais on les a faites quand même et elles ont été adoptés à l’unanimité ! [Applaudissements.]

Elles ont été remises. On sera demain devant les tribunaux. Le plan est totalement illégal.

J’en appelle aux responsabilités de chacun, respecterez les autres, ne tombons pas dans un engrenage de violence qui n’aura aucun vainqueur. Continuez la lutte, qui ne fait que démarrer.

[Des ouvriers : On est chaud ! On veut Dumortier !]  Ces gens-là ne viendront pas. On peut répondre à la provocation, mais cela a des limites, arrêtez de jeter des canettes, jetez seulement des œufs, des tomates. La direction n’a pas les couilles de venir. [Des ouvriers : on va les chercher !] Le problème est que, quand les CRS sont là, cela dégénère, alors que quand ils ne sont pas là, cela se passe bien.

Mais cela va monter crescendo. Dumortier est mal. Le jugement va tomber dans 2 ou 3 jours. Le plan social tel qu’il a été annoncé va être annulé.

On veut vivre ! Aucun salarié ne mérite le sort qu’on veut lui jeter ! Steeve s’est fait broyer. Ludovic, 24 ans, a perdu un œil. Et maintenant, la direction veut nous virer !

[Des ouvriers : c’est notre usine !] Oui, elle appartient à ceux qui l’ont faite. Il y a 1,2 accident par jour, la montée du nombre de cancers. Mais les salariés sont nombreux et déterminés pour faire plier la direction. Les Goodyear sont des gens dignes, travailleurs, ils ne méritent pas ça !

Maintenant, je demande à ces messieurs de la police de laisser passer le camion [celui de la CGT, encerclé par ceux des CRS] et de laisser les deux morceaux du rassemblement se rejoindre. Et arrêtez de jeter des canettes. Il n’y a pas de voyous ici, pas de voleurs, les voyous, c’est pas nous ! Ce qui s’est passé aujourd’hui, c’est légitime, il y a eu des provocations des CRS.

Nous sommes déterminés. La lutte de classe, la lutte des salariés en général est importante. On est des mecs dignes, on a des enfants. Si ça finit en cacahuètes, c’est la faute du patron. Pour le moment, on n’en est pas à tout casser.

Interview de Laurent et Bruno, ouvriers, non syndiqués (l’un vote pour le NPA)

Quelles sont vos revendications ?

La direction a annoncé un plan social de 817 suppressions de postes. Toute l’activité tourisme doit fermer. Mais c’est la mort du site qui est programmée. L’entreprise s’est déjà débarrassé de 70 intérimaires, il n’y en a quasiment plus. On ne sait rien de concret sur le plan social. Nous demandons la sauvegarde de l’emploi et si on ne peut pas faire autrement nous nous battrons pour des indemnités. Pour l’instant, l’usine continue de fonctionner.

Avez-vous des liens avec les salariés d’autres entreprises en lutte ?

Nous avons rencontré ceux de Continental, visité leur usine ultramoderne qui ferme. Nous avons manifesté avec eux le 2 juin. Leur lutte est modèle. Nous voulons obtenir autant sinon plus.

Comment se passe la mobilisation dans l’usine ?

Pour l’instant, l’usine continue de fonctionner. Mais la colère est immense. Les gens ne veulent plus travailler.

Y a-t-il des AG ? Comment décidez-vous les revendications, les actions ?

Il y a eu une réunion jeudi dernier, elle était massive, la maîtrise était présente, les bureaux aussi. La CGT est très présente. Il y a un consensus autour du syndicat.

Jusqu’où êtes-vous prêts à aller ?

Jusqu’au bout !

Séquestrer le patron ?

Oui, on est prêt à aller jusqu’à séquestrer le directeur, mais encore faudrait-il qu’on le voie, car il n’est jamais là !

Que pensez-vous de la méthode de l’occupation d’usine et de sa gestion par les travailleurs eux-mêmes, comme cela se fait dans quelques endroits en Amérique latine, par exemple à l’usine Zanon en Argentine ?

Ce n’est pas possible en France. C’est à l’État d’intervenir en baissant les taxes.

Voulez-vous parler des cotisations patronales ? Cela ne risque-t-il pas de creuser le déficit de la Sécurité sociale ?

Il faut prendre sur les profits !

Si vous pensez que c’est à l’État d’intervenir, ne faut-il pas revendiquer la nationalisation de l’usine ?

Non, ce n’est pas une usine française. Beaucoup de sites sont rentables. Mais il faut une intervention. Par exemple, le terrain de l’usine est loué à la ville d’Amiens avec un bail de 50 ans. La mairie [PS, ndr] nous soutient, elle a donné de l’argent au Comité d’entreprise pour financer les cars et la mobilisation, mais c’est tout. Et le gouvernement, il s’en fout !

Comment voyez-vous le lien avec les autres usines en lutte maintenant ?

Il faut se rassembler pour être plus nombreux. Il faut voir ça avec le syndicat.

Que pensez-vous de la proposition d’une marche contre les licenciements mise en avant par certains partis comme le NPA et le POI ?

Oui, c’est une très bonne idée, il faut la faire !

Interview de Hicham, ouvrier, syndiqué à la CGT

On m’a dit qu’il y avait 817 licenciements sur 1400 ; connaissez-vous le détail du plan de la direction ?

Non, on ne sait rien d’autre. Mais c’est le deuxième plan social. On devait passez en 4 x 8 l’an passé, mais on a refusé, contrairement à ceux de Dunlop. La direction a fait un plan de 400 licenciements, mais le tribunal lui a donné tort car les profits étaient en hausse. Maintenant, la direction prend prétexte de la crise et de notre refus des 4 x 8. C’est du chantage.

Que revendiquez-vous ?

Le syndicat refuse le plan social. Si la direction nous tient tête et que le tribunal lui donne raison, alors il faudra obtenir des reclassements et des indemnités. Pour l’instant, nous nous battons contre le plan. Mais on est inquiet. Beaucoup de gens ont des crédits. Les conditions de travail sont très dures, d’autant que l’appareil productif est obsolète. Quand on a vu l’usine ultramoderne de Continental, on a été impressionné par le contraste avec notre matériel. Et ils ferment même l’usine de Continenal !

Y a-t-il des AG ?

Tout le monde est convié aux heures d’information syndicale de la CGT. La CGT suit à 100%. Elle a obtenu 87% des voix aux élections il y a trois mois. Aujourd’hui, 70% sont montés. C’est autant qu’aux actions précédentes, notamment sur les marchés d’Amiens, dans la zone industrielle, à la préfecture. Samedi, nous avons fait grève pour aller manifester avec ceux de Continental.

Les gens sont prêts à se battre, mais dans le calme. Certains voulaient saboter, casser les machines. Mais nous avons un bon secrétaire général CGT, il ne veut pas d’actions violentes. Ce n’est pas par la violence qu’on y arrivera. La direction n’attend que ça, la faute !

Et maintenant, qu’allez-vous faire ?

Il faut s’adresser aux médias. Je ne sait pas ce qu’ils font. Ils peuvent mettre au jour la triste vérité, donner de la transparence. Les gens ont beaucoup donné.

Il faut aussi saisir les tribunaux : il y a une justice en France. On espère qu’ils nous donneront raison.

Que pensez-vous de ceux qui séquestrent les patrons ?

Cela leur pose des problèmes ensuite ! Mais si c’est le seul moyen, pourquoi pas ?

Que pensez-vous d’une manifestation nationale contre les licenciements, comme le proposent le NPA et le POI ?

Oui, bonne idée ! Nous n’avons pas de contacts avec d’autres travailleurs, à part les Conti. On va essayer d’aller voir les autres, la CGT va essayer.

Pensez-vous pouvoir gagner seuls ?

Ça doit être du cas par cas. Chaque entreprise mène son combat. L’alliance peut permettre de faire pression, mais les cas sont différents.

Dans votre cas, vous dites qu’on peut compter sur les tribunaux. Mais le patron a le droit de licencier !

Oui, mais Goodyear est une multinationale très riche. Elle peut maintenir les emplois.

Êtes-vous pour l’interdiction des licenciements ?

Oui ou alors il faut des indemnités et reclassements.

Que pensez-vous de la méthode de l’occupation d’usine et de sa gestion par les travailleurs eux-mêmes, comme cela se fait dans quelques endroits en Amérique latine, par exemple à l’usine Zanon en Argentine ?

C’est une bonne idée si c’est la seule solution. Mais j’imagine mal cela en France.

Que pensez-vous de la revendication de « nationalisation » ?

Pourquoi pas ? Je ne sais pas si l’État peut faire cela, mais OK. Comme ça, si l’État veut se désengager, alors il y aura des contreparties, car il y a plus de sécurité pour les travailleurs dans les entreprises d’État.

Interview de Dominique, militant de SUD

Pensez-vous comme certains de vos collègues qu’il faille compter sur le tribunal ?

On n’en est pas là. Mais si on y va, on a bon espoir. Il y a des failles dans le plan de la direction.

Quelles sont vos revendications ?

Non aux licenciements, maintien de l’activité tourisme. Si ça ne marche pas, on verra, mais pour le moment, on s’en tient à ça.

Quelles actions proposez-vous ?

Pas le blocus de l’usine, car cela va contenter le patron. Il faut des actions différentes et régulières, comme on en a fait à Amiens, samedi avec Continental, aujourd’hui à Rueil…

Cela suffira-t-il ?

Je ne sais pas, car c’est vrai que la direction est pitoyable.

La colère des ouvriers n’est-elle pas très forte ? On m’a dit que certains voulaient casser les machines…

Non, il n’y a pas de volonté de casser les machines. On dit aux gens de ne pas faire ça : « les voyous, c’est pas nous ». Mais ce ne sera plus possible de maintenir le calme au bout d’un moment.

Faut-il se lier avec les autres travailleurs en lutte, réaliser la convergence des luttes ?

Il y a une grosse solidarité, nous faisons le lien avec notre syndicat SUD, notamment avec BASF, Flint, Sanofi… Pour la convergence, les gens viendront au fur et à mesure, on avisera.

La lutte des Continental est-elle un modèle pour vous ?

Je ne suis pas d’accord pour parler de victoire : ils n’ont pas gagné, l’usine a fermé. Ce qu’on veut, c’est sauvegarder l’emploi. Si on laisse faire, ça va se généraliser.

Que pensez-vous d’une manifestation nationale à Paris contre les licenciements, comme le proposent le NPA et le POI ?

Bonne initiative, mais on a en marre des manifestations « syndicalo-pédestres » tous les deux mois. Nous on est pour des actions, on va aller au siège de l’entreprise à Luxembourg, comme l’a dit la CGT. On ne restera pas à bloquer devant l’usine.

La grève n’est-elle pas un bon moyen de pression sur le patron, comme le prouve par exemple celle des travailleurs de Lear en grève depuis plusieurs semaines, qui fait que les voitures construites PSA Aulnay n’ont pas de siège et sont donc invendables ?

Je ne connais pas cette lutte, tout dépend de leurs problèmes, mais nous, nous ne sommes pas pour la grève jusqu’au bout, il y a des failles dans le plan de la direction.

Que pensez-vous de la méthode de la séquestration du patron ?

C’est une étape ultime, quand les gens n’ont plus rien à perdre. Mais vous voyez comment les CRS nous accueillent, avec des lacrymo : on n’est pas des bandits ! Si ça part en vrille, c’est la catastrophe. La colère est encore minime, mais elle peut grandir.

Faut-il une intervention du gouvernement ?

Oui, on est pour, mais Sarko fait du vent. On a des élus avec nous. Mais nous sommes du privé, nous n’avons pas de pouvoir.

Faut-il exiger la nationalisation de Goodyear ?

Oui. Les conditions de travail sont très pénibles, les profits sont très gros. Mais les gens achètent maintenant des pneus chinois de mauvaise qualité, en fait cela va leur revenir plus cher, ils vont devoir en changer plus souvent. Le gouvernement ne peut faire ce qu’il veut. Il faut 100 millions d’euros pour moderniser l’usine. Il faut que le gouvernement mette le nez dans les papiers de Goodyear.

Que pensez-vous de la méthode de l’occupation d’usine et de sa gestion par les travailleurs eux-mêmes, comme cela se fait dans quelques endroits en Amérique latine, par exemple à l’usine Zanon en Argentine ou chez Lip en France dans les années 70 ?

Ce n’est pas à l’ordre du jour à ce stade. Si c’est l’ultime recours, on y viendra.

Pourquoi construisez-vous un syndicat SUD ? Avez-vous des désaccords avec la CGT, qui pèse 87% des voix aux élections ?

Il faut plusieurs syndicats, c’est la démocratie. Nous n’avons aucun désaccord avec la CGT. D’accord pour dire non aux 4 x 8, c’est de l’esclavage. Mais on tempère plus. On essaie d’amener au mouvement lentement, sans brusquer les gens. Nous sommes moins radicaux que la CGT. Mais si on était majoritaire, ce serait différent, on serait plus radicaux.

(Propos recueillis par L. W.)

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