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La garde à vue du président des Amis de la terre : "Les ordres venaient d’en haut"

Répression

Lien publiée le 11 décembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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La garde à vue du président des Amis de la terre : «<small class="fine"> </small>Les ordres venaient d'en haut<small class="fine"> </small>»

Florent Compain, président des Amis de la Terre France, et Denys Crolotte, du Mouvement pour une alternative non violente, ont passé une nuit en garde à vue à Nancy. Motif : avoir co-organisé la Marche pour le climat dans cette ville. Qui a réuni plus de mille personnes dans le calme.

  • Nancy (Lorraine), correspondance

« J’ai eu l’impression d’être un gamin. On a été puni par le préfet à la hauteur de notre désobéissance. » Traits tirés et sourire radieux, Denys Crolotte rejoint, sous les acclamations, la cinquantaine de manifestants qui l’attendent devant le commissariat de police de Nancy. Il est 12 h, ce dimanche. Il y est entré la veille, à 15 h 30, après avoir été arrêté avec Florent Compain, en toute fin du cortège de la Marche pour le climat. Les deux hommes ont été particulièrement impliqués dans l’organisation locale de cette mobilisation mondiale, qui a rassemblé en France des milliers de personnes dans 120 villes. Et pour cause : Florent est le président des Amis de la terre – France, tandis que Denys co-préside le Mouvement pour une Alternative non-violente (MAN) à Nancy.

Leur crime ? Avoir maintenu une manifestation interdite, la veille, par un arrêté signé de la main du préfet de Meurthe-et-Moselle, Éric Freysselinard. « Le préfet m’a téléphoné, vendredi matin, alors qu’il se trouvait avec le maire de Nancy et le procureur général, raconte Florent à Reporterre sous une pluie battante. Il m’a demandé d’annuler la Marche au motif que les Gilets jaune constitueraient une menace pour nous. Pire : d’après le préfet, ils seraient armés ! Les policiers eux-mêmes m’avoueront que c’est totalement faux ! »

  • Télécharger l’arrêté d’interdiction :

    Arrêté préfectoral d’interdiction de la marche pour le climat à Nancy.

Effectivement, l’arrêté préfectoral prévient de la menace que représente « la radicalisation du mouvement des Gilets jaunes », ou encore les « risques de confrontations directes, de heurts et de troubles à l’ordre public, entre les participants du mouvement "Gilets jaunes" et ceux du mouvement "marche pour le climat" qui soutient les taxes sur le carbone que contestent les gilets jaunes  ».

Florent Compain : « Le préfet m’a dit que j’étais "complétement irresponsable". Je lui ai répondu que c’est nous qui sommes responsables face à l’urgence climatique. »

« Toujours au téléphone, le préfet m’a dit que j’étais "complétement irresponsable", poursuit Florent devant le commissariat. Je lui ai répondu que c’est nous qui sommes responsables face à l’urgence climatique. Et qu’on était prêts à se réunir avec lui pour redéfinir entièrement le parcours s’il le faut. » Le préfet n’a pas donné suite à cette invitation à la concertation. La Marche a été maintenue. À une condition : « Avant le départ, explique Denys, on a pris le temps d’expliquer à tous les participants que la manifestation était interdite par la préfecture et on a soumis au vote son maintien. » « On a vu, alors, toutes les mains se lever bien haut ! », ajoute Patricia, son épouse, membre du MAN Nancy également. Elle faisait partie, avec son fils, des 40 brassards verts, ces encadrants qui géraient la circulation tout en distribuant des tracts invitant les passants à se joindre à cette mobilisation « non-violente, ouverte, familiale ».

C’est là le deuxième crime : la mobilisation a été un réel succès à Nancy, rassemblant entre 1.000 et 1.500 personnes, selon le côté où l’on se situe, celui des Renseignements territoriaux ou celui des organisateurs (tandis que L’Est Républicain a comptabilisé « plus de 600 personnes »). « Même les automobilistes bloqués par le cortège le prenaient à la rigolade, certains nous soutenaient », assurent des brassards verts. Le départ de la manifestation a été donné devant le siège de la Métropole du Grand Nancy pour faire converger les enjeux nationaux de la mobilisation -– « apporter une réponse aux problèmes de fin du monde autant qu’aux problèmes de fin de mois » -– à des revendications portées par des associations locales, notamment la résorption des points noirs sur les pistes cyclables. « Car ça n’incite pas les automobilistes à prendre leur vélo », relève Patricia.

La marche pour le climat s’est déroulée à Nancy pacifiquement, réunissant plus de mille personnes.

Arrivée à la célèbre Place Stanislas, où se trouvent la mairie et la préfecture, une dizaine de policiers se sont placés entre les marcheurs pour le climat et les 100 à 200 Gilets jaunes présents, afin d’empêcher la convergence des deux mouvements. « Des barrages policiers bloquaient toutes les entrées de la Place, mais là, bizarrement, ils n’étaient que dix malheureux policiers... À croire qu’ils voulaient provoquer le débordement », analyse Thomas, le fils de Denys, lui aussi brassard vert. « Les Gilets jaunes étaient littéralement nassés. Le but était clairement de nous diviser », revoit le président des Amis de la terre. Bousculades, tensions. Mais aucun débordement. La Marche a repris sans les Gilets jaunes –- sauf ceux qui avaient rejoint le cortège avant le départ.

Quelques centaines de mètres plus loin, place d’Alliance, la Marche a pris fin. « Dans une ambiance bon enfant », assurent les participants. La dispersion des troupes a commencé. C’est alors que Denys et Florent ont été invités par les policiers à se rendre au commissariat –- « pour une audition libre, ils nous ont bien dit “libre” ». Les deux militants écologistes ne se sont pas posé de question. En septembre, ils avaient déjà eu droit à une audition libre, suite à une « opération de nettoyage » de la Société générale pour appeler « la banque, no 1 des énergies sales, à mettre fin à ses soutiens aux énergies fossiles ». Tout s’était bien terminé.

Mais cette fois, à peine entrés dans la voiture de police, ils ont senti le piège : « On m’a demandé de vider mes poches. On a mis mon sac dans le coffre », dit Florent. Une fois entrés au commissariat, leurs proches n’ont plus eu de nouvelles. Au commissariat, un agent leur a annoncé qu’il s’agirait d’une garde à vue de quelques heures. Elle a duré plus que la nuit…

Denys Crolotte : « On a été en garde à vue parce qu’on a fait un magnifique pied de nez au Préfet. »

Entre temps, l’article de Reporterre, mis en ligne en fin d’après-midi, était lu par des dizaines de milliers de personnes. Les soutiens se sont multipliés sur les réseaux sociaux, de Jean-Luc Mélenchon à Clémentine Autain (France insoumise) en passant par le lanceur d’alerte Antoine Deltour. Le standard du commissariat a croulé sous les appels téléphoniques.

Alors qu’ils étaient 74 militants à co-organiser la Marche pour le climat dans tout le pays, Denys et Florent sont les seuls à encourir une peine de 6 mois de prison et 7.500 euros d’amende. « On a été en garde à vue parce qu’on a fait un magnifique pied-de-nez au préfet. Au final, il nous a fait une publicité d’enfer ! » rigole Denys, de nouveau libre.

Mais il rit jaune : « Il est clair qu’il y a eu une alliance entre le préfet et le procureur de la République. Normalement, on place 24 heures en garde à vue les organisateurs d’une manifestation non déclarée. Or, la nôtre était déclarée de longue date... » Et Florent de conclure : « Le motif de notre détention était politique. Au commissariat, les policiers ne se sont pas cachés pour nous dire que les ordres venaient d’en haut. Ni pour nous encourager et nous féliciter pour l’organisation et le bon déroulement de la Marche ! »


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LE SUIVI EN CONTINU DE LA GARDE À VUE DES MILITANTS DU CLIMAT

  • Actualisation - 12h35 - Florent Compain est sorti, Denys Crolotte aussi, quelques minutes après.

Voici le texte du communiqué publié à l’instant par Les Amis de la Terre et le MAN : « Florent Compain, président des Amis de la Terre France, et Denys Crolotte, membre du Mouvement pour une Alternative Non-violente, viennent d’être libérés après 21 heures de garde à vue. Ce qui leur est reproché : avoir organisé une marche pour le climat, non-violente, qui a rassemblé 1500 personnes.

Pourtant annoncée depuis plusieurs mois, l’organisation de la marche pour le climat à Nancy a fait l’objet d’un bras de fer avec la Préfecture de Meurthe-et-Moselle dans les derniers jours. Le 7 décembre, le Préfet a publié un arrêté interdisant l’organisation de cette marche au prétexte qu’elle était susceptible de créer un trouble à l’ordre public car “elle soutient les taxes carbone que contestent les gilets jaunes” et a menacé de poursuite judiciaire les organisateurs.

En réaction, 74 personnes se sont déclarées co-organisatrices. La marche a été maintenue, a rassemblé 1.500 personnes qui, de façon déterminée et non-violente, ont interpellé le gouvernement sur l’urgence climatique. Comme dans de nombreuses villes de France, un dialogue s’est amorcé avec les gilets jaunes sur la nécessité d’articuler justice sociale et lutte contre les changements climatiques

La réalité est qu’aujourd’hui, les citoyens qui se mobilisent pour le climat et des gilets jaunes sont en train de créer de nombreux ponts et se rejoignent sur le même constat : pas de justice sociale ou climatique sans une réduction forte des inégalités. En enfermant les militants qui essayent de bâtir ces ponts, l’Etat s’isole, alimente la colère et retarde une solution politique à la hauteur des enjeux.

Florent Compain et Denys Crolotte encourent une peine de 6 mois de prison et 7.500€ d’amende.

Les Amis de la Terre et le MAN dénoncent une dérive sécuritaire de l’Etat et la privation du droit constitutionnel à manifester, qui plus est de façon non-violente et pour une cause d’intérêt général : la lutte contre les changements climatiques. »


  • Actualisation - dimanche, 12h15 - Environ 55 personnes sont réunies devant l’Hôtel de police. Un commissaire est sorti en fin de matinée pour dire que Florent Compain et Denys Crolotte allaient sortir bientôt, vers midi.


  • Actualisation -dimanche 9 décembre, 10h00 - Florent Compain et Denys Crolotte sont toujours en garde à vue à l’Hôtel de police, 38 boulevard Lobau à Nancy. Des personnes sont devant le bâtiment, en soutien. Les Amis de la Terre et le MAN invitent aussi à appeler l’Hôtel de Police au 03 83 17 27 37 pour manifester leur indignation devant ces incarcérations de militants climatiques.

L’hôtel de police de Nancy, où sont retenus Florent Compain et Denys Crolotte.


  • Actualisation -samedi 8 décembre, 22h24 - Florent Compain et Denys Crolotte sont toujours retenus à l’Hôtel de police, boulevard Lobau à Nancy. Des soutiens sont arrivés dans la soirée.


Florent Compain, président des Amis de la Terre, France, a été placé en garde à vue ce samedi, ainsi que Denys Crolotte, membre du Mouvement pour une alternative non violente (MAN).

Florent Compain en 2015.

Denys Crolotte, pacifiste, est membre du Mouvement pour une alternative non violente.

Les deux hommes ont été arrêtés par des policiers à Nancy ce samedi 8 décembre vers 16h30, alors que la Marche pour le climat s’achevait place d’Alliance. Ils étaient toujours, à 20 h, en garde à vue à l’hôtel de police boulevard Lobau. Il leur est reproché d’avoir maintenu cette marche qu’un arrêté préfectoral avait interdit la veille. La marche s’est déroulé pacifiquement, et a réuni, selon un des co-organisateurs joint par Reporterre, près de 1.500 personnes. 75 personnes s’étaient déclarées co-organisatrices, mais la police a choisi de cibler MM. Compain et Crolotte.

Le soutien s’organise devant le commissariat, où les Amis de la Terre et le MAN invitent à se réunir.

Cette interpellation intervient alors que, le matin, Julien Coupat, demeurant près de Tarnac, a été lui aussi placé en garde à vue.