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Aurélien Bernier: L’Europe écolo n’aura pas lieu

Europe

Lien publiée le 21 mai 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.marianne.net/debattons/billets/l-europe-ecolo-n-aura-pas-lieu

L'essayiste Aurélien Bernier, proche de la gauche radicale, explique pourquoi l'Union européenne est dans son fonctionnement anti-écologique.

Malgré l'essor du charbon et des métaux, les consommations de bois au XIXe siècle en Europe restaient très importantes : le bois était utilisé pour la construction des bâtiments, des wagons de chemins de fer, pour les traverses des voies ferrées, pour les réseaux de communication et d'électricité…

Les environnementalistes de l'époque s'inquiétaient des risques que faisait peser l'industrialisation sur les forêts européennes. Pour eux, l'arbre devait être préservé sur le continent. Mais cette époque était aussi celle des grands empires coloniaux, et une solution fut vite trouvée : les forêts des colonies, elles, pouvaient être surexploitées. Et elles le furent sans le moindre scrupule.

LE LIBRE-ÉCHANGE : COÛTEUX ÉCOLOGIQUEMENT

Nous sommes au XXIe siècle, la colonisation par occupation territoriale n'existe quasiment plus, mais la logique de délocalisation des impacts environnementaux reste la même qu'au XIXe siècle. Grâce à la libre-circulation des marchandises et des capitaux (le libre-échange), les productions polluantes peuvent s'effectuer à l'autre bout de la planète pour être consommées dans les pays occidentaux sans subir de restriction quantitative ou de droit de douane. Depuis les années 1970, la désindustrialisation touche l'Europe alors que sa consommation ne cesse d'augmenter.

Ce phénomène s'explique par le transfert de pans entiers de l'industrie dans les pays à bas coûts de main d’œuvre : sidérurgie, chimie, textile, électronique, ameublement… Or, ces pays à bas coût de main d’œuvre sont aussi ceux qui disposent des réglementations environnementales les plus permissives. Et c'est aussi, avec les faibles salaires et la soumission du salariat, ce qui intéresse les grandes entreprises. Dans ces conditions, il ne faut pas manquer de souffle pour reprocher à la Chine d'être le premier pays émetteur de gaz à effet de serre alors que nous consommons, nous occidentaux, une bonne partie de sa production.

C'est bien à un alignement vers le bas des pratiques environnementales réelles que nous assistons.

Mais le libre-échange a un autre effet sur l'environnement, peut-être pire encore, à long terme, que l'importation d'une pollution cachée. En mettant en concurrence toutes les productions nationales, quelles qu'en soient les conditions sociales et environnementales, elle donne au patronat européen un puissant moyen de chantage. Dans ce système commercial "ouvert", toute contrainte environnementale un peu sérieuse en Europe pénaliserait son industrie. Il ne faut pas chercher plus loin les raisons du laxisme écologique dont font preuve les États membres et l'Union européenne face aux multinationales, un laxisme qui se traduit soit par des normes peu contraignantes, soit par le non-respect des normes contraignantes. C'est bien à un alignement vers le bas des pratiques environnementales réelles que nous assistons.

L'UE POUSSE À LA POLLUTION

L'Union européenne peut bien édicter quelques réglementations "écologiques" (sur la qualité de l'eau, le recyclage, la chasse…) ou simuler une conversion soudaine à la transition énergétique, elle ne fait pas illusion. D'une part, imposer aux États des contraintes, par exemple en termes de qualité de l'eau, est le comble de l'hypocrisie puisque les politiques générales de l'Union européenne poussent à la pollution et à la surexploitation de l'environnement.

La Politique agricole commune est productiviste, Bruxelles se couche devant les lobbies de l'agrochimie dès qu'il est question de pesticides ou d'émissions de gaz à effet de serre et les politiques d'austérité empêchent de dégager des ressources pour réellement protéger l'environnement. D'autre part, le véritable désastre écologique provoqué par l'Union européenne est peu visible car importé. 

Il arrive par bateaux dans les grands ports de commerce européens : 14,5 millions de containers par an dans le port de Rotterdam, 11 millions dans le port d'Anvers, 8,7 millions dans le port de Hambourg. 112 millions de conteneurs entrent ou sortent chaque année du territoire de l'Union européenne. Sans oublier le transport en vrac de produits chimiques, alimentaires, de combustibles fossiles… Au total, près de 4 milliards de tonnes par an chargées et déchargées dans les ports européens. Et les experts du transport maritime prévoient une hausse du tonnage traité de 50 % à l'horizon 2030 !

L'Union européenne est anti-écologique non pas par un excès de libéralisme que l'on pourrait corriger mais par nature, par ses traités fondateurs.

Le libre-échange et la concurrence sont depuis le départ au cœur de la construction européenne. Ils sont les valeurs suprêmes de l'Union européenne, et avant elle de la Communauté économique européenne, inscrites dans les traités et déclinés dans les directives et les règlements. Bruxelles organise le libre-échange et la concurrence au sein du marché unique, mais également à l'extérieur : traité transatlantique, accords de libre-échange avec le Canada, le Japon, les pays du Sud...

Dans le débat électoral de 2019, mises à part les rares forces politiques qui défendent le "Frexit", tout le monde veut "changer l'Europe", pour des raisons différentes. A gauche et chez les écologistes, on souhaite notamment une Europe "verte". On rivalise de propositions purement théoriques, à traités constants ou en rêvant de traités neufs, pour protéger l'environnement. Mais le libre-échange et la concurrence sont l'ADN de l'Union européenne, la base intouchable, irréformable, à partir de laquelle tout se décline. L'Union européenne est anti-écologique non pas par un excès de libéralisme que l'on pourrait corriger mais par nature, par ses traités fondateurs. Des traités qui, rappelons-le, nécessitent un accord à l'unanimité des États membres pour être révisés.

En 2009, François Denord et Antoine Schwartz publiaient un très bon livre intitulé L'Europe sociale n'aura pas lieu. Il lui faudrait un deuxième tome, car, c'est une certitude, l'Europe écolo n'aura pas lieu non plus.