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Théâtre : L’Établi, d’après Robert Linhart
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https://npa2009.org/idees/culture/theatre-letabli-dapres-robert-linhart
Mis en scène par Olivier Mellor. Théâtre de l’Épée de Bois-Cartoucherie, Paris. Jusqu’au 1er juillet.
Cinquante ans après Mai 68, Olivier Mellor et la compagnie du Berger adaptent au théâtre le roman-témoignage l’Établi de Robert Linhart, paru en 1978, dans lequel l’auteur raconte son expérience de dix mois passés comme ouvrier spécialisé à l’usine Citroën de la porte de Choisy. Embauché à la suite de 1968, il fait partie des militants intellectuels maoïstes qui se sont « établis » en usine pour militer dans la classe ouvrière.
Épuisement, racisme, répression
Il y découvre la division du travail ségrégationniste entre français et immigrés, le travail à la chaîne, la course infernale pour ne pas « couler », l’épuisement physique et moral, le racisme. Relativement isolé, il peine à militer dans cette usine de 1 300 personnes. Mais la colère est bien là, et quand la direction de l’usine annonce un allongement du temps de travail pour rattraper les journées de grève du printemps, tout explose. Avec une petite équipe d’ouvriers, Linhart se réunit au bistrot d’à côté pour organiser la riposte. Les premiers jours, la grève prend, mais face à l’appareil répressif de la direction qui n’hésite pas à faire appel à des interprètes pour intimider les travailleurs étrangers, le noyau de grévistes se réduit rapidement. De plus en plus isolé, Robert Linhart devient une cible facile, il est mis à l’écart dans un petit entrepôt avant d’être finalement licencié à la veille des congés d’été.
Violence du travail à la chaîne
Le rythme de la pièce rend vivante la description du travail en usine, pas le temps de s’ennuyer. Le décor métallique plonge le spectateur dans l’atmosphère de l’usine, à travers un système de chutes qui évoquent le vacarme ambiant et les cadences infernales. L’esthétique, monumentale, rend compte de la violence du travail à la chaîne. Seul bémol, on peut regretter que cette adaptation au théâtre émousse l’expression des sentiments du personnage. La colère de ne pas pouvoir entraîner des collègues plus largement et l’impuissance face à une hiérarchie de fer, passages forts du livre, sont à peine évoqués.
Mais le pari de donner à voir les espoirs et les déceptions d’une génération de militantEs prêts à consacrer leur vie pour changer le monde est réussi. La description poignante et réaliste du travail en usine, ses injustices et l’indignation qu’il suscite font du texte de Linhart une œuvre toujours aussi précieuse et actuelle.
Zoé Liazo