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Extrait de "Les citoyens ont de bonnes raisons de ne pas voter"

Lien publiée le 25 novembre 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.contretemps.eu/lectures/lire-extrait-citoyens-ont-bonnes-raisons-ne-pas-voter-thomas-amadieu-nicolas-framont

Thomas Amadieu, Nicolas Framont, Les citoyens ont de bonnes raisons de ne pas voter, Lormont, Editions Bord de l'eau, 160 pages, 15 €.

Une situation sociale qui favorise le désengagement

L’élitisation des partis politiques français et leur crise, qui viennent nourrir l’abstention en les rendant peu représentatifs de la population, est la conséquence d’évolutions sociales profondes qui en font un outil d’action collective caduque. Ces évolutions sociales sont la conséquence des bouleversements du marché du travail, de l’ouverture au libre-échange et de la hausse des inégalités. Ces phénomènes sont favorisés par les politiques clientélistes mises en place par la droite et par la gauche depuis trente ans. Le désengagement qu’ils nourrissent conduit au maintien de ces politiques, qui ne trouvent plus aucune opposition, dans un pays où les catégories moyenne et populaire sont largement exclues de l’action politique, syndicale et associative. Dans ce contexte, il est compréhensible que l’abstention devienne la seule manifestation – individuelle – de cette absence de possibilité d’action collective. Comment en est-on arrivé là ? Il nous semble que la politique dérégulationniste menée depuis trente ans couplée à l’extension du libre-échange a eu deux conséquences majeures sur la vie quotidienne de la majorité des gens : l’individualisation du travail et la désorganisation temporelle. Ces deux phénomènes expliquent à eux seuls les difficultés plus grandes à prendre part à des organisations politiques et syndicales au fonctionnement aligné sur la société française d’avant le tournant des années 1980.

Des salariés atomisés géographiquement et mis en concurrence

Avec le développement de la sous-traitance, la taille des entreprises a globalement diminué en France. Les sites industriels où travaillaient sous une même entité des milliers d’ouvriers ont quasiment disparu. Si l’emploi ouvrier, lui, n’a pas pourtant disparu, cet éclatement a favorisé le sentiment, très partagé, qu’il n’y a plus d’ouvriers en France, ce qui est évidemment faux. Le nombre d’employés a, quant à lui, augmenté, ainsi que les professions intermédiaires. La population active est donc constituée d’une majorité de salariés éclatés entre de nombreuses unités de productions. Les salaires se sont individualisés, avec le développement des primes et d’un management plus personnalisé. L’explosion des contrats précaires, intérim, CDD et auto-entrepreunariat a également changé la donne. Il est, désormais, difficile d’être durablement associé à un collectif au sein d’une entreprise où l’on passerait tout son temps. Même les plus grandes entreprises ont désormais géographiquement éloigné leurs différents secteurs les uns des autres, ce qui est rendu possible par le développement des télécommunications. Dans ces conditions, il est plus difficile pour une organisation syndicale ou politique de toucher des individus plus atomisés. De plus, l’entreprise comme lieu de discussion, dont Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen ont montré, dans leur étude sur l’abstention, le rôle primordial pour la formation des opinions partisanes, tend à s’effacer dans ce contexte d’atomisation. On tend à être davantage seul au travail, ce qui a des conséquences sur l’image qu’on a de soi et de sa catégorie sociale (la référence à la classe ouvrière diminue, et tout le monde tend à se dire membre de la « classe moyenne ») mais aussi sur sa capacité à s’organiser sur son lieu de travail. Cela explique la baisse continue de la syndicalisation chez les salariés français.

Des inégalités sociales en termes de gestion du temps

Les politiques de dérégulation du droit du travail et l’évolution de l’emploi ont eu des conséquences sur les temps sociaux. Il y a, en France, de grandes disparités entre ceux qui maîtrisent leur temps de travail – et donc leur temps libre – et peuvent prendre part à des activités associatives et politiques, et ceux qui le subissent et n’ont pas de visibilité sur leur emploi du temps. Les plus défavorisés sont les ouvriers et les employés.

La tertiarisation de l’économie a créé de nouveaux besoins en termes de main-d’œuvre susceptibles de rendre possibles les activités de service : livreurs, manutentionnaires, techniciens de surface, agents de sécurité sont indispensables à une société qui met en avant les cadres et les hommes d’affaires. Cette main-d’œuvre invisible s’active autour de la figure des banquiers, publicitaires, financiers et assureurs que la société dite postindustrielle met principalement en avant. On voit moins ces ouvriers que ceux des usines Renault des Trente Glorieuses. Pourtant ils sont présents, avec des conditions de travail sans doute moins dangereuses mais pas plus structurées temporellement : le travail de nuit, les horaires décalés, le temps partiel subi sont monnaie courante parmi les ouvriers des services. Quant aux employés, notamment dans le commerce, ils subissent les nouvelles exigences des grandes enseignes en termes d’amplitude d’ouverture ou de rapidité du service. Certaines professions sont donc beaucoup moins favorables à une gestion aisée du temps. Plus on descend dans l’échelle sociale, moins le temps est un paramètre sur lequel on a un contrôle.

L’enquête « conditions de travail » de la Dares, en 2014, nous donne certaines informations quantitatives sur la gestion horaire selon les types de profession. On apprend ainsi que 60,6 % des ouvriers qualifiés sont soumis à un contrôle technique des horaires (pointeurs, badges…) contre 47,3 % des employés administratifs et 25 % des cadres. En revanche, cadres et ouvriers se rejoignent sur certains points : les deux catégories ont une incertitude forte par rapport à l’avenir : 22,8 % des cadres et 25,8 % des ouvriers qualifiés ne connaissaient pas leurs horaires du mois à venir en 2013, contre seulement 8,4 % des employés administratifs. Cependant, les cadres sont plus nombreux à pouvoir faire varier leurs objectifs et les adapter eux-mêmes. Si la quantité de travail leur fait partager l’indisponibilité horaire des ouvriers et des employés, le contrôle de leur temps est bien supérieur à celui de ces deux catégories. Enfin, la vie domestique représente une charge horaire que seuls ceux qui ont les ressources financières pour être aidés sur ce plan-là (garde d’enfant, ménage…) peuvent contourner. Et il s’agit, là encore, des catégories privilégiées, en aucun cas des employés et des ouvriers, ce qui augmente les inégalités.

Cela a des conséquences sur la possibilité de prendre part à la vie d’une organisation politique. Ce n’est pas un hasard si les employés du public, les professions intellectuelles et les cadres sont surreprésentés dans les partis politiques de toute obédience. Et si certains, dans les années 1950-1960, choisissaient de s’adapter prioritairement aux horaires des classes populaires, comme le Parti communiste et certains partis d’extrême gauche (qui envoyaient leurs militants diplômés travailler à l’usine pour « expérimenter la condition ouvrière »), la professionnalisation de la politique a rendu cet objectif tout à fait secondaire comparé à d’autres considérations bureaucratiques. Pourtant, des solutions apparaissent pour résoudre cette crise sans précédent.

Les faux remèdes à la crise des partis

La classe politique est bien consciente de la crise de légitimité qui l’affecte et lance régulièrement des appels à la mobilisation de la « société civile ». Par exemple, des ministres issus de la « société civile » entrent au gouvernement : Fadela Amara, de l’association Ni putes ni soumises, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Le Parti socialiste cherche de son côté à récupérer le plus vite possible les divers thèmes portés par les mouvements de la société civile lorsqu’ils lui permettent d’apparaître progressiste à bon compte. Mais qu’est-ce que la société civile ? N’y a-t-il pas une forme de fantasme à imaginer le renouveau de la démocratie par la société civile ? Il nous semble que oui, car les groupes mobilisés constituant cette société civile dont on parle tant ne sont pas l’émanation directe des Français.

Une démocratie participative poudre aux yeux

Faisant le constat de la désaffection qui les frappe, certains politiques cherchent à mettre en place des initiatives dites de « démocratie participative », censées compléter les lacunes de la démocratie représentative. En gros, il s’agit de consulter les citoyens sur des questions ponctuelles et précises, par exemple de leur donner le choix entre plusieurs projets d’aménagement urbain. Bien souvent, on en reste aux déclarations d’intention ou aux mesures cosmétiques. Surtout, les élus ne souhaitent pas perdre de leur pouvoir et prérogatives ; aussi cherchent-ils toujours à garder la main sur les résultats.

Les initiatives de démocratie participative sont généralement saluées par les observateurs et bien accueillies par le public. Ainsi, sa mise en place par Ségolène Royal, lors de la campagne présidentielle de 2007, a rencontré un certain succès, qui est peut-être une des explications du taux d’abstention très faible lors de cette élection. Sur le principe, la démocratie participative emporte l’adhésion des citoyens. Mais dans les faits il s’agit, bien souvent, d’un artifice de communication politique destiné à donner des gages d’écoute aux électeurs, le représentant restant le seul maître à bord.

La mairie de Paris, soucieuse de paraître à la pointe en ce domaine, a lancé en 2014 une grande consultation citoyenne invitant les Parisiens à prendre part aux décisions d’investissement de la mairie. Sur le site Web titré de façon infantilisante « Madame la maire j’ai une idée », la mairie fait la promotion du Budget participatif auquel tout administré peut prendre part. On déchante très vite lorsqu’on s’aperçoit que cela ne concerne que 5 % du budget d’investissement de la municipalité. De plus, si chacun peut proposer son projet sur le site, encore faut-il qu’il convienne aux services de la mairie, qui le valide avant qu’il soit proposé à la consultation. Ainsi, pour avoir une chance de voir son projet sélectionné, il faut concevoir un projet qui ait toutes les apparences d’un projet professionnel, respectant les codes habituels des appels à projet. Un projet porté par un collectif disposant de moyens importants aura donc plus de chance d’être choisi. Bien évidemment, ceux qui sont en mesure de concevoir un projet exercent plutôt des professions où l’on dispose de temps et de ressources culturelles. Les besoins des classes populaires ont très peu de chance d’émerger avec ce mode de sélection. Sans compter que si, d’aventure, un projet de ce type était porté au vote, il aurait peu de chance d’aboutir étant donné la déformation probable de l’électorat de cette consultation. Les classes sociales mobilisées pour ce genre de consultations somme toute encore relativement confidentielles sont les différentes strates de la bourgeoisie. Le projet le plus commenté sur le site, le 1er juillet 2015, était une initiative pour la promotion du tennis de table dans l’Ouest parisien ; un projet qui répond sans doute à un besoin social criant du peuple de Paris !

Ces consultations citoyennes procèdent donc, le plus souvent, d’une fausse horizontalité. L’initiative et la conception émanent du haut, les électeurs étant face à ce qui s’apparente à un faux choix. Par ailleurs, les projets sélectionnés, de même que la façon dont l’élection est présentée, sont clairement destinés à un public jeune, « branché » et aisé. Des lieux festifs, de loisir ou verts, pour rendre la vie des Parisiens plus ludique.

Dans la même veine, les municipalités multiplient les conseils de quartier, de jeunes, d’enfants, d’étrangers, etc., dans l’espoir de redonner l’illusion de la proximité et de l’écoute. La mairie de Paris organise même des « agoras participatives et citoyennes » en présence de la maire Anne Hidalgo, invitant les Parisiens à venir découvrir les projets citoyens. Bien évidemment, ces instances ne sont pas décisionnaires. Et les maires sont de plus en plus triés socialement et donc éloignés de leurs administrés. En fait, la démocratie participative a tout de l’artifice de communication, qui permet de donner à bon compte une touche moderne et jeune aux élus. D’autant plus si on y ajoute une dimension numérique.

Le fantasme de la démocratie numérique

Fascinés par le développement de l’Internet dans sa version collaborative 2.0 et par le succès des start-up du numérique devenues multinationales, certains observateurs prédisent une révolution digitale de la démocratie. L’Internet serait l’instrument miracle qui permettrait de résoudre les problèmes de représentativité des élus et le manque d'engouement des citoyens, particulièrement des plus jeunes. L’instantanéité des échanges et leur prétendue horizontalité seraient les ingrédients du renouveau du politique. Certains parlent même d’uberisation de la politique – du nom de l’entreprise américaine qui fait concurrence aux taxis – pour désigner la ringardisation des partis politiques traditionnels par de nouvelles structures.

Internet est censé favoriser la diffusion de l’information en permettant aux citoyens de s’informer sur l’action gouvernementale, mais également en faisant émerger des idées du côté des citoyens qui pourront être reprises par les politiques. Malgré une diffusion large de cette technologie sur l’ensemble du territoire, il existe de fortes inégalités dans sa pratique. Vingt pour cent des Français n’en sont toujours pas équipés. Puis, des écarts existent en termes de fréquence d’utilisation : 92,5 % des cadres utilisent Internet pendant leur travail. Ils peuvent donc participer de manière quasi instantanée aux échanges que proposent les plateformes de participation, les mailings listes et les commentaires de blog ou de sites Web. En revanche, seule une minorité des employés du commerce et des ouvriers disposent d’Internet au travail. Internet est cantonné à une utilisation durant le temps de loisir, ce qui signifie qu’on est donc loin d’une démocratie virtuelle où chacun aurait les mêmes conditions d’accès1.

La société civile comme seconde représentation des groupes dominants

Résolument optimiste quant à l’avenir de nos institutions, l’essayiste Pierre Rosanvallon relativise la crise de la démocratie représentative en évoquant, dans un ouvrage du même nom, le développement de la « contre-démocratie » [Rosanvallon, 2006]. Il s’agit de l’ensemble des initiatives citoyennes de protestation, qui critiquent et contrôlent l’action des élus et des gouvernements locaux et nationaux. Cependant, cette contre-démocratie, comme son nom l’indique, a un penchant dangereux car elle manque de légitimité et peut être trop locale et ne pas prendre en compte la dimension collective de son action. C’est la crainte du syndrome Nimby, acronyme de not in my backyard (« pas dans mon jardin ») : cette expression désigne la tendance qu’à un groupe organisé de protester pour son intérêt propre, en cherchant à éloigner, par exemple, des installations ou des aménagements de chez lui, sans considérer l’intérêt général. Cette tendance est particulièrement redoutée chez les associations d’habitants protestant contre des politiques urbaines. Pour éviter cette dérive, Pierre Rosanvallon plaide, en conclusion de son ouvrage, sur une plus grande coopération entre la démocratie représentative et la « contre-démocratie », les élus et les groupes de citoyens organisés. Or c’est précisément ce qu’il se produit depuis plusieurs décennies et qui, selon nous, est le véritable objectif des politiques de « démocratie participative ». Conseils de quartiers, appels à projets citoyens ne sont pas tant destinés à des individus isolés qu’à des collectifs déjà organisés : associations, groupements locaux, syndicats…

La démocratie participative locale, initiée dans les villes, est entièrement tournée vers ces structures associatives. La « société civile » auquel les politiques s’adressent pour se racheter une légitimité n’est donc pas une masse anonyme de citoyens mais ceux qui ont déjà pu se constituer en groupes d’intérêt.

Or de qui s’agit-il réellement ? Qui sont les gens qui peuvent s’opposer à un projet de rénovation urbaine ? Qui sont ceux qui peuvent passer leur soirée à des réunions d’association ? Même si l’on considère les mouvements les plus radicaux, ceux des « Zones à Défendre » contre les constructions jugées inutiles et anti-écologiques comme l’aéroport de Nantes, et avec qui les institutions ne semblent pas disposées à négocier (plutôt à envoyer des grenades explosives, endeuillant au passage la famille du jeune Rémi Fraisse), il est erroné de penser qu’il s’agit du « peuple ». Des étudiants diplômés issus de la vraie classe moyenne forment en grande partie le cortège des « zadistes », tandis que, dans les grandes villes, les habitants organisés appartiennent en grande majorité aux catégories supérieures. D’une manière générale, l’activité associative est une pratique plus courante dans ces groupes dominants : 50 % des cadres supérieurs contre 26 % des ouvriers adhèrent au moins à une association en 2010, selon l’Insee.

Par le biais de la société civile, il est vrai qu’une partie des classes moyennes, qui n’ont plus accès aux faveurs des élus captées par les 10 % les plus riches, peut se faire entendre. Mais l’outil militant et associatif devient souvent, selon le même processus décrit pour les partis politiques, le monopole de ceux qui ont déjà l’oreille des élus. C’est, par exemple, ce que révèlent des enquêtes menées par l’un des auteurs du présent ouvrage à propos de l’engagement contestataire de l’urbanisme parisien : plus une association d’habitants entre en dialogue avec les institutions, plus ceux qui la représentent sont sélectionnés parmi les membres les plus aisés et diplômés [Framont, 2015, à paraître]. La société civile convoquée par les politiques, comme preuve d’esprit de dialogue, ne représente pas du tout pour ces derniers une prise de risque. L’ouverture à son égard n’est souvent que la poursuite du clientélisme qu’ils pratiquent déjà dans leur gestion des politiques économiques.

Le peuple absent

Notre état des lieux de l’offre politique française en 2015 peut se résumer à un constat : la majorité de la population en est absente, aussi bien dans sa composition sociologique que dans ses ambitions programmatiques. Les partis politiques sont tous devenus élitistes, qu’ils soient de droite ou de gauche, et ne représentent les intérêts que de fractions de la classe supérieure. Les partis de la gauche radicale, qui sont censés représenter les intérêts de la population salariée, sont quant à eux composés par une classe moyenne supérieure diplômée, tandis que les partis dominants, Parti socialiste et Les Républicains, s’occupent de l’intérêt bien compris de deux portions de la bourgeoisie, économique et culturelle, tout en affichant des ambitions politiques en faveur de la majorité des citoyens. La population salariée est de toute façon devenue, au moins pour le Parti socialiste, persona non grata depuis que de nombreux observateurs de la vie politique l’associent au vote Front national. Ce parti dynastique a saisi cette opportunité de sortir de sa niche raciste et conservatrice, et s’est ouvert à ce nouvel électorat. Néanmoins, son programme économique reste embryonnaire et son nombre d’électeurs stagne, bien qu’en proportion il augmente en raison de l’abstention.

Dans un pays où la moitié la plus pauvre de la population souffre de la précarité, d’une baisse de revenus, d’un chômage endémique, rarement les organisations politiques n’ont été aussi élitistes dans leur recrutement et leur fonctionnement. Il est tout à fait compréhensible qu’une telle défiance envers les partis s’exprime dans les sondages et dans les urnes.

Les tentatives, venant d’en haut, pour remédier à cette désaffection se heurtent à une réalité sociale violente, où le loisir politique et associatif est réservé aux plus protégés et aux plus aisés. Les tentatives pour renouer avec « les citoyens » ne permettent que de donner un second moyen d’expression à ceux d’entre eux qui sont déjà représentés par les partis. La « société civile » invoquée régulièrement comme solution miracle à la crise de la démocratie représentative est presque un remède pire que le mal.

L’abstention devient le seul moyen d’expression de la majorité de la population, ce qui est tout à fait paradoxal. Mais un cercle vicieux se produit actuellement en France : les politiques dérégulationnistes-interventionnistes qui fragilisent les classes populaires et renforcent les classes supérieures ne font que diminuer les possibilités de participation des premières et augmenter celles des secondes ! Cette situation invisible – car les absents ont toujours tort – n’est troublée que par ces taux d’abstentions faramineux qui perturbent à chaque élection les discussions en vase clôt des classes supérieures.

  • 1.Une analyse plus détaillée des inégalités face à Internet est menée dans un article de la revue Frustration« Le capitalisme en ligne, Internet n’est pas encore la démocratie rêvée », Frustration,n°4, juin 2015, p. 15.