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    Chapitre 8.7: "Faire la société de l’entraide : généraliser l’économie sociale, solidaire et coopérative"

    Par Luc Raisse (14 mai 2022)
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    La Tendance CLAIRE a décidé à la présidentielle d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.

    Billets précédents :

    Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6

    Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4, Chapitre 2.5, Chapitre 2.6

    Chapitre 3.1, Chapitre 3.2, Chapitre 3.3, Chapitre 3.4

    Chapitre 4.1, Chapitre 4.2, Chapitre 4.3, Chapitre 4.4, Chapitre 4.5

    Chapitre 5.1, Chapitre 5.2, Chapitre 5.3, Chapitre 5.4, Chapitre 5.5, Chapitre 5.6, Chapitre 5.7

    Chapitre 6.1, Chapitre 6.2, Chapitre 6.3, Chapitre 6.4, Chapitre 6.5

    Chapitres 7.1 et 7.2, Chapitre 7.3, Chapitre 7.4, Chapitre 7.5, Chapitres 7.6 et 7.7, Chapitre 7.8, Chapitre 7.9, Chapitre 7.10

    Chapitre 8.1, Chapitre 8.2, Chapitre 8.3, Chapitre 8.4, Chapitre 8.5, Chapitre 8.6

    L’introduction de ce point est assez stimulante – et c’est même le seul passage qui en appelle à « remplacer le capitalisme » ! « Face à la prédation de la finance et à la dictature des actionnaires, une autre économie est possible. Elle existe déjà, avec des centaines de milliers d’entreprises et des millions d’emplois. Nous proposons des mesures pour qu'elle devienne l’alternative à l’économie libérale. Il s'agit de remplacer l'autoritarisme individuel par la délibération collective, le travail imposé par le travail émancipateur, la production aveugle par la production utile. Puisque le capitalisme ne supporte pas la démocratie, remplaçons-le. » Pourtant, les mesures qui suivent sont loin d’être à la hauteur du, et relèvent même d’une certaine naïveté. C’est ainsi que la « mesure clé » est moins une mesure qu’un principe : « généraliser l’économie sociale et solidaire (ESS) ». Or « l’économie sociale et solidaire » n’est pas nécessairement non lucrative : dans la loi de 2014 et les décrets de 2015 elle intègre en fait des entreprises qui font des bénéfices, à condition que la « majorité » de ceux-ci ne soient pas distribués aux propriétaires [1]. Il est vrai cependant que les structures de ce secteur ESS doivent obéir à des principes d’« utilité sociale » et de gestion démocratique (1 homme, 1 voix, indépendamment de ses parts dans le capital). De ce point de vue, on peut donc approuver les propositions visant à les soutenir, comme celles de « garantir l’accès de l’ESS au financement et aux marchés publics », de « favoriser le développement des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) et les sociétés coopératives et participatives (SCOP) de façon à développer des services communs dont la responsabilité est partagée entre citoyens et usagers, salariés, partenaires publics et privés » et plus encore de « redonner du pouvoir et des moyens aux associations citoyennes et aux acteurs de l’éducation populaire » – voire de « développer les coopératives d’activités et d’emploi (CAE) afin de lutter contre le statut d'autoentrepreneur et de développer des formes de travail en commun » (mais les CAE sont bien des associations d’entrepreneurs-salariés).

    Mais le problème principal que pose ici le programme AEC, c’est de laisser croire qu’il serait possible de « remplacer le capitalisme » par l’extension de l’ESS. L’argument principal, selon lequel l’ESS « existe déjà, avec des centaines de milliers d’entreprises et des millions d’emplois » est déjà en partie fallacieux : s’il y a bien 2,3 millions de salariés dans ce secteur (soit 14% du secteur privé), il n’en reste pas moins que, à 94%, l’ESS n’est pas constituée d’« entreprises », mais d’associations, dont l’utilité sociale est indéniable, mais qui ne sauraient être mises en balance avec le capitalisme. D’ailleurs, les listes publiées sur le site officiel de l’ESS montrent qu’il s’agit surtout de clubs sportifs, d’associations de parents d’élèves, etc., et elles comptent 22 millions de bénévoles. En fait, l’impératif même de n’avoir pas comme but principal les bénéfices et de ne pas pouvoir s’en approprier la majorité à titre privé empêche évidemment, dans la société actuelle, que le secteur de l’ESS puisse se développer en concurrence avec les entreprises capitalistes. Il est absurde de faire croire le contraire et de prétendre à un grand « remplacement du capitalisme » par l’extension de l’ESS.

    Note

    [1] L’article 1 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 (dite « loi Hamon ») intègre dans l’ESS des « sociétés commerciales » à condition, entre autres, que le « but poursuivi ne soit pas le seul partage des bénéfices » – mais cela veut dire que le partage des bénéfices fait bien alors partie des buts ! Plus précisément, l’une des conditions possibles pour être qualifiée d’entreprise ESS est « l'affectation majoritaire des bénéfices à l'objectif de maintien ou de développement de l'activité de la société » (décret 2015-858 du 13 juillet 2015) – c’est-à-dire que 49% des bénéfices peuvent être partagés à titre privé.

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