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Libye: à l’Est, un régime militaro-salafiste s’installe et menace les libertés
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Dans l'Est libyen, alors que le maréchal Khalifa Haftar est en train d'étendre son pouvoir dans le pays et cherche à arracher une reconnaissance internationale, les citoyens et les intellectuels libyens dénoncent systématiquement des menaces touchant à leur liberté d'expression. La situation ressemble de plus en plus à un régime d'oppression. Les salafistes, soutenus et financés par l'Arabie saoudite semblent être au cœur du pouvoir à l'est. Ils sont actuellement présents dans toutes les institutions sensibles et font régner leur loi.
A Benghazi, la situation est aujourd'hui serait comparable à celle de Tripoli en 2014, quand les islamistes extrémistes de Fajr Libya (Aube de la Libye) avaient envahi la capitale. Cette comparaison est du moins faite par Razan Naeim Al Moghrabi, une romancière libyenne vivant à Amsterdam, depuis 2014. Accusée de s'opposer aux islamistes de la capitale, elle fut contrainte de quitter Tripoli suite à des menaces d'islamistes.
Intellectuels et activistes sont menacés
Aujourd'hui, à Benghazi, à l'est du pays, cette fois-ci, des dizaines de journalistes, d'écrivains, d'intellectuels et d'activistes politiques rencontrent le même sort. Dernier épisode en date, c'était une Fatwa contre les musulmans Ibadi du pays, traités de mécréants par un comité spécial au ministère des Affaires religieuses à l'est. Ce même comité était déjà derrière toutes les autres décisions ayant provoqué des tollés dans la société libyenne depuis début 2017.
Au mois de juin dernier, ce fut au tour de l'écrivain Jaber Al Obaïdi, bien connu à Benghazi, de payer chèrement le prix de sa liberté d'expression. Cet ex-prisonnier politique de Kadhafi a été enlevé et emprisonné. Cependant, une campagne nationale en sa faveur a poussé le pouvoir de l'est à le libérer, il y a juste deux semaines.
Autre exemple, un activiste politique d'un parti dit « laïc » a été obligé de se réfugier à Alexandrie après avoir fait l’objet d’une violente attaque verbale à la mosquée de Chahat. Une ville de l'est où il s'est réfugié fuyant les islamistes de Darna, mais où il se trouvait face aux salafistes.
De nombreuses voix dénoncent maintenant ce qu'on n'hésite plus à nommer : « la politique de répression » imposée par le maréchal Khalifa Haftar et les salafistes, volontaires en nombre et très puissants dans les rangs de son armée.
Plusieurs personnes connues dans l'espace public libyen ont affirmé à RFI soutenir Haftar car il s’opposait aux islamistes, mais ils sont aussi favorables à ce que l'armée soit placée sous une direction civile et ne veulent surtout pas avoir à affronter à nouveau un dictateur.
Une série d'interdiction
Cette dérive totalitaire du pouvoir libyen à l'est est apparue clairement en début d’année. Le premier fait marquant qui a attiré l'attention et fait craindre le pire a eu lieu en janvier dernier, quand la police, sur ordre du ministère des Affaires religieuses a confisqué un camion chargé de livres venant d'Egypte et se rendant à un salon du livre à Benghazi.
Accusés « d'invasion culturelle » tous ces livres furent confisqués. Parmi ceux-ci, on y trouve, Dostoievski, Nietzsche et Paolo Coelho en plus de romans d'écrivains arabes. Les intellectuels libyens indignés réagirent et quelque 130 personnes signèrent un communiqué dénonçant la mainmise des salafistes sur la culture. Ils ont noté le fait que c'est un comité religieux qui décide du sort des livres et non pas le « comité de censure de l'édition » chargé habituellement du contrôle.
Tous les signataires protestataires se trouvant à l'est furent inquiétés, intimidés et menacés après la signature de ce communiqué. D'ailleurs, beaucoup d’entre eux ont quitté le pays vers l'Egypte ou la Tunisie voisine.
Interdiction faite à une femme seule de voyager
Quand le général Abderrazak Al Nadouri, nommé en 2016 dirigeant militaire de l'Est libyen, avait décrété, soudainement, l'interdiction faite aux femmes de quitter le pays sans être accompagnée d'un homme, le cercle des mécontents s'est élargi. Ne comprenant pas la raison de cette décision étrangère aux mœurs de la société libyenne, la colère a grandi et s'est rapidement propagée sur les réseaux sociaux.
Un communiqué de protestation et des actions dénonçant cette décision se sont multipliés. Ici aussi, les citoyens en colère ont été inquiétés. Une fois de plus ils étaient traités de mécréants, surtout par les prêcheurs religieux salafistes qui occupent les mosquées de l'est.
En juin dernier ce fut au tour des livres des frères musulmans d'êtres brûlés sur la place publique. Des centaines de livres de Sayed Kotb ainsi que d’islamistes libyens furent ainsi brûlés sur ordre du comité aux Affaires religieuses.
Face à l'impopularité générale de ces décisions en série, certains responsables de l'est essaient de faire croire que ces agissements n'ont rien à voir avec le maréchal Khalifa Haftar mais qu'ils sont l'œuvre du gouvernement d'Abdallah al Thani, ce gouvernement provisoire à l'est et non reconnu par la communauté internationale. Mais cela ne trompe personne à Benghazi.
La fin de la bataille de Benghazi la semaine dernière dévoile cette réalité sociale et humaine couverte un moment par les bruits d'obus. Quant au maréchal Haftar il semble instaurer, un régime militaire appuyé par les salafistes saoudiens et par le pouvoir égyptien et émirati, en dépit de toutes considérations pour les droits de l'homme. C'est en tout cas le sentiment qui domine aujourd'hui à Benghazi.