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    Les représailles meurtrières de Ouattara (Associated Press)

    Lien publiée le 14 avril 2011

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Guiglo, Côte d'Ivoire - Le jeune homme en civil n'avait pas donné les bonnes réponses aux troupes d’Alassane Ouattara qui le soupçonnaient d’être un combattant pro-Gbagbo. Alors un des soldats lui a cassé les dents. Quinze minutes plus tard, une journaliste d'Associated Press a vu son corps, la poitrine déchirée par les balles, jeté aux abords de cette ville de l’ouest de la Côte d’Ivoire.

    Des représailles meurtrières ont été commises pendant que les combattants de Ouattara faisaient une attaque éclair pour forcer le président Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir. Bien que le président Gbagbo ait été capturé lundi à Abidjan, capitale économique de la Côte-d'Ivoire, ceux qui sont soupçonnés d’être des partisans de Gbagbo sont toujours massacrés dans les villes et les villages, en particulier dans l'ouest de Côte d'Ivoire.

    Les paroissiens témoignent d’enlèvements de dizaines de jeunes hommes à San Pedro, selon un prêtre catholique de la ville, principal port d’exportation du cacao, située dans le sud-ouest de la Côte-d'Ivoire. Il a demandé à garder l’anonymat, en expliquant: « Nous sommes tous en danger » "Chaque jour, les soldats de la paix (ONU) ramassent et enterrent les corps, dit-il. Il y a beaucoup de forêt dense ici. Qui sait combien de corps y gisent." Comme les autres, il a dit que les jeunes hommes sont particulièrement ciblés, notamment ceux entre 20 et 35 ans.

    San Pedro a été attaqué par des combattants pro-Ouattara le 1er avril tandis que les soldats loyalistes se retiraient sans résistance, tirant en l'air. Un résident a déclaré que la seule résistance fut celle d'un groupe de soutien au président Gbagbo, appelé les Jeunes Patriotes, qui ont saccagé la base militaire abandonnée, ont enfilé des tenues de camouflage et ont pris les armes. Les combattants pro-Ouattara ont repoussé ces jeunes, des barricades dressées à l'entrée de la ville jusqu’à la cathédrale Saint-Pierre au centre-ville. Un nombre indéterminé de «Jeunes Patriotes» ont été tués à coté de la cathédrale, selon le prêtre.

    Puis les envahisseurs pro-Ouattara ont entouré la cathédrale avec des véhicules tout-terrain, ils ont ouvert la porte et ont tiré sur une foule de 5.000 habitants qui s'étaient réfugiés là. Le prêtre a dit que ces réfugiés appartiennent essentiellement aux ethnies Bété et Guéré supposées soutenir le président Gbagbo.

    Les forces pro-Ouattara on arrêté de tirer après qu’un homme ait été tué et plusieurs personnes blessées, a-t-il dit. Une femme à la cathédrale, qui a préféré garder l'anonymat, a déclaré que son voisin, le directeur de l'école primaire catholique, a été tué lundi soir à son domicile parce qu'il appartenait la « mauvaise » ethnie. "Nous avons ici un mélange toxique et explosif de rivalité politique, ethnique, religieuse et foncière, a dit le prêtre. "Les récents événements tumultueux ont mis à jour des conflits qui couvaient depuis longtemps. Qui sait jusqu’où cela va-t-il aller ? »

    Lundi, sur une route au nord de San Pedro, un journaliste a vu des combattants pro-Ouattara à un barrage routier aux abords de Soubré, faire descendre les voyageurs d’un minibus, séparer trois jeunes hommes du reste du groupe pour les conduire dans un épais sous-bois.

    Dimanche, dans la ville de Guiglo, une journaliste détenue pendant trois heures par les forces pro-Ouattara, a vu quatre jeunes hommes successivement interrogés, puis emmenés. On ne sait pas ce qui s'est passé pour les trois premiers. Le quatrième, qui avait l'air d'avoir environ 25 ans, prétendait venir d'une ville voisine, mais il était incapable d’en nommer un seul quartier. Les soldats se mirent en colère.

    Un peu plus tôt, le commandant, qui s'était identifié comme le lieutenant Siloué, avait reçu la visite des anciens des communautés musulmanes et chrétiennes, qui ont dit des prières et ont souhaité la bienvenue aux forces pro-Ouattara. "Nous ne sommes pas venus ici pour créer des problèmes ethniques», a répondu le lieutenant. Une demi-heure plus tard, l'interrogatoire du quatrième jeune homme jeune portait sur sa tribu d’origine, et à quelles tribus appartenaient ses parents. "Toura et Yacouba », répétait le jeune homme encore et encore, comme un mantra, tribus de son père et de sa mère supposées soutenir généralement le président Gbagbo.

    Lorsque le jeune homme agenouillé s’avéra incapable de nommer les quartiers de sa ville natale présumée, l'un des soldats chaussé de rangers se leva et lui découcha un coup de pied en pleine figure. Le jeune homme cracha du sang et deux dents. Siloué protesta auprès du soldat, non pas pour avoir agressé le jeune homme, mais pour l’avoir fait devant un journaliste. "Allez faire ça ailleurs," lui ordonna-t-il. Le jeune homme a été embarqué dans un fourgon avec son agresseur. Quinze minutes plus tard, lorsque la journaliste libérée a été conduite hors de la ville, elle a vu un corps de l'autre côté d'un pont juste en dehors de la ville. La moitié du torse et les pieds étaient cachés par la brousse, mais la poitrine de l'homme, déchirée par les balles, était à la vue de tous. Sa tête touchait l’asphalte, et son sang dégoulinait encore de sa bouche.

    Personne ne sait combien de personnes ont été tuées. Il y a une semaine, alors que l'ONU signalait plus de 400 morts dans tout le pays, la Fédération internationale de la Croix-Rouge, annonçait des milliers de tués et de blessés. Les pires atrocités ont été commises dans un triangle formé par trois villes de l’Ouest : Duékoué, Guiglo et Bloléquin, où les associations humanitaires s’accordent sur plusieurs centaines de morts. Mais il y a tant de controverses sur le nombre de victimes que l'ONU a lancé une enquête.

    Des questions ont également été soulevées à propos de ce qu’ont fait près de 1000 casques bleus marocains basés à Duékoué, pour s'acquitter de leur mandat de protection des civils. L'ONU a déclaré que la majorité de ses forces avait été déployée autour d'une mission catholique pour défendre quelque 30.000 civils qui y avaient cherché refuge.

    Mais plusieurs habitants de Carrefour, un quartier de Duékoué où il y a eu de nombreux morts, ont déclaré qu’un hélicoptère blanc de l'ONU a survolé le quartier trois fois par jour pendant les trois jours qu’ont duré les tueries, indiquant que les forces de maintien de la paix pourraient témoigner de l'effusion de sang qui avait lieu juste en dessous d’eux.

    La nouvelle administration Ouattara a dit vouloir la fin des violences maintenant que le président Gbagbo s'est rendu. Mais on ne sait pas quelle autorité il peut exercer sur ces forces disparates qui lui ont récemment prêté allégeance, composées de celles des seigneurs de guerre accusés d'atrocités dans le passé.

    Un casque bleu à Duékoué a déclaré qu’un chef de village l'avait appelé pour se plaindre que 10 jeunes hommes avaient été arrêtés par les forces pro-Ouattara qui les accusaient de cacher des armes, même si aucune arme n’avait été trouvée dans le village.

    L'officier, qui devait garder l'anonymat parce qu'il n'était pas autorisé à parler à la presse, a déclaré que ces 10 hommes sont détenus au poste de police à Duékoué. "Ces pauvres gens, a dit le casque bleu. ils ont d’abord été maltraités par les forces de Gbagbo, ils sont maintenant maltraités par les forces de Ouattara."

    Le Comité international de la Croix-Rouge a déclaré que plus de 800 personnes ont été tuées rien qu’à Duékoué. Caritas, l'organisation catholique, dit que ce nombre est plus proche de 1000.

    L'Organisation des Nations Unies a déclaré que les forces pro-Ouattara y ont tué plus de 430 personnes et que les forces pro-Gbagbo en auraient tuées 100.

    Basée à New York, l’ONG Human Rights Watch a déclaré mardi qu'elle avait pu établir que 536 personnes avaient été tuées dans l'ouest du pays ces dernières semaines. Les forces de maintien de la paix des Nations Unies ont quant à elle déclaré à Associated Press avoir enterré 198 corps, et par ailleurs la Croix-Rouge en a enterré 20. On ne sait pas ce que sont devenus les autres cadavres.

    Basé à Rome, le porte-parole de Caritas, Patrick Nicholson, a déclaré avoir obtenu son chiffre du Comité international de la Croix-Rouge et par les témoins à Duékoué. "Nous n'allons pas revoir nos estimations à la baisse », a dit Nicholson, ajoutant qu'il ne ferait aucun autre commentaire jusqu'à ce que l'ONU publie ses conclusions.

    Un porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge, Steven Anderson, a déclaré que son ONG basée à Genève a établi son rapport avec des équipes de la Croix-Rouge qui étaient à Duékoué le 31 Mars et le 1er avril. Il a dit que la Croix Rouge a vu des centaines de corps et que le CICR a pris l'initiative rare de publier le nombre de morts afin d'obtenir la fin des exactions contre les civils.

    Un commandant des forces pro-Ouattara au centre de Bouaké a déclaré à Associated Press qu'ils n’ont tué des combattants qu’à Duékoué et que beaucoup de gens sont morts parce que c'était la seule ville à avoir opposé une farouche résistance.

    Mais selon une habitante du quartier de Carrefour, les forces pro-Ouattara ont tué aveuglément après avoir initialement ciblé les jeunes hommes. Elle a voulu garder l’anonymat car elle craignait pour sa vie.

    Par Carley Petesch pour Associated Press