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CCR - L’économie mondiale et la crise capitaliste
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La journée du jeudi 14 juillet de l’Université d’été Révolutionnaire et Internationaliste était consacrée aux débats sur l’internationalisme. Parmi les ateliers de l’après midi, l’un d’entre eux a abordé la question de « l’économie mondiale et la crise capitaliste » à la lumière des leçons de la crise qui a débuté en 2007. L’atelier était animé par Damien Bernard, de la direction du Courant Communiste Révolutionnaire. Nous avons retranscris ci-dessous le contenu de l’atelier.
Huit ans après le début de la crise économique la plus complexe et la plus longue dans l’histoire du capitalisme, la menace d’une crise bien plus grave hante l’économie mondiale. Après l’entrée en crise des pays dits « émergents », c’est au tour des grands pays capitalistes de se retrouver désormais dans une impasse. Pour éviter une récession généralisée, ce sont des montagnes de dette qui ont été accumulées et des masses énormes de liquidités injectées dans l’économie qui sont venues soutenir sous perfusion l’économie mondiale. Du jamais vu dans l’histoire du capitalisme. Pourtant, malgré ces politiques monétaires, une reprise de l’économie mondiale n’est pas à l’ordre du jour. Pire, les perspectives s’assombrissent. Non seulement la crise s’approfondit chez les « émergents », entraînée par lessignes de plus en plus inquiétant donnés par l’économie chinoise, mais c’est désormais l’Europe qui pourrait être de nouveau rattrapée par une crise des dettes souveraines avec cette fois-ci les banques italiennes et la Deutsche Bank, dans la tourmente. Non, décidément, l’économie mondiale doit rester sous perfusion. Toute secousse aussi minime soit-elle, comme une hausse disproportionnée des taux directeurs de la FED ou de la BCE, une dévaluation disproportionnée du yuan, peut déclencher une panique boursière. Symptôme qu’en réalité, la crise de 2008 est loin d’avoir été résolue, pire le remède pour éviter la récession généralisée a accentué les contradictions.
Damien Bernard
Et les foyers d’un embrasement généralisé sont multiples. Les signaux de l’économie mondiale sont au rouge. Chute brutale des cours du pétrole, qui ont baissé de 70% en moins de deux ans. Fort ralentissement de l’économie chinoise, récessions dans les principaux pays dit émergents, dont le Brésil qui vit sa plus forte récession enregistrée depuis 1901. Une crise qui s’approfondit en Russie, sur fond de forte inflation, et d’une chute du rouble à un niveau sans précédent depuis 1998. En Afrique du Sud, c’est le spectre d’une accélération de la récession qui pointe. Après 7 années de croissance, les Etats-Unis se retrouvent eux en fin de cycle, marqué par un ralentissement fort de son économie en 2016. En Europe, ce ne sont pas tant le Brexit et la bulle immobilière britannique qui inquiètent, mais le cas de l’Italie dont les banques n’ont pas encore « purgé » la crise de 2008 qui agite l’Union Européenne. On le voit les foyers se multiplient. Un banquier belge affirmait même « En cinquante ans de carrière, il n’avait jamais vu autant de foyers dangereux s’allumer à la fois ! ».
Pourtant à la différence de 2007, l’ensemble des ressorts financiers visant à atténuer la crise, les Etats en ont déjà usé et abusé, les taux sont déjà à zéro ou en dessous en Europe et au Japon, le quantitative easing est déjà largement fatigué, laissant très flou la question de « Que faire », si la situation se détériore. Pour comprendre comment les capitalistes en sont arrivés la revenons tout d’abord à la crise de 2007.
Socialiser les pertes pour sauver les banques
Le 15 septembre 2008, c’était la faillite de Lehman Brothers, quatrième plus grosse banque américaine. Partie des États-Unis et de l’éclatement des crédits immobiliers dit « subprimes », la crise s’est propagée à vitesse grand V de la sphère financière à l’économie réelle, quasi simultanément dans le monde entier.
Ainsi en 2008, les Etats-Unis, le Japon, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne, ou encore la Grèce rentrent en récession. Le chômage explose également. En France, le taux passe de 7,9% en 2008 à 10% en 2009. Les Etats-Unis passent de 5% en 2008 à près de 10% à la fin 2009...quant à la Grèce, elle passe de moins de 8% en 2008, à plus de 24% en 2012.
Pour éviter une contagion généralisée de la crise financière, les principaux Etat et les banques centrales ont injecté massivement des liquidités pour sauver le système bancaire quitte à nationaliser partiellement ou entièrement comme au Royaume-Uni. Pour ce faire, les Etats se sont endettés en masse. Ils ont ainsi socialisé les pertes, faisant ainsi peser le poids de la dette sur les travailleurs en usant des hausses d’impôts et de l’austérité.
C’est alors qu’en 2011, suite à cet endettement massif, l’épicentre de la crise financière se déplace en Europe, et prend la forme de la crise des dettes souveraines, l’Espagne, le Portugal dans la tourmente, et bien évidemment la crise grecque.
C’est ainsi en partie, qu’entre 2007 et 2014, la dette publique mondiale a augmenté au rythme vertigineux de 9,7% par an, contre 5,8% avant la crise, un niveau jamais atteint dans l’histoire du capitalisme. Outre-manche, la dette nationale américaine a quasiment doublé entre 2009 et 2016 passant de dix mille milliards de dollar à 19 000 milliards.
Baisse des taux et Quantitative easing : Quesako ?
Pourtant le sauvetage des banques n’a pas suffit. A partir de 2009, pour réanimer la croissance mondiale, les banques centrales n’ont cessé de tenter de stimuler le crédit pour relancer la croissance et l’économie. Pour cela, les banques centrales, qui sont les seules à émettre la monnaie, peuvent agir soit sur le « prix » de l’argent soit sur la « quantité » de masse monétaire en circulation.
En temps « normal », les banques centrales agissent sur le prix de l’argent en jouant sur le taux directeur qui définit en quelque sorte le loyer de l’argent qui sera payé par les banques. Ainsi, banques et assurances empruntent de l’argent frais à la banque centrale pour ensuite accorder des crédits aux entreprises et aux particuliers. Ce « loyer de l’argent » influe donc sur les taux auxquels les crédits seront consentis. L’objectif d’une baisse des taux est donc in fine de rendre le crédit moins cher, favoriser les emprunts des entreprises et des particuliers, autrement dit, d’encourager la reprise de l’activité.
Pour accélérer la reprise de l’économie, La méthode dite « non conventionnelle » dite « quantitative easing » a notamment été utilisée pour la première fois par les banques centrales. Cela fonctionne schématiquement de la manière suivante. En premier lieu, la banque centrale « crée » de la monnaie en portant une ligne de crédit sur ses livres de comptes. Elle s’en sert ensuite pour racheter des titres de la dette publique détenus par les institutions financières que sont les banques, les compagnies d’assurance ou les fonds privés. Ces créances sont ensuite converties en argent frais, ce qui permet aux banques et assurances d’allouer en théorie davantage de crédits et à des taux plus faibles.
Des quantités énormes de liquidité injectées
Concrètement, après la crise des subprimes, la Fed américaine a été la première à donner le top départ. Des masses de liquidité énormes ont été injectées dans le système financier en usant à outrance du quantitative easing. Outre les milliards pour sauver les banques, et la baisse des taux à un niveau proche de zéro depuis 2008, la banque centrale américaine a injecté 4 500 milliards de dollars dans l’économie. En 2015, la BCE lui emboite le pas. Après avoir déjà tout tenté pour relancer l’économie, la Banque centrale européenne (BCE) a injecté près de 1 100 milliards entre 2015 et 2016.
Et c’est une première pour la BCE. Au nom de la lutte contre l’inflation, la BCE avait pourtant toujours refusé. C’est pour cette raison que la BCE lui avait préféré une stratégie de baisses des taux successives. Le principal taux de la BCE a été abaissé quasiment à zéro sans même que le marché du crédit ait vraiment redécollé. D’où une première décision "non conventionnelle" de la BCE consistant à rémunérer négativement les dépôts que les banques font auprès d’elle. C’est un peu comme si notre banquier prélevait des intérêts sur l’argent qui dort sur votre compte courant pour vous pousser à le dépenser.
C’est ainsi que depuis 2008, pour faire redécoller l’économie et éviter une récession généralisée, les banques centrales des grandes puissances mondiales ont injecté dans l’économie mondiale environ quinze mille milliards de dollars depuis la crise de 2008. Résultat : la planète croule aujourd’hui sous 21.000 milliards de dollars de monnaie qui représentent 30% du PIB mondial, trois fois plus qu’en 2007 et... dix fois plus qu’en 2000 ! Un économiste s’inquiète même : « Nous avons apporté le plus important stimulus monétaire que le monde a jamais connu. Et pourtant, la reprise économique mondiale est très faible. »
Capital fictif et économie réelle
Un peu partout dans le monde, la drogue de la création monétaire réalisée par les banques centrales ne s’est transformée ni en relance de croissance ni en reprise de l’inflation. En l’absence de perspective de croissance, et de sphère d’investissement suffisamment rentable dans l’économie réelle, l’argent est allé de banque en banque et a été investi sur les marchés financiers et dans les produits dérivés, alimentant d’autant plus la sphère de ce qu’on appelle le capital fictif.
Le capital fictif, étroitement lié au développement du système de crédit, procède d’une logique de pré validation du procès de valorisation du capital. Il donne droit à une prétention sur les profits à venir. Si les promesses de profits ne sont pas tenues, cela peut conduire à l’éclatement de bulle et à des crises financières, comme avec l’exemple des subprimes. En ce qui concerne le capital fictif, les formes d’extraction d’une fraction de la plus-value diffèrent. Ce peut être soit l’intérêt, une rémunération sur une créance, soit le dividende, une rémunération associée à un titre de propriété du capital.
A l’exception des actions, cette énorme masse de capital fictif ne représente pas en réalité le capital « réel » investit dans la production, il représente un titre donnant droit à une part de la plus-value à venir et est en dernière instance soumis au processus de valorisation et d’accumulation du capital. En ce qui concerne, la dette publique ou dette souveraine, sa spécificité c’est qu’elle n’est pas la capitalisation d’une part de la plus-value à venir, mais une créance qui donne droit à une quote-part sur les montant des impôts à venir.
Ainsi, notamment depuis la crise, cette perfusion monétaire à un niveau inédit ne vient qu’accentuer la montée d’une tendance profonde à l’explosion du capital fictif, dont l’explosion est notamment à l’œuvre depuis la libéralisation financière des années 1970. Aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne, le poids moyen de ce capital fictif a progressé continuellement, en étant multiplié par 2,3 sur les 30 dernières années de 145% du PIB en 1980 à 340% en 2012. Tandis qu’on parle aujourd’hui de 50 000 milliards d’euros de produits dérivés, ou encore du « shadow banking » ou banque de l’ombre.
A Quand le krach obligataire ?
Cette énorme masse d’argent injectée notamment par les banques centrales, les marchés financiers en ont essentiellement usé pour spéculer. En ce qui concerne les banques centrales notamment la FED et la BCE, elles ont, pour injecter ces liquidités, acheté auprès des banques et assurances, une masse énorme de dettes souveraines.
Un analyste d’un fond d’investissement expliquait que « les banques centrales ont créé une dépendance totale à l’abondance de liquidité qui sera inévitablement et d’autant plus douloureuse lorsque cela s’arrêtera. Le marché d’obligation, supposément sur, est devenu l’épicentre du risque. Il y a une potentialité pour un glissement tectonique si les investisseurs perdent confiance en un acteur fondamental la banque centrale. »
Mais comment ça se passe concrètement un krach obligataire ? Les obligations sont des créances d’état qui donnent lieu à un versement d’un intérêt fixe. Prenons le contexte, où les taux baissent depuis plusieurs années à cause des politiques des banques centrales. Un investisseur avait acheté une obligation qui rapportait 5 % pendant 10 ans. Les taux baissent, tout le monde veut la racheter sur le marché de l’occasion puisque aujourd’hui les taux sont aujourd’hui de 0,3. L’obligation prend ainsi de la valeur.
Prenons, la période actuelle. Les marchés, les assureurs, friands de dette obligataire dites « sures » achètent une obligation italienne à 1% sur 10 ans. Or peu après, la quatrième banque italienne fait faillite. Le risque systémique est fort, les taux obligataires explosent et atteignent 5 % par an. Plus personne ne veut d’une obligation à 1% pendant 10 ans car il y a bien plus rentable pour le même produit. Pour pouvoir la revendre, il faut ainsi accorder un rabais qui permettra à l’acheteur d’avoir le même rendement qu’avec une obligation toute neuve. Plus les taux montent vite, plus le prix des obligations anciennes s’effondrent. C’est ce qu’on appelle un « krach obligataire ».
Un économiste explique « Cette bulle est plus redoutable que celle de l’immobilier aux Etats-Unis avant 2007 ». En effet, cela est d’autant plus inquiétant que sur le marché obligataire, l’encours des dettes d’Etat dont le rendement est négatif atteint désormais 5.500 milliards de dollars, soit un quart du montant global des emprunts d’Etat. Et c’est notamment la Banque Centrale Européenne qui, pour stimuler l’économie, vient de racheter 1 100 milliards d’Obligations en échange de création monétaire. Si ces titres se déprécient en cas de montée des taux obligataires, la Banque centrale devra déprécier ses actifs, créant ainsi une perte de confiance.
Les banques italiennes et la Deutsch Bank dans la tourmente
Alors que le Brexit fait les gros titres, ce qui inquiète le plus, ce sont les banques italiennes et la Deutsch Bank. En Europe, c’est le sauve-qui-peut général sur les marchés des actions des valeurs bancaires. Les principaux groupes bancaires ont ainsi perdu plus 25 % de leur valeur depuis le début de l’année. La palme de la chute de la capitalisation boursière revient à la Deutsche Bank, dont le prix de l’action a été divisé par deux depuis le début de l’année. C’est ainsi que la plus grosse banque allemande a beau avoir l’équivalent de 200 milliards d’euros en dépôts, elle ne vaudrait plus qu’une petite vingtaine de milliards d’euros.
La principale raison de ces dépréciations, c’est l’introduction et l’envolée depuis 2008 des dettes souveraines de l’Union Bancaire. Il impose aux Etats le passage du bail out au bail in. Dans le bail out, les travailleurs renflouent à travers les impôts et l’austérité les pertes des banques menacées de faillite, on socialise les pertes. Dans le bail in, c’est à l’actionnaire, au créanciers ou encore au petit épargnant de mettre la main à la poche. Du coup, c’est la poudre d’escampette à la Deutsche Bank : les actionnaires vendent à tour de bras. Et s’ils le font, c’est que la Deutsch Bank a comme d’autres, pris des positions très spéculatives dans le secteur pétrolier. Avec le plongeon du baril sous les 27 dollars, cette ruée vers l’or noir vire désormais au cauchemar.
Mais ce sont aussi et surtout les banques italiennes qui sont dans la tourmente, elle qui n’ont pas purgé la crise de 2009. Le gouvernement italien a finalement décidé de traiter le problème au vu de l’ampleur des crédits douteux de ses banques. Déjà dans la tourmente depuis plusieurs mois, le secteur bancaire italien est très fragile. Il est plombé par des problèmes de capitalisation et plie sous le poids de 360 milliards d’euros de créances douteuses. Résultat, en six mois, l’indice des banques italiennes a cédé 55%. Le dossier de leur recapitalisation occupera une bonne partie de cet été avec une bonne dose de crise politique interne pour Renzi, mais aussi externe entre Renzi, défenseur d’une socialisation des pertes, et Merkel qui défend le bail-in.
Un spécialiste de la Saxo Banque explique dans une note d’analyse du 7 juillet que « les conséquences financières et économiques potentielles du Brexit sont, au final, considérées comme marginales pour le moment par de nombreux investisseurs (...),. C’est l’Italie qui éveille le plus les préoccupations (...). Conséquence de l’inaction politique, les prêts non performants ont atteint en montant brut 200 millions d’euros en janvier dernier, dont 48 millions d’euros pour Monte Paschi. En toile de fond, le risque est d’assister à une résurgence de la crise de la dette souveraine. »
Le poids de la Chine dans l’économie mondiale
Mais c’est aussi toujours la Chine qui inquiète. L’explosion de la bulle boursière qui avait vu son principal indice boursier plonger de 32% en moins d’un mois, ne semble avoir été qu’un petit avertissement. Le ralentissement de l’économie chinoise est préoccupant. Un financier explique, « Officiellement, la croissance tourne autour de 6-7% par an, mais les marchés pensent qu’en réalité elle ne dépasse pas 2-3% ». Même en prenant en compte, les chiffres officiels, la Chine accuse sa plus faible croissance depuis vingt-cinq ans. Il entraine ainsi dans sa chute l’ensemble des pays émergents, ses fournisseurs en matière premières comme le Brésil, la Russie, l’Afrique du Sud. Seule à sortir la tête de l’eau : l’Inde.
Alors qu’elle contribue à elle seule à entre 30 et 40% de la croissance mondiale, le ralentissement de la Chine pèse fortement sur l’économie mondiale. La croissance mondiale est ainsi prévue en 2016 à 2,4 %, comparée aux 5% habituels entre 1997 à 2008. Ce ralentissement chinois a notamment des incidences fortes sur la demande en pétrole et donc sur les prix. Cela d’autant que l’offre de pétrole est de plus en plus surabondante, la faute à la guerre des prix entre les monarchies pétrolières, Arabie Saoudite en tête, et les puits de pétrole de schiste américain. A 27 dollars, le prix du pétrole est désormais en dessous du point bas de 2008, quelques mois après la crise des subprimes aux Etats-Unis.
Crise de suraccumulation
Au-delà du poids de la Chine dans l’économie mondiale et des conséquences de son ralentissement, ce sont ses contradictions internes qui semblent d’autant plus préoccupante. Le fond du problème chinois est que pour maintenir à flot l’économie chinoise qui fait face à une crise de surcapacité productive qui atteint parfois près de 40% et dans certaines industries, les 50%. Cela fragilise les entreprises car la trésorerie se retrouve détériorée par les coûts engendrés par le maintien de l’activité. En conséquence, les entreprises s’endettent d’autant plus.
Ainsi la dette des entreprises locales chinoises est la plus élevée au monde à 15.000 milliards d’euros en 2015, soit 160% du PIB. Cela est d’autant plus grave, qu’une grande partie de l’argent que les banques fournissent est vital pour maintenir en vie les entreprises chinoises ployant sous les mauvaises créances et accusant des pertes. Ce sont plus particulièrement les secteurs du bâtiment, des produits manufacturés et des mines qui ont fermé, notamment les petites entreprises, obligées de recourir au « shadow banking » particulièrement instable pour se financer.
Ce sont aussi des montagnes de dettes qui ont été contractées dans le but de réaliser les éléphants blancs que sont les grands projets inutiles promus par les autorités chinoises et les gouvernements locals. Des infrastructures et matériels urbains qui ont exigé une consommation de ciment, qui en seulement trois ans sont équivalents à ceux des Etats-Unis pour tout le XXe siècle.
Pourtant pour le moment, la spirale de l’endettement n’a pas permis ni de relancer la croissance, mais pire encore est devenue nécessaire pour le maintien même de la fiction chinoise et du maintien de ses entreprises. D’autant, que la fièvre sociale monte dans le monde du travail en Chine comme l’illustre le doublement en 2015 du nombre de grèves et mouvements sociaux recensés en Chine, signe d’une flambée contestataire dans le pays.
Vers une nouvelle dévaluation du Yuan ?
Du point de vue du marché international, de par la conjoncture économique, la Chine premier exportateur mondial, est en quelque sorte pris entre le marteau et l’enclume. Le maintien de la parité yuan-dollar (« dollar peg ») permettait jusque-là de limiter les risques de change et de faciliter la circulation des capitaux sur le marché chinois et américain, un statut quo bien arrangeant pour les uns et les autres.
Pourtant face à l’appréciation rapide du dollar, 25% entre juin 2014 et janvier 2016, les autorités chinoises ont dû puiser dans leurs réserves de change pour vendre des dollars et éviter un décrochage du yuan. Bien qu’elle possède les plus importantes réserves au monde 3300 milliards de dollars, cette défense du yuan a couté cher, plus de 500 milliards depuis janvier 2015. Mais depuis cet été 2015, les autorités chinoises sous pression notamment, du ralentissement économique, de la montée vertigineuse de sa dette et de ses surcapacités, ont dévalué le yuan. Après dix ans de hausse, les autorités sont entrées dans une phase pour le moment progressive de dévaluation compétitive.
En été, la spectaculaire dévaluation d’août 2015 de 3% en 3 jours avait ébranlé les marchés. Pris de panique devant l’effondrement des Bourses de Shanghai et de Hong Kong, les traders s’étaient mis à vendre à tour de bras du yuan. Depuis cet été, le yuan a chuté de 7% par rapport au dollar, une chute qui reste pour le moment mesurée. La semaine dernière, après le Brexit, la banque centrale chinoise a fixé lundi le niveau de référence du yuan à son plus bas niveau depuis fin 2010 face au dollar, en conséquence notamment du Brexit et de la forte appréciation de la monnaie américaine. Il s’agit de la plus forte diminution journalière depuis la spectaculaire dévaluation d’août 2015.
Ce changement de ton des autorités chinoises confirme en quelque sorte le ralentissement économique chinois. Et cela conforte notamment l’idée que la situation pourrait s’aggraver. Il est trop tôt, pour le moment pour dire si ces dévaluations permettront de faire redémarrer les exportations, au vu notamment de la conjoncture mondiale. Les derniers chiffres de l’inflation en Chine ne sont pas encourageants et s’affichent en juin à leur niveau le plus faible depuis janvier. Ce sont donc de nouvelles mesures de relance de la croissance qui sont escomptés, et potentiellement une nouvelle dévaluation compétitive.
Pourtant à l’échelle mondiale, une poursuite de la dégringolade de l’ordre de 25 à 30% du yuan pourrait accroître les risques de déflation - et donc, de récession mondiale. Les produits chinois, exportés dans le monde entier, deviendraient en effet mécaniquement moins chers, ce qui tirerait partout l’inflation vers le bas. Cependant, le coût politique d’une telle baisse à l’échelle internationale pourrait s’avérer très élevé pour la bureaucratie de Pékin et à double tranchant si une récession généralisée se réalisait.
Des contradictions aiguisées. Plus aucune marge de manœuvre ?
Pour essayer de conclure. L’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre expliquait. « La politique monétaire extrême des dernières années ne sert qu’à gagner du temps ». Et on ne peut que l’approuver, il s’agit en effet d’une fuite en avant des principales puissances mondiales, à la recherche d’une hypothétique croissance. Ainsi il semble que même si ces politiques monétaires ont permis d’éviter pour le moment une récession généralisée, elles n’ont eu en aucun cas les effets escomptés, la croissance mondiale est même en berne. De plus, les politiques austéritaires, couplé à la hausse du chômage, et la pression sur les salaires, ont eu l’effet de rétablir certes relativement la « compétitivité » mais surtout de contracter la demande mondiale.
A la différence de 2007, c’est une montagne de dette que les principaux États ont élevé tandis qu’une montagne de liquidités offertes aux banques et assurances ont alimenté la sphère spéculative, propice à la création de bulles. Ces dernières préfèrent désormais même investir ces masses de liquidité en obligation d’Etat le plus souvent à des taux négatif, en espérant des jours meilleurs. Aujourd’hui, pour exemple, les investisseurs sont donc prêts à donner de l’argent à l’Etat suisse pour pouvoir mettre son argent en sécurité pour des obligations qui arrivent à terme dans 50 ans. Quand les banques et assurances préfèrent ne pas trop perdre d’argent que d’en gagner, c’est autant de signes inquiétants pour l’économie mondiale.
Un économiste explique : « La prochaine crise sera plus violente, car plus la liquidité mondiale est abondante, plus les mouvements de capitaux seront violents. Lorsque les investisseurs prendront peur, ce sera le début de la panique. » Un autre affirme, « le jour où cette bulle éclatera – par exemple par un retour inopiné de l’inflation, dû à une brutale remontée du prix du pétrole – les dégâts seront effroyables. Bien pires qu’avec une bulle immobilière ou boursière. Les emprunteurs à commencer par les états seront insolvables. Quant aux prêteurs banques et assurances, ils encaisseraient de considérables pertes en capital. Beaucoup se retrouveraient alors en cessation de paiements. »
Ainsi, loin de les résoudre, les contradictions de l’économie mondiale se sont aiguisées. Le capital fictif s’est développé à un niveau encore supérieur. En Europe, la crise des dettes souveraines pourrait bien faire son retour avec les banques européennes, notamment italienne. Sur fond de suraccumulation de capital, la Chine et les pays émergents ne semblent plus pouvoir être le relais de croissance permettant à l’économie mondiale de ne pas sombrer, comme en 2007.
Cette fois-ci, ni l’Europe ni les Etats-Unis n’auront de marge de manœuvre en cas de tempête financière pour relancer leur économie. Les banques centrales, contrairement aux précédentes crises, auront épuisé, quoi qu’elles en disent, toutes leurs munitions, à commencer par des taux directeurs à peine au-dessus de zéro. Un banquier affirmait ainsi que « cette crise peut s’avérer même plus dangereuse qu’en 2008 lors de la faillite de Lehman Brothers. Aujourd’hui, on a tout utilisé, donc il ne nous reste plus rien ! ». Si une crise profonde survenait, celle-ci pourrait bien aiguiser les tensions inter impérialistes.