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"Il faut repolitiser les conflits africains"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://cqfd-journal.org/Il-faut-repolitiser-les-conflits
Le développement de l’action humanitaire depuis les années 1970 couplé aux « guerres justes » contre le terrorisme a gommé la dimension politique des conflits armés en Afrique. Marielle Debos, chercheuse en science politique, nous éclaire sur la nécessité de renouer avec une pensée du politique.
CQFD : Quel sens donnez-vous aux conflits qui ont éclaté ces dernières années en Afrique ?
Marielle Debos : Les discours dominants tendent à les dépolitiser. Ces conflits sont traités soit comme des questions sécuritaires – « il faut s’y intéresser parce qu’ils représentent une menace au-delà du continent africain » –, soit comme des questions humanitaires – « il faut s’y intéresser parce qu’il faut aller sauver les Africains » –, beaucoup plus rarement comme des questions politiques. Or, si l’on veut créer les conditions d’une solidarité internationale qui ne fonctionne pas uniquement sur le mode de la charité, il faut rendre ces conflits lisibles et restituer leur dimension politique.
Dans votre article « Milices et sous-traitance de l’(in)sécurité [1] » vous soulignez les dangers des grilles de lecture exclusivement ethniques ou religieuses. Quelle place faites-vous aux questions identitaires dans votre analyse ?
Dans les années 1990, les conflits africains étaient d’emblée étiquetés « ethniques ». Aujourd’hui, la violence est présentée comme un problème avant tout religieux. Par exemple, les affrontements qui ont éclaté en Centrafrique en 2013 ont été interprétés comme inter-religieux, alors même que les lignes de clivage entre les forces politiques et les groupes armés étaient plus complexes qu’une simple opposition entre chrétiens et musulmans. Cette vision du conflit réifie les identités et néglige le rôle des entrepreneurs politiques qui jouent la carte de la religion : les rebelles de la Séléka, les milices dites anti-balaka, mais aussi, avant eux, l’ancien président François Bozizé. La religion est un registre de la mobilisation politique, mais elle n’est pas la cause du conflit – encore moins sa cause unique. Expliquer le conflit par la religion revient à le dépolitiser : la focalisation sur les questions identitaires crée un écran de fumée sur les ressorts économiques et politiques de la violence. La Centrafrique est l’un des pays les plus pauvres du monde en dépit de l’exploitation des diamants, les ressources sont concentrées dans la capitale laissant les zones rurales dans des conditions d’extrême austérité. Les services publics, qui n’ont jamais bien fonctionné, ont été affaiblis par les programmes d’ajustement structurel imposés par les institutions financières internationales. Ces éléments sont cruciaux si l’on veut comprendre la violence politique qui a marqué l’histoire du pays et le conflit extrêmement violent qui a éclaté en 2013.
Si la religion ne peut à elle seule tenir lieu d’explication, comment faut-il appréhender le développement des groupes djihadistes comme Boko Haram au Nigeria ?
Boko Haram a un discours djihadiste. Sa communication s’inspire de celle de l’État islamique même si les deux groupes se sont développés dans des situations très différentes. La radicalisation religieuse n’est cependant pas un processus qui se déroulerait uniquement sur le plan de la religion ou des idées. Pour comprendre comment des gens finissent par s’enrôler (ou par être enrôlés) dans de tels groupes, il faut prendre en compte leurs trajectoires sociales et le poids des contextes. S’intéresser à l’histoire des gens ordinaires qui à un moment de leur vie s’engagent dans des groupes violents permet une compréhension plus fine de la dynamique de ces groupes que la seule hypothèse d’une adhésion « idéologique » au « projet djihadiste. » On a besoin d’analyses qui considèrent la religion comme un fait social comme un autre et qui prennent en compte les processus multiples qui participent de la création et du développement des groupes armés. Dans le cas du Nigeria, il faut notamment réfléchir à la position des populations qui se retrouvent prises au piège entre la violence de Boko Haram et celle de la contre-insurrection.
Dans votre ouvrage, Le métier des armes au Tchad (Karthala, 2013), vous montrez que l’armée tchadienne a un fonctionnement milicianisé et qu’elle est connue au Tchad pour ses pratiques illégales et violentes. Pourtant, elle ne cesse d’être saluée par les politiques et les médias occidentaux pour son efficacité au Mali et plus récemment au Nigéria. À quoi ressemble cette armée ?
Il y a effectivement un décalage entre les discours très positifs tenus sur l’armée tchadienne à l’extérieur du pays et l’expérience vécue par les civils. Au Tchad, l’armée n’a pas bonne réputation. Elle est gouvernée par l’impunité : les exactions des officiers les plus puissants ne sont jamais sanctionnées. Il ne s’agit pas d’un simple dysfonctionnement mais plutôt d’un mode de gouvernement : octroyer l’impunité à certains individus est un moyen de remercier les affidés et de freiner les velléités de révolte des autres. L’impunité et les illégalismes d’état participent du contrôle de la population. On parle beaucoup des actions des militaires tchadiens au Mali (ils se sont battus aux côtés des militaires français dans le cadre de l’opération Serval) et dans le bassin du lac Tchad où ils affrontent Boko Haram. Mais on parle moins du rôle de la même armée en Centrafrique : en avril 2014, les soldats tchadiens ont dû se retirer du pays après avoir été accusés par l’ONU d’avoir tiré sur des civils.
Vous vous êtes intéressée au lien entre justification humanitaire et ingérence occidentale. Vous mettez en cause la rhétorique de la « stabilité ». D’où vient cette rhétorique ?
Prenons le cas du Tchad. Le pays est considéré depuis quelques années comme un État stable amené à jouer un rôle stabilisateur dans la région. Or, on peut douter du degré de « stabilité » d’un régime qui était sur le point d’être renversé il y a seulement sept ans et dont la gestion des revenus pétroliers a surtout permis d’enrichir une nouvelle classe d’entrepreneurs et d’alimenter les mécontentements. Parier sur son rôle stabilisateur dans la région, c’est ensuite oublier un peu rapidement son rôle dans la déstabilisation de son voisin centrafricain. Ce qui a permis au Tchad d’obtenir aussi rapidement ce nouveau statut d’État stable, ce sont moins les réalités politiques et sociales du pays que le contexte de la « guerre contre le terrorisme » – une expression inventée par l’administration Bush et que François Hollande a utilisée à propos de l’intervention armée au Mali. Le président tchadien, Idriss Déby, a bien compris ce qu’il avait à gagner de ce nouveau rôle d’allié, comme son prédécesseur Hissène Habré avait su tirer les bénéfices de sa position anti-libyenne au temps de la Guerre froide.
En quoi l’interventionnisme occidental en Afrique peut provoquer l’aggravation des violences existantes ?
On ne peut faire de généralités : ces interventions ne se déroulent pas toutes dans les mêmes contextes politiques, n’ont pas toutes les même cadres juridiques, ni les mêmes effets sur le terrain. Mais elles peuvent effectivement avoir des effets désastreux. On a atteint des sommets d’aventurisme en 2011 avec l’intervention armée en Libye, quand Nicolas Sarkozy a mobilisé une coalition internationale pour accélérer la chute de Kadhafi – quatre années après avoir reçu le même Kadhafi avec faste à Paris. Cette intervention a des conséquences lourdes en Libye mais aussi dans le Sahara et le Sahel : la Libye est en guerre et cette situation a profité aux groupes armés djihadistes de la région. Et la réponse à la prolifération de ces groupes est à nouveau militaire…