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Révolution d’octobre : "Avec l’audace la plus téméraire naquit la nouvelle Russie"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le 7 novembre 1917 débutait la Révolution d'octobre. Elle installa les Bolchéviques au pouvoir en Russie, choqua le reste du monde, déclencha la guerre civile russe et la création de l'URSS.
Le 15 mars 1917, le tsar Nicolas II abdique, après une semaine de manifestations, marquant la Révolution de février. Un gouvernement provisoire, présidé par Alexandre Kerenski, est mis en place, traversé par différentes tendances révolutionnaires, mais il est instable et la Russie s'enfonce dans une crise politique.
Emmenés par Vladimir Ilitch Lénine, les Bolchéviques capitalisent ensuite sur le mécontentement populaire pour déclencher, quelques mois plus tard, le 7 novembre, une rébellion armée à Petrograd (l’ancien nom de Saint-Pétersbourg). Ce jour-là, le croiseur Aurore, ancré sur un bras de la Néva, et dont les marins se sont mutinés, tire à blanc sur le Palais d'Hiver, marquant le début de l'assaut. Les marins et les soldats dirigés par Trotski ne trouvent au Palais d'Hiver qu'une garde désemparée, composée d'un bon millier de soldats, cosaques, élèves officiers, ainsi que de volontaires féminines. Alexandre Kerenski parvient à s'enfuir. Il tente d'organiser une résistance, mais elle sera vouée à l'échec. Le pouvoir a changé de mains. Lénine et Trotski installent le pouvoir des "soviets", ces "conseils" révolutionnaires noyautés par leurs camarades bolcheviques.
Dans son célèbre ouvrage, "Dix jours qui ébranlèrent le monde", le journaliste américain John Reed a résumé ces événements : "C'est ainsi, dans le fracas de l'artillerie, dans l'obscurité, au milieu des haines, de la peur et de l'audace la plus téméraire, que naquit la nouvelle Russie". Cent ans après, ils continuent de résonner en Russie et partout dans le monde, comme l’explique à France 24, Raisa Ostapenko, chercheur en Histoire de l’Europe de l’Est pour Sorbonne-Université.
France 24 : Comment la Russie est-elle passée de la Révolution de février à la Révolution d’octobre?
Raisa Ostapenko : Initialement mené par le Prince Gueorgui Lvov, le gouvernement provisoire était en proie à un manque de légitimité politique et de soutien populaire, aggravé par son image "bourgeoise". Un challengeur a émergé sous la forme du Soviet de Petrograd, une institution socialiste avec peu d’intérêt pour l’actuelle administration mais avec un soutien envers les travailleurs russes et les soldats ainsi que la capacité de faire pression sur le gouvernement pour entamer des réformes. Toutes ces entités ont coopéré sous la forme d’une dualité des pouvoirs, bien que largement dominé par les Soviets.
Finalement, Alexandre Kerenski, un jeune membre du parti socialiste révolutionnaire, avec un pied dans chaque institution, est devenu le ministre russe de la Justice puis de la Guerre. Mais en soutenant la participation de la Russie dans la Première Guerre mondiale, Kerenski n’a pas réussi à résoudre l’instabilité économique et à freiner les restrictions alimentaires. Il a déclenché une plus grande frustration en réprimant une série de rébellions des ouvriers et des soldats en juillet 1917.
Alors qu’il était au départ un dirigeant modéré, Kerenski s’est rapidement retrouvé aliéné politiquement. Ses réformes, le suffrage universel et la liberté de rassemblement, de presse, de discours et de religions, sont arrivés un peu trop tard pour le prolétariat russe qui s’est senti négligé. L’affaire Kornilov en septembre 1917, du nom de la tentative de coup d’État militaire par le général Kornilov, commandant en chef de l’armée russe, a solidifié le soutien envers les Bolchéviques.
Pour résumer : bien que la Révolution russe ait conduit à l’abdication du tsar Nicolas II et à la fin de la dynastie des Romanov, ces changements étaient simplement trop insuffisants pour satisfaire le mécontentement général, qui s’était accumulé sous un système de gouvernement passéiste, une économie effrénée, des inégalités sociales et sous des décennies de turbulence civique et militaire. Un plus grand bouleversement politique était inévitable.
Que s’est-il passé le 7 novembre pour que cela entraîne la mainmise des Bolchéviques sur le pouvoir ?
En avril 1917, Vladimir Ilitch Lénine est revenu en Russie dans un train blindé. Connu pour sa fervente opposition à la guerre et son incitation à la violence contre les classes dirigeantes, il avait été auparavant exilé en Suisse par le gouvernement tsariste. Son retour a marqué le début d’une période de six mois planifiée par Léon Trotski, le président du comité militaire révolutionnaire, consistant à armer les ouvriers et les soldats, qui culmina avec la Révolution d’octobre.
Le 7 novembre, les Bolchéviques lancèrent un coup contre le gouvernement provisoire. Bien que Kerenski et son gouvernement étaient partiellement au courant des intentions du comité, le soulèvement s’est révélé immense. Avec le soutien à la fois de la garnison de Petrograd et de marins, les Bolchéviques ont pris les installations du gouvernement sans grande résistance. Le jour suivant, un assaut final a été lancé contre le Palais d’hiver, le siège du gouvernement provisoire et l’ancienne résidence du tsar.
Quelle a été la réponse internationale ?
Pressés de tenir leur promesse d’arrêter l’engagement de la Russie dans la Première Guerre mondiale, les Bolchéviques ont signé un armistice avec les puissances centrales en décembre 1917 et le traité de Brest-Litovsk en mars 1918. Les Bolchéviques espéraient que l’international communiste atteigne un jour l’Allemagne, alors que ce pays attendait la chute des Bolchéviques.
En effet, la révolution a entraîné d’autres bouleversements en Russie, alors que les Bolchéviques ont dû se battre pour se maintenir au pouvoir. Ils ont dû abandonner un système basé sur les élections en faveur d’une dictature du prolétariat en janvier 1918. La guerre civile russe a éclaté peu après. Opposant majoritairement les pro-bolchéviques, les Rouges, aux Blancs (Cosaques, bourgeoisie et antibolchéviques), ce conflit a fait des millions de morts. Les Blancs ont reçu le soutien de la France, du Royaume-Uni, des États-Unis et du Japon, alors que les Rouges, qui ont finalement gagné, n’ont été soutenu que par la Russie.
Comment cet anniversaire est-il commémoré en Russie en 2017 ?
La seule organisation qui va célébrer cet événement est le parti communiste, minoritaire en Russie et ceux qui sont nostalgiques du passé soviétique. La ferveur révolutionnaire couve depuis plusieurs années en Russie, et l’année 2017, comme s’il s’agissait d’un hommage aux événements d’il y a 100 ans, est particulièrement bouillonnante. Les manifestations anti-corruption le 26 mars 2017 ont rassemblé plus de 150 000 participants dans tout le pays, après la publication d’un documentaire du leader de l’opposition Alexeï Navalny, sur les avoirs du Premier ministre Dmitri Medvedev. En juin, un rassemblement similaire a entrainé 1 800 arrestations.
C’est pour cela que l’actuel gouvernement a fait comprendre que le centenaire de la Révolution russe ne serait pas commémoré. La Révolution a représenté une série de soulèvements contre des lois insatisfaisantes. Cette situation est similaire à ce qui s’est déroulé en Ukraine en 2013-2014 et qui a débouché sur la fuite du président Viktor Ianoukovitch. Pourquoi Vladimir Poutine voudrait-il commémorer un tel événement alors qu’il tient si fortement le pouvoir ?