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7 août 1927 : immense manifestation pour Sacco et Vanzetti

Lien publiée le 8 août 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://paris-luttes.info/7-aout-1927-immense-manifestation

Le 7 août 1927, alors que les menaces d’exécution de Sacco et Vanzetti se font plus précises, d’immenses manifestations ont lieu dans le monde entier, contre la barbarie américaine, en particulier à Paris.

Here’s to you Nicola and Bart
Rest forever here in our hearts
The last and final moment is yours
That agony is your triumph.

Joan Baez, sur une musique de Ennio Morricone

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7 août 1927 : la manifestation parisienne pour Sacco et Vanzetti avec Luigia Vanzetti

Tandis que le risque d’exécution de Sacco et Vanzetti se rapproche, un cortège auquel s’était joint Luigia Vanzetti (soeur du condamné) rassemble plus de 100 000 personnes à Paris, le 7 août 1927. Il est fortement encadré par d’imposantes forces de police. Un appel est lancé pour une grève de 24 heures le lendemain. Le 8, 9 et 10 août 1927, l’exécution de Sacco et Vanzetti prévue à la date du 10 août [1] suscite à travers le monde de nombreuses manifestations de colère : à Chicago la grève générale est suivie par 16 000 ouvriers. A la sortie du meeting, une jeune anarchiste italienne de 16 ans nommée Aurora d’Angelo, prend la tête d’un cortège de quatre mille personnes. La police utilise des gaz lacrymogènes et procède à 76 arrestations dont Aurora (qui refusera lors de son procès l’aide d’un avocat). A New York la grève est suivie par 150 000 personnes (selon la police). De même à Montevideo (Uruguay), à Asuncion (Paraguay), à Bruxelles, Londres ou Paris. Des bombes explosent à Bâle (Suisse), à Sofia (Bulgarie) le 11 août, ou sont découvertes à Chicago et Londres. C’est un immense vent de contestation qui se lève contre l’arbitraire de la répression.

Contexte
L’affaire Sacco et Vanzetti est un symbole de la répression aux États-Unis. Elle frappe deux anarchistes d’origine italienne, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti. Dans les années 1920, la crise économique touche aussi bien l’Europe que les États-Unis : il faut reconvertir l’économie de guerre et faire face à l’inflation. La fin du dirigisme étatique mis en place en 1917 et la montée du syndicalisme provoquent de nombreuses grèves dans tout le pays. En 1919, on recense 4,1 millions de grévistes qui réclament de meilleurs salaires et une réduction du temps de travail. Ces grèves donnent lieu à des affrontements dans plusieurs grandes villes, comme à Boston.

L’année 1925 est marquée par de nombreux attentats anarchistes : les responsables politiques sont touchés, comme le maire de Seattle ou celui de Cleveland, chez lequel une bombe explose. Les bureaux de la banque Morgan à Wall Street sont soufflés par un attentat qui fait 38 morts et 200 blessés. Les autorités prennent des mesures de répression contre les anarchistes mais aussi contre les communistes et les socialistes américains. Certains sont emprisonnés, d’autres contraints de s’exiler. La presse bourgeoise amalgame les grévistes, les étrangers et « les Rouges ». Elle craint la progression du bolchévisme en Europe, le terrorisme de gauche et se méfie des immigrés récemment arrivés qui parlent à peine l’anglais. Cette période est connue sous le terme de « Peur rouge ».

Le premier procès
Le premier procès débute le 22 juin 1920. Sacco et Vanzetti sont accusés de deux braquages ayant eu lieu dans le Massachusetts : le premier est un hold-up manqué contre une fabrique de chaussures par un gang motorisé le 24 décembre 1919 à Bridgewater, l’autre le 15 avril 1920 à South Braintree, dans la banlieue de Boston. Durant ce dernier braquage, deux hommes, Frederic Parmenter caissier de la manufacture de chaussures "Slater and Morril" et son garde du corps Alessandro Berardelli, sont abattus à coups de revolver par deux hommes dans la rue principale. 15 000 $ sont volés.

Un certain nombre de témoins à charge qui n’ont vu le braquage que de loin affirment avoir « reconnu » des Italiens, notamment l’un portant une moustache comme celle de Vanzetti, le débat portant sur la longueur de cette moustache. Les témoins à décharge, des immigrés italiens soupçonnés d’accointance avec les milieux anarchistes, sont ignorés bien qu’ils fournissent un alibi à Vanzetti. Le 16 août 1920, Vanzetti seul est condamné pour le premier braquage de 12 à 15 ans de prison, Nicola Sacco ayant pu prouver qu’il avait pointé à l’usine le jour de ce premier braquage.

Le second procès
Le second procès qui a lieu à Dedham du 31 mai au 14 juillet 1921 met surtout en scène l’expertise en balistique, encore balbutiante à cette époque, Vanzetti portant selon l’accusation un pistolet de calibre 38 qui aurait appartenu à l’une des victimes et Sacco un Colt automatique de calibre 32 (les quatre balles trouvées sur les lieux du braquage avaient été tirées par un pistolet de même calibre). Ce second procès les condamne tous les deux à la peine capitale pour les crimes de South Braintree, malgré le manque de preuves formelles. Carlo Tresca et Aldino Felicani (vieil ami de Vanzetti), deux militants de l’Industrial Workers of the World [2] et quelques représentants de la bourgeoisie libérale bostonienne lancent une campagne médiatique nationale et internationale en leur faveur, montant dès le 9 mai un comité de défense qui parviendra à lever pendant 7 ans un fonds de 300 000 dollars, fonds dans lequel puisera leur avocat californien Fred Moore, spécialisé dans les procès politiques, pour effectuer ses propres enquêtes.

Dès lors, des comités de défense se mettent en place dans le monde entier pour sensibiliser l’opinion sur cette injustice. Comme Sacco en 1923, Vanzetti est placé début 1925 en hôpital psychiatrique. Le 12 mai 1926, leur condamnation à mort est confirmée. En novembre 1926, un bandit dénommé Celestino Madeiros, cependant déjà condamné à mort dans une autre affaire, avoue de sa prison être l’auteur, avec des membres du gang de Joe Morelli, du braquage de South Braintree, mais le juge Webster Thayer, qui n’aimait ni les Italiens, ni les anarchistes, refuse de rouvrir le dossier. Malgré une mobilisation internationale intense et le report à plusieurs reprises de l’exécution, Nicola Sacco, Bartolomeo Vanzetti et Celestino Madeiros sont exécutés par chaise électrique dans la nuit du 22 au 23 août 1927, à la Prison de Charlestown dans la banlieue de Boston, par le célèbre bourreau Robert G. Elliott, suscitant une immense réprobation. Plus de 80 ans après, les États-Unis continuent toujours d’exécuter des détenus, innocents ou coupables ; le plus souvent pauvres ou révoltés.

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Vanzetti (à gauche) et Sacco (à droite)

A la mémoire de Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, deux anarchistes, deux immigrants tués par l’État. No Nation ! No Border ! Fight Law and Order !

P.-S.

Sources utilisées : Ephéméride anarchisteWikipédia
Pour approfondir : 
Ronald Creagh, L’affaire Sacco et Vanzetti, Lyon, Atelier de création libertaire, 2004.
John Dos Passos, Devant la chaise électrique, Sacco et vanzetti : histoire de l’américanisation de deux travailleurs étrangers, Arcades Gallimard, 2009 
Pierre Duchesne, Sacco et Vanzetti, Paris, Presses de la Cité, 1971.
Francis Russell, L’affaire Sacco-Vanzetti, Paris, Robert Laffont, 1964.

Notes

[1] Elle se déroulera finalement le 23 août.

[2Industrial Workers of the World ou IWW (les adhérents sont aussi appelés plus familièrement les Wobblies) est un syndicat international fondé aux États-Unis en 1905 dont le siège actuel se trouve à Cincinnati, dans l’Ohio. À son apogée, en 1923, l’organisation comptait environ 100 000 membres actifs.