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Un an après les violences, la faculté de droit de Montpellier est toujours sous tension
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.la-croix.com/amp/1201010485
Un an après les violences à la faculté de droit de Montpellier, en mars 2018, un collectif d’étudiants réclame que toutes les responsabilités soient établies. De son côté, l’administration minimise les tensions et veut calmer les esprits.
Des étudiants des universités voisines manifestent le 28 mars 2018 dans les rues de Montpellier après des violences qui ont touché la fac de Montpellier. / Sylvain Thomas/Afp
« Ni oubli, ni pardon. » C’est le slogan des étudiants, syndicalistes et victimes qui comptent se rassembler devant la faculté de droit de Montpellier, vendredi 22 mars 2019, à midi. Ils célébreront le premier anniversaire de la nuit du 22 mars 2018 qui marquera pour longtemps l’histoire de l’établissement.
Ce soir-là, il est minuit et demi quand une dizaine de personnes encagoulées et armées de planches de bois pénètrent dans l’amphithéâtre A pour y déloger une trentaine d’étudiants mobilisés contre Parcoursup et la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants). Des vidéos prises avec les téléphones de certains d’entre eux immortalisent les cris, la frayeur et les visages ensanglantés des grévistes. L’expulsion fera sept blessés légers et les images feront le tour des réseaux sociaux.
Des sanctions disciplinaires
Trois mois plus tard, l’enquête menée par l’Inspection générale de l’administration, de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) confirme que le doyen, Philippe Pétel, savait qu’un groupe de personnes extérieures à l’établissement interviendrait cette nuit-là. Le rapport indique également que le codirecteur du master 2 Histoire du droit, Jean-Luc Coronel de Boissezon, a reconnu, devant l’inspection générale, avoir participé à l’évacuation et faire partie du « peloton de tête du groupe ». Le document précise que la responsabilité des deux universitaires « est entière et leur complicité avérée ».
Montpellier : le doyen et un professeur de la fac de droit suspendus de leurs fonctions
En février 2018, la section disciplinaire, délocalisée à l’université de la Sorbonne, « pour éviter les enjeux locaux » selon le président de l’université, rend son verdict. Philippe Pétel a interdiction d’enseigner pendant cinq ans et Jean-Luc Coronel de Boissezon est radié. Une décision dont ils ont fait appel.
Côté pénal, les deux hommes sont mis en examen pour complicité d’intrusion. Jean-Luc Coronel de Boissezon est également mis en examen pour violences en récidive.
« L’impunité n’existe pas »
Douze mois plus tard, l’avocat des victimes, Jean-Louis Demersseman, s’impatiente : « Une partie de mes clients n’a toujours pas été entendue par la juge d’instruction et plus le temps passe moins les souvenirs sont précis. »
Les étudiants mobilisés dénoncent la lenteur de l’enquête mais surtout l’absence de sanction à l’encontre de certaines personnes qui, selon eux, seraient impliquées. Depuis un an, le syndicaliste Snesup-FSU, Yann Leredde, a interpellé à deux reprises le président de l’université, Philippe Augé, en lui transmettant un dossier comptant plus d’une dizaine de noms : « Nous demandons la saisie de la commission disciplinaire, pour des personnels administratifs, des doctorants et professeurs. Tous, bien sûr, ne doivent pas être radiés, mais ceux qui, par exemple, ont applaudi les violences mériteraient un avertissement pour montrer que l’impunité n’existe pas. » Le délégué a également saisi le rectorat en septembre 2018 et janvier 2019, sans réponse de leur part.
« On ne va pas vivre retranchés »
De son côté, le nouveau doyen de la faculté, Guylain Clamour, n’a pas apprécié cette insistance à dénoncer des responsables, de la part des étudiants et certaines organisations syndicales. « Des personnes se sont senties harcelées par des doctorants cherchant à tout prix à les condamner et sont encore bouleversées aujourd’hui. » Une tension que confirme un rapport de l’éducation nationale : « Présents au moment des événements, leurs noms ont été tagués sur le mur du rectorat et diffusés sur les réseaux sociaux, des articles circulent dans des blogs. Ils ont déposé plainte mais ils craignent pour leur sécurité et leur avenir professionnel. »
Pour Sophie, étudiante en science politique, qui participera au rassemblement pour marquer le premier anniversaire de ces violences vendredi, l’intérêt de cette manifestation n’est pas de montrer du doigt de supposés complices mais de dire : « Plus jamais ça. »
À ce sujet, Guylain Clamour se veut rassurant. Le doyen affirme que les mesures prises suffiront à éviter de nouveaux débordements. « Le dispositif envisagé découle des préconisations du rapport de l’IGAENR. Cela se traduit concrètement par un meilleur contrôle dans l’octroi des amphithéâtres. »
À Montpellier, une faculté sous haute tension
L’enseignant tient aussi à dépassionner le débat et rappelle que cet événement ne saurait résumer la vie de la faculté : « Personne n’est caché dans les coins ou les tiroirs prêts à surgir sur les élèves. (...) Ce sont des groupes extérieurs à l’établissement qui sont entrés par l’intermédiaire d’une personne qui a été punie. » En septembre 2018, cinq autres personnes ont été mises en examen dans cette affaire, dont un membre de La ligue du Midi, groupuscule d’extrême droite.
Même son de cloche du côté de la présidence de l’établissement. « L’université est un lieu d’échanges et de débats, rappelle Philippe Augé. On ne va pas vivre retranchés, en vase clos. » Une position partagée avec Yann Leredde : « L’université ne peut pas être un espace contrôlé et doit rester un lieu libre, gratuit, de démocratie. » Le collectif « ni oubli, ni pardon » compte le prouver en exerçant leur droit de manifester, un an après les faits.
Annabelle Perrin