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Marxisme. Nature et forme de l’Etat capitaliste

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Lien publiée le 29 juillet 2015

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LivreArtoushttp://alencontre.org/marxisme/marxisme-nature-et-forme-de-letat-capitaliste.html

Par Antoine Artous

Nature et forme de l’Etat capitaliste. Analyses marxistes contemporaines vient d’être publié (2015) par Syllepse (Paris) et M (Québec); avec des contributions de Tran Hai Hac, Solis Gonzalez (Mexique), Pierre Salama et les miennes. Ce titre peut sembler étrange dans un monde où, si l’on peut encore reconnaître une certaine validité à Marx pour l’analyse dite économique marxiste en ce qui concerne l’Etat, la pensée critique a plutôt tendance à se tourner vers des théories «sociologiques» et/ou une approche seulement historico-génétique.

Certains de ces travaux peuvent être intéressants. Mais la référence à un Etat capitaliste, articulé à un mode de production capitaliste, non seulement disparaît, mais apparaît, souvent, comme l’expression d’un économisme exacerbé et une incapacité de penser l’autonomie de l’Etat capitaliste et la forme spécifique de ses institutions. Et il est vrai que la tradition marxiste a souvent été marquée de ces défauts.

Toutefois, il existe en son sein une autre tradition qui notamment avec la réactivation des discussions dans les années 1960/90 s’est engagée dans une autre voie: rendre compte des formes spécifiques de l’Etat capitaliste en prenant comme point de départ l’analyse des formes spécifiques des rapports de production et d’exploitation capitaliste et des contradictions qui les traversent. Comme l’écrit Daniel Bensaïd: «l’ordre logique prime l’ordre historique»[1].

Au-delà de certaines différences, cette approche est commune aux quatre auteurs dont je ne vais pas résumer les propos; mieux vaut lire ce livre… Ici, je me contenterais de mettre l’accent sur quelques questions.

En commençant par une remarque: ainsi posé, le débat se situe à un certain niveau d’abstraction. Toutefois, il est utile pour éclairer la période actuelle. En effet, elle est marquée par une crise systémique des formes de l’Etat capitaliste construites dans la période antérieure.

L’Etat comme rapport de souveraineté et de dépendance

L’Etat naît avec l’apparition des classes sociales, basées sur un rapport d’exploitation. Soit. Mais la tradition marxiste s’est souvent contentée – et pas seulement dans sa version stalinienne – de s’en tenir aux analyses d’Engels dans L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat. Quel que soit, en son siècle, l’intérêt de ce livre, Engels fait de l’Etat une institution transhistorique dotée de certains attributs: un territoire, un système de fonctionnaires et une force publique séparée de la nation. Il va en chercher la naissance dans l’avènement de la Cité athénienne alors qu’elle est strictement introuvable. En fait, Engels projette certaines caractéristiques de l’Etat moderne.

Marx est plus précis, lorsqu’il explique que, pour les Grecs, «l’Etat se confondait avec la Cité»[2]. Bref, l’Etat de la Cité grecque n’est pas, comme l’Etat moderne, un «Etat politique séparé» pour reprendre une formule du jeune Marx. En précisant tout de suite que cela ne veut pas dire que cet Etat n’a pas une présence structurante dans les rapports de production capitalistes, mais qu’il prend la forme d’une institution politico-publique qui n’est pas «encastrée» (Polanski) dans la société civile et les rapports de propriété.

Durant les années 1920, le juriste soviétique Evgeni Pasukanis est l’un des rares à poser la question essentielle que l’approche d’Engels ne permet pas de traiter: «Pourquoi la domination de classe ne demeure-t-elle pas ce qu’elle était, à savoir l’assujettissement d’une partie de la population par l’autre? (…) Pourquoi l’appareil de contrainte étatique ne se construit-il pas comme l’appareil privé de la classe dominante?, pourquoi se sépare-t-il de cette dernière et revêt-il la forme d’un appareil de pouvoir public impersonnel détaché de la société? En effet, un pouvoir féodal ou patriarcal ne connaît pas de frontières entre le privé et le public.»[3]

Cet assujettissement direct est en effet une caractéristique générale de l’Etat dans les sociétés précapitalistes, bien souligné par Marx dans le chapitre du Livre III du Capital sur «La genèse de la rente foncière». «Comme le producteur direct n’est pas séparé des moyens de production, donc de ses conditions de reproduction, «il faut des raisons extra-économiques (…) pour l’obliger à effectuer du travail pour le compte du propriétaire foncier en titre. (…) Le rapport de propriété doit fatalement se manifester comme un rapport de maître à serviteur» dont la forme varie avec les formes d’exploitation.

Ce passage est le seul du Capital où l’on trouve une définition générale de l’Etat: «C’est toujours dans le rapport immédiat de production entre le propriétaire des moyens de production et le producteur direct qu’il faut chercher le secret le plus profond, le fondement caché de tout l’édifice social et par conséquent de la forme politique que prend le rapport de souveraineté et d’indépendance, bref la forme spécifique que revêt l’Etat à une période donnée.»[4]

L’Etat n’est donc pas une substance transhistorique. Il est l’effet d’une relation – en l’occurrence de souveraineté et de dépendance – qui prend forme dans un rapport de production spécifique, déterminant sa forme particulière. Ces formules ne relèvent pas d’un économisme exacerbé. Elles ne renvoient d’ailleurs pas à l’activité économique entendue seulement comme activité de production de biens et de services, mais à un rapport social de production et d’exploitation intégrant, dans sa définition même, une dimension politico-juridique qui ne relève pas de la simple superstructure.

Dans les sociétés précapitalistes, pour les raisons données plus haut,

les rapports de propriété sont toujours imbriqués dans des rapports de souveraineté. Marx, par exemple, parle de «la constitution féodale du sol», ainsi définie: «aux temps féodaux la direction de la guerre et l’administration de la justice étaient les attributs de la propriété foncière»[5]. Bref, la seigneurie féodale s’est accaparée ce que sont, à l’époque, les attributs du pouvoir politique, notamment la justice, alors que ce n’est pas le cas dans les grands domaines de l’empire carolingien. C’est là, souligne Max Weber, un phénomène spécifique à l’histoire de l’Occident. Marx, d’ailleurs, refuse d’employer la catégorie de féodalisme hors de cette histoire et, avec raison, de celle du Japon, comme l’historien March Bloch, spécialiste réputé de la féodalité.

La double ossature institutionnelle de l’Etat moderne[6]

Dans ses textes de jeunesse Marx est très sensible aux ruptures radicales dans les formes du pouvoir politique portées par l’avènement de l’Etat moderne.

Dans l’Ancien Régime, la «société avait directement un caractère politique», comme il l’écrit dans La Question juive. Les rapports de l’individu avec l’Etat étaient médiatisés par son appartenance à un groupement sociopolitique: seigneuries, ordres, corporations, etc. L’Etat n’était pas «séparé» de la société civile, il était «encastré», pour reprendre une formule de Karl Polanyi[7], dans les formes sociopolitiques qui structuraient cette dernière.

Par contre dans l’Etat moderne, les rapports de souveraineté ne sont plus «encastrés» dans ceux de propriété. Il se cristallise dans une institution nouvelle: l’Etat représentatif comme pouvoir public. C’est dans sa Critique du droit politique hégélien qu’est exposée de façon systématique son approche. Cela est somme toute logique puisqu’il se confronte à la théorie de l’Etat d’Hegel qui, à l’époque, est le principal penseur de l’Etat moderne. Marx souligne alors une double dimension de cet Etat.

La première est la représentation politique, au sens moderne, qui n’est plus la représentation d’un ensemble sociopolitique. Il souligne alors les ruptures dans les formes d’organisation politique par rapport à une société régie par les ordres. «La représentation est un produit bien spécifique de la société moderne, dont on ne peut la séparer pas plus qu’on ne peut en dissocier l’individu moderne», explique-t-il dans L’idéologie allemande[8].

C’est très exactement ici que se pose une double question sur laquelle a buté en permanence la tradition marxiste.

Tout d’abord, l’analyse de cette nouvelle réalité institutionnelle (l’Etat représentatif), qui certes peut prendre diverses formes, mais toutes différentes des institutions des monarchies de l’Ancien Régime. Ensuite, celle des déterminations sociales contradictoires traversant cet «individu moderne». Il est structuré par la société bourgeoise, mais aussi inscrit, certes à travers les luttes, dans un énoncé politico-juridique d’une égalité citoyenne. Dans La question juive, Marx explique que les Etats nord-américains élus au suffrage universel sont la forme achevée de l’Etat bourgeois, mais il a aussi en permanence (contrairement à certaines affirmations) expliqué que la lutte du prolétariat pour le suffrage universel était décisive.

La seconde dimension est la bureaucratie que, dans Critique du droit politique hégélien, Marx qualifie de «hiérarchie de savoir», dont le critère serait la seule compétence, validé par l’examen. Dans l’Etat absolutiste français, la bureaucratie n’est pas une «hiérarchie de savoir»: ses membres appartiennent à une hiérarchie définie par un statut socio-politique (la noblesse). Sauf de façon tardive et marginale comme les ingénieurs des Ponts et Chaussées.

Citoyenneté et bureaucratie comme hiérarchie de savoir sont donc la double face de l’ossature institutionnelle de l’Etat moderne. Naturellement, je désigne ici une donnée structurelle de cet Etat, les conditions de cristallisation historique peuvent être très variables selon les pays.

«Travailleur libre» et «travailleur parcellaire»

Il est frappant de voir l’homologie de cette double dimension, avec les deux caractéristiques principales du rapport de production capitaliste qui suppose la généralisation des rapports marchands et de la production généralisée de marchandise. Le lien social se structure au travers de la transformation des produits du travail en marchandise et la généralisation du marché.

C’est en tout cas le point de vue de Marx dans le Livre I du Capital, lorsqu’il propose une première détermination générale du mode de production capitaliste. Et c’est déjà l’ouverture d’une première discussion puisque Nicos Poulantzas, une référence devenue internationale dans l’analyse marxiste de l’Etat capitaliste, ne considère pas les rapports marchands comme une donnée structurante des rapports de production capitalistes. On va y revenir.

Quoi qu’il en soit, c’est dans ce cadre que Marx utilise la figure du «travailleur libre» pour caractériser le salarié capitaliste, en la distinguant de celle de l’esclave et du serf. Il est libéré (au sens de privé) de tout rapport de «possession » (Marx) des moyens de production. Pour subsister il doit donc vendre sa force de travail aux capitalistes qui sont propriétaires privés de ces moyens. Mais pour le faire il doit disposer de sa propre personne.

Ce travailleur n’est pas seulement libéré des rapports personnels de dépendance, caractérisant les formes de production capitaliste. Il est socialement saisi comme un échangiste-marchand; donc un individu équivalent aux autres individus. Et c’est ici que se cristallise la référence au «droit égal» (Marx) et, au-delà de l’égalité citoyenne non pas bien sûr comme une chose donnée allant de soi, mais comme horizon issu des contradictions portées par les contradictions du rapport salarial.

Mais cette vente de la force de travail, c’est également la mise au travail pour produire de la plus-value sous la férule du capital qui cristallise l’organisation d’un procès de travail devenu collectif. C’est la thématique du «travailleur parcellaire et/ou dominé par les machines.

Marx souligne aussi que la production capitaliste porte une forme historiquement nouvelle de domination au sein même du procès de travail qu’il appelle «despotisme d’usine». Le «procès de travail individuel» (Marx), issu des formes précapitalistes est remplacé par un «travailleur collectif» (Marx) dans lequel s’intègrent les forces de travail individuelles. Mais ce dernier se structure sous la férule du capital qui cristallise l’intelligence nécessaire à l’organisation de ce procès. «Les puissances de la production (se) transforment en pouvoir du capital sur le travail. L’habileté de l’ouvrier apparaît chétive devant la science prodigieuse (…) qui constitue la puissance du Maître.»[9]

Bref, se met en place une «hiérarchie du savoir» (mais Marx ne reprend pas cette catégorie de la Critique du droit politique hégélien) qui domine le «travailleur parcellaire» (Marx) devenu l’appendice de la machine. On a parfois caractérisé cette nouvelle division du travail de division travail manuel/travail intellectuel. Mieux vaut parler de division entre les tâches de conception/organisation et celles d’exécution qui touche à la fois les couches «manuelles» et «intellectuelles».

Les analyses de Michel Foucault sur les «disciplines» rendent bien compte de cette nouvelle forme de domination – il y renvoie d’ailleurs explicitement – dans sa différence d’avec «les formes de pouvoir traditionnelles» portées par les anciens rapports personnels de dépendance. Il s’agit «d’une technologie fine de l’assujettissement, (…) d’une mécanique de pouvoir (…) qui définit comment on peut avoir prise sur le corps des autres, non simplement pour qu’ils fassent ce qu’on désire, mais qu’ils opèrent comme on veut, avec les technologies, selon la rapidité et l’efficacité qu’on détermine»[10].

Ces disciplines ne concernent pas seulement le procès immédiat de production, elles suivent la production/reproduction de la force de travail tout au long de l’espace social au travers d’une série de dispositifs institutionnels; y compris étatiques et para-étatiques.

En fait, le salarié est traversé par deux formes d’individualisation contradictoires: l’une portée par les formes de subjectivation juridico-politiques, l’autre structurée par les «disciplines» et la figure du «travailleur parcellaire». Mais il est bien sûr important de comprendre la dynamique politique de la citoyenneté égalitaire. Il y a là une contradiction politique fondamentale inscrite au sein même des rapports capitalistes de production.

A propos de quelques difficultés

La tradition marxiste a toujours eu du mal à penser cette double détermination qui n’est pas seulement idéelle (de l’ordre des idées), mais renvoie à un dédoublement des déterminations sociales portées par les rapports de production entre la sphère de la production et celle de la circulation. Et ces déterminations elles-mêmes prennent des formes spécifiques, liées à la spécificité des rapports capitalistes. C’est dans ce dédoublement que prend racine l’autonomie relative de l’Etat capitaliste, alors que dans les formes précapitalistes, les rapports politiques sont toujours encastrés dans les rapports de propriété. C’est pourquoi d’ailleurs, le «personnel politique» (l’expression est anachronique) est toujours issu de la classe dominante économiquement. Même dans l’Etat absolutiste, qui peut prendre des distances par rapport aux diverses fractions de la noblesse, cette dernière est hypermajoritaire dans l’appareil d’Etat.

En général, cette tradition a pris en charge les batailles pour le suffrage universel. Il était difficile de faire autrement vu les positions de Marx et d’Engels sur le sujet. Mais, au-delà, elle a du mal à penser l’épaisseur sociale des déterminations portées par la sphère la circulation;  l’énoncé du droit égal. Marx en parle souvent comme de déterminations formelles, masquant les rapports d’exploitation. Mais – et là-dessus Marx est explicite – cela ne veut pas dire que ce sont des déterminations de pure forme (au sens vulgaire du terme), ce sont des formes sociales objectives à travers lesquelles se cristallisent certaines relations sociales.

Par ailleurs, les analyses de Marx sur le «despotisme d’usine», et la nature de la division du travail que cela implique («hiérarchie de savoir»), ont été souvent «oubliées» au profit d’une simple référence à la dynamique de socialisation des forces productives portées par le capitalisme bloqué par la propriété privée des moyens de production. Notamment chez Engels. La radicalité anti-étatique de Lénine dans l’Etat et la révolution ne doit pas faire oublier qu’il présente les grandes usines capitalistes, comme, une fois étatisées, la base économique toute prête pour organiser le dépérissement de l’Etat.
Dans les années 1960-80 (et sur la base du bilan de l’URSS), certains marxistes ont réagi à cet oubli, en soulignant – avec raison – que dans le capitalisme, le producteur direct subissait une double dépossession. Juridique, avec le développement de la propriété privée des moyens de production, mais aussi une dépossession «technico-administrative, décrite plus haut avec l’instauration du «despotisme d’usine».

Par exemple, Nicos Poulantzas est un des auteurs marxistes importants des années 1970 pour son travail sur l’Etat. Toutefois, dans L’Etat, le pouvoir, et le socialisme, où il entend rendre compte des formes d’individualisation spécifiques liées à l’Etat capitaliste, il ne traite pas des rapports marchands – s’inscrivant ainsi dans la tradition althussérienne. Pour lui ce ne sont pas des éléments constitutifs des rapports de production capitalistes. La seule forme d’individualisation est celle portée par le procès immédiat de production – en référence aux «disciplines» de Michel Foucault.

Du coup, l’Etat capitaliste apparaît comme un immense Etat despote, dupliquant le despotisme d’usine dans toute la société: «Les producteurs directs ne sont libérés du sol que pour être quadrillés, dans les usines, bien sûr, mais aussi dans les familles, au sens moderne, les écoles, les armées, les prisons, les territoires, les nations.»[11] On se demande par quel détour pervers cet Etat a éprouvé le besoin d’inventer la figure de la citoyenneté et du sujet juridique moderne.

Naturellement, cela serait trop simple s’il suffisait de mettre en relation l’analyse de l’Etat des textes de jeunesse avec l’analyse des rapports de production réalisés dans Le Capital. La question se pose de façon différente: pourquoi dans Le Capital Marx ne les a-t-il pas reprises (même en les reformulant) dans le cadre d’une analyse de l’Etat capitaliste. Pas seulement pour des raisons de temps, mais à cause de difficultés dans l’analyse des rapports de produits capitalistes.
Comme le montre Tran Hai Hac dans sa contribution[12], cela touche aux difficultés de conceptualisation de Marx sur deux «marchandises» particulières qui, justement, font apparaître que l’on ne peut penser pleinement le capital sans l’Etat au niveau même des catégories dites «économiques». Je me contente d’indiquer les problèmes.

La première est le statut pris par l’argent dans des rapports marchands généralisés qui ne peut peuvent être pensés comme du simple troc généralisé. L’argent perd son statut de marchandise pour devenir, via l’Etat comme représentant de la société, un équivalent général, via lequel s’exprime la valeur des marchandises. Le marché n’a pas seulement une dimension horizontale entre propriétaires privés, mais suppose une dimension verticale: l’Etat souverain qui procède au monnayage et le garantit.

La seconde est la force de travail, qui n’est pas une marchandise comme les autres, pas seulement du point de vue de vue de sa simple valeur d’usage. Elle n’est pas produite par un procès de valorisation et, tout en tenant compte d’un minima socialement déterminé, le niveau de salaire est déterminé par les rapports de force entre les classes, c’est-à-dire la lutte des classes. Apparaît alors un troisième personnage au sein duquel se cristallisent des données sociales, produites par un certain rapport de force entre les classes. Dans le Livre I du Capital, Marx décrit dans les détails ces mécanismes à propos des luttes autour de la réglementation du travail en Angleterre. Le rapport salarial n’est pas un simple rapport privé entre le capitaliste et le salarié, il suppose la présence constitutive de l’Etat, comme Etat public, justement. (27 juillet 2015)


[1] Daniel Bensaïd, Marx l’intempestif, Fayard, 1995, p. 40.

[2] Marx, En marge de l’histoire critique de l’économie politique d’Eugen Dühring, Œuvres  t.1, La Pléaide 1969, p. 1494.

[3] E. Pasukanis, La Téorie générale du droit et le marxisme, EDI, Paris1970 p. 128-125. Pour une discussion critique  des analyses de l’auteur voir mon livre Marx, L’Etat et la politique, Syllepse, Paris, 1999. Il est intéressant de noter que dans  un article de A l’Encontre «Actualiser et complexifer l’approche marxiste de l’Etat» (2015), Alain Bihr, faisant référence à Paukanis, reproche à Ernest Mandel de ne pas traiter de «la forme générale de l’Etat capitaliste».

[4] Marx, Le Capital, III. 3, Editions sociales, 1960 , I.2, p. 72.

[5] Ibidem, I.2 p. 25.

[6] Je ne traite pas de la monopolisation de la violence légitime dont parle Max Weber.

[7] Karl Polanyi utilise, dans La Grande transformation (Gallimard, 1983), la formule pour parler de l’encastrement de l’économie dans le social, caractéristique des sociétés précapitalistes.

[8] Marx, L’idéologie allemande, Œuvres, La Pléiade, t. 3, 1982, p. 1168.

[9] Marx, Le Capital, op. cit., I.2, p. 25.

[10] Michel Foucault, Surveilleur et punir, Gallimard, 1975, p. 222, 240.

[11] Nicos Poulantzas, L’Etat, le pouvoir et le socialisme (1re édition 1978),  2013, Les Prairies ordinaires, p. 161.

[12] Voir également Tran Hai Hac, Relire “Le Capital”, Page deux, Lausanne, 2003, 2 tomes.