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La surenchère de Caracas face à Washington
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) Le président Nicolas Maduro demande des pouvoirs extraordinaires après l'adoption de sanctions américaines contre des hauts fonctionnaires vénézuéliens
Qui menace qui ? Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, a demandé à l'Assemblée nationale, lundi 9 mars, de lui voter des pouvoirs extraordinaires pour défendre son pays face à " la menace d'agression " en provenance des Etats-Unis. A la tribune de l'hémicycle, le chef de l'Etat a appelé ses concitoyens à se " préparer à une attaque militaire ".
La veille, le président Barack Obama avait décrété " l'urgence nationale ", au motif que le Venezuela constitue " une menace inhabituelle et extraordinaire à la sécurité nationale et à la politique extérieure des Etats-Unis ". M. Obama a annoncé des sanctions contre sept hauts fonctionnaires vénézuéliens.
Guerre économique
La question de l'efficacité de ces sanctions est posée. D'aucuns craignent au Venezuela qu'elles ne fassent le jeu du gouvernement Maduro. Confronté à une crise sans précédent, l'héritier de l'ancien président Hugo Chavez (1999-2013) se pose, en effet, en victime d'une guerre économique menée par l'opposition et les Américains.
Gel des avoirs aux Etats-Unis, annulation de visas, les sanctions décidées par M. Obama visent des responsables de la police, de l'armée et de la justice. L'ancien directeur des services de renseignements nommé ministre de l'intérieur, général Gustavo Gonzalez Lopez, le directeur de la police nationale, général Manuel Pérez Urdaneta, et la procureure Katherine Harringthon sont concernés. Ils sont accusés de violations des droits de l'homme lors des manifestations de 2014 (elles avaient fait 43 morts) ou de persécution judiciaire. Washington a appelé Caracas à libérer les dirigeants politiques incarcérés, notamment l'opposant Leopoldo Lopez et le maire de Caracas, Antonio Ledezma.
Les sanctions annoncées par M. Obama concernent des individus. Elles ne visent ni le peuple du Venezuela, ni le gouvernement, ni l'économie, a souligné Washington. Les deux pays sont des partenaires commerciaux importants : tension ou pas, le Venezuela vend aux Etats-Unis quelque 800 000 barils de brut par jour.
Une déclaration d'urgence nationale autorise l'exécutif américain à prendre des sanctions contre un Etat ou ses citoyens sans passer par le Congrès. " C'est une procédure normale ", a précisé un haut fonctionnaire américain à Washington. " Elle est relativement fréquente, confirme l'experte en relations internationales Arlene Tickner. Le gouvernement Obama a usé huit fois de cette figure depuis qu'il est au pouvoir. Et, de par le monde, une trentaine de déclarations d'urgence nationale sont encore en vigueur, concernant des pays aussi divers que la Colombie ou l'Ukraine. "
Le 18 décembre 2014, Barack Obama signait la loi sur la défense des droits de l'homme et de la société civile au Venezuela, votée par le Congrès. Des sanctions étaient alors adoptées contre des hauts fonctionnaires vénézuéliens, dont le nom n'était pas précisé. Nicolas Maduro ripostait, le 28 février, en réduisant de 80 % le nombre de diplomates américains accrédités à Caracas et en instaurant un visa pour les citoyens américains. Mardi, M. Maduro a rappelé le chargé d'affaires du Venezuela à Washington, Maximilien Arvelaiz.
Rangs resserrés
De Cuba à la Bolivie, la gauche latino-américaine a serré les rangs en défense du Venezuela. Le président bolivien, Evo Morales, a demandé une réunion d'urgence de l'Union des nations sud-américaines (Unasur) et de la Communauté des Etats latino-américains et caribéens (Celac). Selon Arlene Tickner, " l'inertie d'Unasur face à la crise vénézuélienne a pu pousser les Etats-Unis à l'action ".
Selon un sondage de novembre 2014, 70 % des Vénézuéliens contestaient l'utilité des sanctions américaines. Nicmer Evans, politologue chaviste très critique du gouvernement Maduro, s'est insurgé contre la décision américaine. " Obama : on règle nos bordels entre nous et vous réglez les vôtres ", a-t-il écrit sur Twitter.
Même les opposants réunis au sein de la Table de l'unité démocratique (MUD) ont jugé bon de se démarquer de Washington : " Le Venezuela ne menace aucun pays, c'est le gouvernement Maduro qui menace les Vénézuéliens ", affirme le communiqué de la MUD. " Les vrais problèmes du pays sont la violence, les pénuries, l'inflation, la dévaluation ", a tweeté, pour sa part, l'ancien candidat de l'opposition à la présidence de la République, Henrique Capriles Radonski, en rappelant que les sanctions visent des dignitaires corrompus. " Se cacher derrière le drapeau pour cacher un compte bancaire et des malversations n'est pas un acte patriotique, c'est immoral ", conclut la MUD, soucieuse de contrer le discours nationaliste du gouvernement.