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Poursuivi par le Medef pour violences, Loïc Canitrot relaxé

répression

Lien publiée le 26 janvier 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.politis.fr/articles/2018/01/poursuivi-par-le-medef-pour-violences-loic-canitrot-relaxe-38268/

Lors d’une occupation du siège du Medef en juin 2016, Loïc Canitrot est agressé par le chef de la sécurité du Medef – qui le dénonce ensuite à la police pour violences. Il a fini par être relaxé aujourd’hui. Avant de poursuivre à son tour son agresseur…

Les puissants, c’est connu, ne craignent pas grand-chose. Mieux, ils ont tendance, trop souvent, à se croire au-dessus des lois. En plein mouvement contre la loi El Khomri, les esprits sont chauds. De chaque côté. En parallèle à ces mois de luttes, de Nuit Debout, dont Loïc Canitrot, connu pour son calme, assure le service d’ordre, qu’il a contribué à rebaptiser « accueil et sérénité », ce membre de la compagnie théâtrale Jolie Môme et de la coordination des intermittents du spectacle décide avec plusieurs dizaines de ses collègues de s’inviter au 55, avenue Bosquet, dans le très chic VIIe arrondissement, siège national du Medef.

Les militants veulent débattre avec la direction de l’organisation patronale, ayant appris que Pierre Gattaz et quelques-uns de ses seconds seront présents pour une réunion. Ils sont calmes mais remontés : grâce à une importante mobilisation, les intermittents viennent d’obtenir un bon accord pour la branche spectacle entre syndicats et représentants des employeurs, avec le retour de l’ouverture des droits sur douze mois, des rattrapages pour les accidents de carrière, des droits pour les femmes enceintes… Mais seul le Medef se refuse à signer cet accord… ainsi que la CFDT confédérale (alors que la CFDT Spectacle l’a approuvé).

S’engouffrant discrètement derrière un patron qui pénètre dans le siège du Medef, les intermittents envahissent le hall, puis le premier étage, sans heurts ni problèmes avec les vigiles. Tout semble bien se passer jusqu’à l’arrivée d’un homme en costume qui se révèlera être Philippe Salmon, responsable de la sécurité du siège du Medef. Il se met à interpeller les « envahisseurs » en les traitant de « connards ». Puis arrache le portable d’une militante en train de filmer l’ambiance jusque-là bon enfant. Loïc Canitrot tente de s’interposer, en levant les deux mains en l’air. Un autre militant s’empare des lunettes de Philippe Salmon, lui causant une égratignure sur la joue.

On échange les lunettes contre le portable arraché. Quelques minutes plus tard, le chef de la sécurité hurle contre un autre militant, cette fois au premier étage. Loïc Canitrot monte l’escalier et tente de nouveau d’abaisser la tension. Philippe Salmon lui assène alors un violent coup de pied dans les testicules, qui le jette à terre dans une forte douleur. Quelques minutes après, des policiers appelés par le Medef débarquent. Le militant, qui s’est relevé tant bien que mal, indique aux policiers qu’il veut porter plainte pour violence. On lui intime d’attendre quelques instants, avant de l’escorter dehors pour aller au commissariat.

Devant la voiture des policiers, surprise : on lui passe les menottes. Loïc rappelle qu’il veut aller porter plainte : _« Ne vous inquiétez pas, les menottes, c’est seulement la procédure. » _Loïc se laisse faire, interloqué mais encore crédule. Arrivé au commissariat du 7ème arrondissement, on lui signifie qu’il est en garde à vue. 24 heures plus tard, la garde à vue est renouvelée pour 24 heures supplémentaires. Après un passage par l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, il termine sa garde à vue de 48 heures par l’abominable « dépôt », dans les sous-sols de l’Île de la Cité… où il passe 14 heures ! Il ne pourra déposer sa propre plainte qu’à la fin de cette mésaventure.

Serait-ce dû au climat de l’époque ? On est en pleine mobilisation contre le loi travail avec moult répression policière et patronale. Ou, plus simplement, à certaines habitudes bien ancrées chez les magistrats du Parquet – où l’on a parfois la fâcheuse habitude de préférer l’injustice au risque d’un désordre ? Il reste que la plainte de Loïc Canitrot est classée sans suite quand celle du chef de la sécurité du Medef est suivie à la lettre par le Procureur. Philippe Salmon fait alors citer un « témoin », présenté comme un chef d’entreprise présent dans les locaux de l’organisation patronale… qui s’avère, en fait, être le patron de la société de vigiles sous-traitante de la sécurité du 55, avenue Bosquet. Monsieur Hubert a en outre été l’ancien responsable de la sécurité du Medef durant douze ans et celui qui a recruté Philippe Salmon !

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Loïc Canitrot, poursuivi en correctionnelle, demande (d’abord en vain) à pouvoir faire visionner les vidéos des nombreuses caméras de surveillance en fonction dans le siège du Medef. Il lui faudra insister, puisqu’il comparaît à une première audience comme accusé. Car le Parquet procède à sa mise en accusation et a fait mener une instruction entièrement à charge du militant. Contraint avec son avocate, Me Irène Terrel, de déposer plainte avec constitution de partie civile pour la modique somme de 500 euros (sa première plainte simple ayant été classée sans suite par le Parquet), Loïc Canitrot parvient grâce à son conseil à obtenir un supplément d’information – pourtant refusé au départ par le Parquet – du nouveau juge, davantage respectueux des principes d’une justice contradictoire.

Ayant ordonné une enquête approfondie, le magistrat fait convoquer par les policiers les mis en cause, Loïc Canitrot au premier chef, mais aussi Philippe Salmon et Monsieur Hubert. Les agents visionnent et montrent les vidéos. Celles des caméras de surveillance du Medef apparaissent grossièrement tronquées ; certaines ont même été « perdues », d’autres détruites ou dissimulées, avec des prétextes divers qui ne trompent plus les policiers ni le magistrat. Mais les militants ont pu produire les films qu’ils avaient réalisés. Ce qui contraint in fine les deux « accusateurs », employés par le Medef, à se dédire et bientôt à retirer leur plainte. Mais le Parquet maintient ses poursuites !

À l’audience, ce matin du 25 janvier 2018, la représentante du Parquet, visiblement gênée, finit par demander la relaxe, précisant non sans embarras qu’elle n’est pas ici « en train de juger l’action politique » des intermittents… Me Irène Terrel rappelle pourtant la position pour le moins contradictoire du Parquet puisque celui-ci, lors de la confrontation entre Loïc Canitrot et Philippe Salmon, continuait d’entendre ce dernier. « Le Parquet, précise l’avocate, a eu une attitude scandaleuse, montrant d’emblée un parti-pris favorable à l’employé du Medef, puisqu’il était en présence d’un fait de violence avéré (Philippe Salmon ayant reconnu avoir donné le coup de pied dans les parties génitales du militant) face à un fait de violence allégué. Il s’agit bien là d’une répression politique, de la part d’un Parquet politique ! » Et l’avocate de souligner « la chance » pour le militant d’avoir pu produire des éléments corroborant ses dires, et d’être soutenu par trois témoins de moralité, en l’occurrence le philosophe Frédéric Lordon, Arlette Laguiller et Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT Spectacle.

Après un long examen des faits par le tribunal, où il ressort que le Medef, par le biais de son responsable de sécurité, n’a pas hésité à accuser de façon calomnieuse le militant, a menti, tronqué les vidéos et utilisé un témoin prêtant à tout le moins à caution, la représentante du Parquet n’a pu que demander la relaxe de Loïc Canitrot, toujours, pourtant, accusé durant cette audience. Il faut dire que Philippe Salmon (absent au tribunal, sans être représenté par un avocat), toujours en fonction néanmoins au siège du Medef, a été contraint, après visionnage des vidéos notamment devant un officier de policier, de retirer sa plainte, Monsieur Hubert ayant dû revenir sur ses allégations.

L’intermittent du spectacle est sorti, heureux, de l’audience de la 28e Chambre correctionnelle du Palais de justice de Paris, accueilli en face par un rassemblement de militants syndicaux, de membres de la compagnie Jolie Môme et ses grands drapeaux rouges et quelques députés, dont l’Insoumis Éric Coquerel. Mais cette affaire, montrant combien le Medef et le Parquet n’ont pas hésité à se soutenir, ne devrait pas en rester là. Si la relaxe apparaissait logique au vu des faits et des preuves produites à l’audience, Me Irène Terrel et Loïc Canitrot ont déposé plainte pour « dénonciation calomnieuse et violence » à l’encontre de Philippe Salmon – que le Medef ne semble plus disposé à soutenir aujourd’hui. Il faudra prochainement au militant parvenir à montrer l’implication du Medef au prochain procès. Mais Me Terrel a exigé du Parquet qu’il fasse citer rapidement Philippe Salmon. Sans attendre à nouveau plus d’un an. À suivre, donc.