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Etats-Unis. "Comment ce monstre a-t-il pu gagner?"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-comment-ce-monstre-a-t-il-pu-gagner.html
Editorial publié sur le site
Socialistworker.org
[A 21 heures, mercredi 9 novembre, heure suisse, Trump a remporté 279 voix des grands électeurs contre 228 pour Clinton. Au Sénat, les Républicains disposent déjà d’une majorité avec 51 sénateurs contre 47 pour les Démocrates. A la Chambre des représentants, le nombre des sièges démocrates est de 193 contre 239 pour les Républicains (New York Times)]
De nombreux lecteurs de Socialist Worker ayant de jeunes enfants nous ont commenté sur les réseaux sociaux, tard la nuit passée, qu’ils avaient couché leurs enfants en les assurant que le monstre ne gagnerait pas. Ils redoutaient d’avoir à expliquer comment «cela» pouvait se produire. Nous savons tous comment ils se sentent.
La victoire de Donald Trump expose la décrépitude à laquelle est arrivé le système politique américain après des décennies de gouvernement oligarchique des deux partis. Il s’agit d’un homme qui dispose de liens avec l’extrême droite raciste, un narcisse pathologique qui s’est lancé dans la course à la présidentielle avec le but de stimuler sa marque médiatique. Il horrifie et dégoûte non seulement des millions de membres de la classe laborieuse, mais une majorité de la classe dominante américaine.
Et, pourtant, il a remporté l’élection à la présidence des Etats-Unis. Quel certificat pour la «plus grande démocratie du monde»!
Il faudra des jours et des semaines pour digérer l’ensemble des implications du fait que Donald Trump a été élu à la présidence des Etats-Unis. Personne ne s’attendait à ce que Trump remporte les primaires républicaines et l’on peut dire la même chose des élections présidentielles. Il ne fait aucun doute que cette victoire bouleversera d’une façon impossible à prédire la politique intérieure et internationale des Etats-Unis.
Dans les prochaines semaines, de nombreux commentaires porteront sur la façon dont ces élections prouvent que les Etats-Unis sont irrémédiablement de droite et arriérés. La victoire de Trump réside probablement pour partie dans son recours au nationalisme, au dénigrement des immigré·e·s ainsi que dans son islamophobie. L’extrême droite a été stimulée par la campagne de Trump et la gauche devra déterminer la manière d’affronter cette situation.
Si nous voulons toutefois relever ce défi et bâtir une gauche plus forte, nous devons faire la clarté sur ce qui a conduit à ce résultat terrible. Socialist Worker tentera d’aborder ces questions avec toute la profondeur qu’elles nécessitent au cours des prochains jours. Quelques conclusions sont toutefois déjà claires.
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Après avoir abandonné la perspective de donner confiance, même par des appels rhétoriques, à la base plus liberaldu Parti démocrate pour pouvoir chasser les voix des conservateurs modérés, voire même invétérés, Hillary Clinton a ouvert une avenue à Trump pour qu’il puisse affirmer que son programme réactionnaire bénéficierait à la majorité des gens dont les conditions d’existence stagnent, voire se sont détériorées, même en période de «reprise», suite à la Great Recession (2007-2009).
La base liberal du Parti démocrate a soutenu Clinton. Selon les sondages à la sortie des bureaux de vote, elle a obtenu 88% des suffrages noirs et 65% parmi les Latinos. Ce sont les électeurs versatiles que Clinton courtisait qui sont restés du côté de Trump.
Trump peut bien perdre le vote populaire, mais sa victoire est assurée par le Collège électoral [les «grands électeurs»] non démocratique ancré dans la Constitution par les propriétaires d’esclaves, offrant une influence surdimensionnée aux Etats traditionnellement ruraux [avec plus de 99% des résultats dépouillés, à 21 heures, heure Suisse, avec 59’679’037 voix (47,7%) Clinton a une légère avance sur Trump qui, lui, a reçu 59’472’959 voix (47,5%). En 2012, Obama avait obtenu 51,1% des suffrages totaux (65’915’795) contre 47,2% (60’933’504) pour Mitt Romney. Le libertarien Gary Johnson a reçu 4’042’450 voix (3%), la verte Jill Stein 1’207’104 (1%) et les autres candidats 801’847 (0,7%)].
Et pourtant, après tout ce que nous savons de lui après cette campagne, comment est-il possible que des gens votent Trump?
Ses promesses d’être aux côtés du «petit gars» sont des mensonges éhontés qui dissimulent un programme qui aidera le 1% avec d’énormes réductions fiscales et d’autres mesures semblables. Toutefois, la promesse de Clinton de continuer un statu quo intolérable ne semblait pas être une alternative réelle pour des gens à bout de souffle.
La campagne de gauche de Bernie Sanders lors des primaires démocrates a presque bousculé Clinton avec ses appels aux travailleurs de défier ce qu’il appelait la «classe des milliardaires». Clinton, qui a consacré toute sa carrière politique à compplaire à cette classe, a fait en sorte d’enterrer le message de Sanders. Plutôt que de poursuivre sa «révolution politique», Sanders a laissé de côté son opposition pour rameuter des soutiens en faveur d’Hillary Clinton.
Clinton, Sanders ainsi que la majorité de l’establishment politique, y compris certains Républicains, ont critiqué les propos scandaleux de Trump. Mais comme ils n’ont jamais reconnu les véritables injustices économiques autour desquelles il a bâti sa campagne, ils ont laissé le champ libre à Trump pour canaliser l’amertume vers la recherche de boucs émissaires et l’alarmisme.
Même lorsque Hillary Clinton s’est opposée au racisme de Trump, à sa haine des femmes, à ses attaques contre les immigrés et à son islamophobie, cela sonnait creux. Personnifiant l’establishment politique de Washington, Clinton porte la responsabilité – souvent directement – de politiques qui ont conduit à l’incarcération de masse d’Afro-Américains, la déportation massive d’immigré·e·s ainsi que les guerres sans fin en Afghanistan et en Irak qui ont alimenté le fanatisme anti-arabe et anti-musulman.
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Le racisme a été central dans la campagne de Trump, depuis le discours où il a annoncé sa candidature au cours duquel il a présenté les immigrés mexicains comme étant des violeurs. S’il est certain que les fanatiques affichés de la prétendue alt-right [«droite alternative»] ont été un élément important parmi les soutiens de Trump, le racisme à lui seul ne peut expliquer pourquoi des Etats et des comtés qui avaient voté pour Barcack Obama en 2008 et en 2012 se sont, cette fois-ci, éloignés des Démocrates.
Certains de ces électeurs vivent dans des Etats qu’Hillary Clinton s’attendait à remporter, comme la Pennsylvanie et le Wisconsin où Trump a marqué des points grâce à son argument selon lequel les travailleurs américains perdaient leurs emplois en raison des accords internationaux de libre-échange ainsi que d’une croissance de l’immigration. C’était un autre mensonge grotesque. Mais la vérité – que les difficultés économiques croissantes sont provoquées par des inégalités en hausse qui bénéficient au 1% – n’est pas une chose sur laquelle Hillary Clinton voulait s’exprimer.
L’ironie terrible de ce résultat est qu’Hillary Clinton et l’establishment démocrate s’imaginaient que Trump serait leur meilleur opposant. C’est un bouffon, il est trop extrême pour être élu, pensaient-ils. Tout ce que Clinton aura à faire pour battre Trump sera «d’apparaître une figure présidentielle» et vanter son «expérience» et le fait qu’elle était «préparée».
«La nuit dernière, j’ai félicité Donald Trump et je lui ai proposé de travailler avec lui pour le bien de notre pays» (9 novembre 2016)
Les groupes d’experts du Parti démocrate n’ont toutefois pas compris ce qui s’était passé au cours des huit ans de présidence Obama, lorsque la réponse apportée à la «Grande Récession» a consisté à sauver les banquiers en redoublant leur engagement en faveur du néolibéralisme et de l’austérité, opérant des coupes pour «équilibrer» les budgets sur le dos des travailleurs.
Les conditions d’existence de plusieurs millions de gens ordinaires se sont détériorées ou ont stagné aux Etats-Unis. Ainsi, lorsque Trump dénonçait la disparition d’emplois décemment payés et accusait Clinton et le Parti démocrate de lancer les gens aux loups, certaines franges de la population ont cru – à tort, en fait, mais avec un sentiment d’urgence – que quelqu’un comprenait leurs souffrances.
La réponse d’Hillary Clinton à la promesse de Trump de rendre l’Amérique à nouveau grande était: «Attends, l’Amérique est déjà grande!»
Au moment de glisser le bulletin dans l’urne, un nombre suffisant de personnes dans les Etats décisifs n’ont pas vu les choses d’un même œil. Ils ont décidé de punir la politicienne de l’establishment en faveur de l’outsider.
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Le jugement dominant des principaux médias a été assommé par ces résultats. Il y aura donc une bataille pour trouver des réponses simples visant à expliquer les élections 2016: une population fondamentalement conservatrice; le racisme irrépressible de tous les travailleurs blancs; voire même l’impact de Jill Stein, du Parti des verts, dont le «crime» était d’insister justement que le plus grand mal ne pouvait être arrêté en soutenant le moindre mal.
Nous devons rejeter ces explications simples. L’un des premiers défis pour la gauche sera d’expliquer ce qui s’est passé dans toute sa complexité. Il y a toutefois de nombreux autres défis devant nous.
La gauche radicale avait averti, défiant les appels à la modération des liberals, que la droite était renforcée par le trumpisme et qu’il fallait s’affronter à elle. Nous ne pouvons cependant laisser les personnes dont la responsabilité dans ce bazar est la plus grande pointer du doigt les fanatiques réactionnaires. Hillary Clinton, Barack Obama et le Parti démocrate doivent expliquer pourquoi ils n’avaient aucune alternative à offrir à la désignation de boucs émissaires par Trump.
Dès aujourd’hui, de nombreuses tâches nous attendent: construire une véritable alternative de gauche qui reconnaisse la misère et les souffrances qu’affrontent tant de personnes; faire face à ces conditions politiquement et pratiquement; bâtir des organisations capables de renverser le courant.
Un grand nombre de personnes sont déjà horrifiées par Trump et seront déterminées à agir pour montrer leur opposition. Plus encore seront encouragés d’agir face aux inévitables actes scandaleux d’un riche arrogant qui dépasse la mesure – c’est une leçon de toutes les victoires de la droite lors des récentes élections. Enfin, au moins certains qui ont voté Trump finiront par comprendre qu’ils haïssent ce qu’il représente.
Pour l’instant, nous devons cependant construire cette résistance à partir de zéro. Le premier pas est de comprendre les leçons et les implications de cette élection et y faire face honnêtement. A partir de là, nous pourrons avancer. (Editorial du SocialistWorker, publié le 9 novembre. Traduction A l’Encontre)
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Que signifie la victoire de Trump pour le Moyen-Orient?
Par Gilbert Achcar
En matière de politique étrangère en général, et envers le Moyen-Orient en particulier, Donald Trump, en tant que nouveau président des Etats-Unis, se détachera comme l’un des hommes les plus imprévisibles à avoir occupé cette position depuis que son pays a commencé à déployer une politique impériale outre-mer à la fin du XIXe siècle.
Au cours de la campagne électorale, Trump s’est en permanence contredit et a changé de position ou de ton sur de nombreuses questions. Si l’on juge cependant certains thèmes clés qu’il a souvent répétés au cours de la dernière année, voici ce que l’on peut deviner en ce moment sur la manière dont sa présidence affectera le Moyen-Orient.
Le peuple syrien sera le premier à souffrir de cette élection. Les portes des Etats-Unis seront claquées devant les réfugié·e·s syriens qui voudront tenter de s’y installer, à l’exception peut-être des chrétiens dans la mesure où l’agitation de Trump contre les réfugié·e·s syriens s’est centrée autour de l’islamophobie.
Afin de mettre un terme au flux de réfugié·e·s en provenance de Syrie, Trump a prôné la création de «zone de sécurité» dans les frontières du pays, où les déplacés syriens seraient concentrés plutôt que d’être autorisés de se rendre à l’étranger en tant que réfugiés. Il s’est vanté de faire payer les Etats du Golfe pour cette opération de la même manière qu’il prétend que le Mexique payera le mur qu’il a l’intention de construire sur la frontière entre les deux pays.
Ensuite, Trump inaugurera une nouvelle politique d’amitié et de collaboration avec le président russe Vladimir Poutine, fondée sur un accord avec les intérêts russes. Au Moyen-Orient, cela comprend une reconnaissance du rôle de la Russie en Syrie comme étant positif et soutenant le régime de Bacchar al-Assad comme représentant le moindre mal.
Logiquement, cela implique que les Etats-Unis exigent de leurs alliés traditionnels dans la région qu’ils cessent de soutenir l’opposition armée syrienne. Washington soutiendra avec Moscou un «gouvernement de coalition» syrien qui comprendra des membres conciliateurs de «l’opposition». Cela pourra ouvrir la voie à une collaboration des Etats-Unis avec le régime Assad au nom de la «guerre contre la terreur».
Poursuivant une politique favorisant des «hommes forts» au pouvoir, qu’il partage avec Poutine, Trump voudra améliorer les relations que Washington entretient autant avec le président égyptien Abdel-Fattah al-Sissi qu’avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Il pourrait tenter de réparer les pots cassés entre les deux hommes et les persuader de joindre leurs efforts contre un «terrorisme» qui acceptera la définition de chaque président selon ce qu’il considère comme étant le terrorisme dans son propre pays.
Dans la mesure où Trump est prêt à se mettre à dos l’Iran en révoquant l’accord sur le nucléaire négocié par l’administration Obama, il pourrait même tenter de séduire l’Arabie saoudite de rejoindre ce qui pourrait apparaître comme le triangle sunnite d’Ankara, du Caire et de Riyad, soutenu par Washington.
C’est là que réside la principale contradiction de la vision de Trump pour le Moyen-Orient (alors que sa position hostile à la Chine est la principale incohérence de sa vision globale): surmonter celle-ci implique d’entraîner autant Moscou que le régime Assad à une rupture avec Téhéran.
Enfin, un autre «homme fort» de la région dont les relations avec Washington s’amélioreront grandement sous une présidence Trump est Benyamin Netanyahou. Une autre victime directe de l’élection de Trump sera ainsi le peuple palestinien dans la mesure où Netanyahou aura les mains plus libres pour «traiter» avec eux que tout autre premier ministre israélien depuis Ariel Sharon à la suite des attentats du 11 septembre 2001. (Article publié le 9 novembre sur le site d’Al-Jazeera, anglais. Traduction A l’Encontre)