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USA. Le vainqueur du débat du 27 juin n’était même pas sur la scène
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Par Luke Savage
Il y avait dix candidats sur scène hier soir (jeudi 27 juin) au débat démocrate à Miami. Bernie Sanders n’était pas l’un d’entre eux, mais sa campagne et son programme politique ont quand même largement influencé le débat.
En 2016, la candidate démocrate à la présidence du Parti démocrate (Hillary Clinton) a ouvertement dédaigné les soins de santé universels, qualifiant l’assurance-maladie pour tous de «théorique» et «qui ne se réalisera jamais». Apparemment sans honte de ses alliances visibles et de longue date avec les entreprises américaines, la campagne d’Hillary Clinton s’est arrêtée bien avant d’obtenir un soutien total en faveur de politiques progressistes comme un salaire minimum de 15 dollars l’heure et s’est vantée fièrement des appuis bipartisans des élus républicains.
Il n’était même pas sur scène [au sens qu’il n’imposait pas sa présence], mais si l’on en croit le débat d’hier soir, celui qui avait obtenu la deuxième place dans les primaires pour l’investiture démocrate en 2016 a façonné avec succès la discussion du Parti démocrate avant 2020. A quelques exceptions près, la majorité des dix candidats sur la scène, composée pour la plupart d’hommes politiques démocrates conventionnels, sautaient pratiquement les uns sur les autres pour s’engager à respecter les principaux aspects de l’agenda de Bernie Sanders et à des moments cruciaux faisant écho à ses propositions et à des éléments de son discours sur la politique américaine en général.
Le maire de New York, Bill de Blasio, qui a déjà été directeur de campagne pour Hillary Clinton, pense qu’il est temps que le Parti démocrate soit reconquis par les travailleurs, assurant devant l’audience qu’«il y a beaucoup de richesse[en Amérique], mais c’est entre de mauvaises mains». Tim Ryan [député du 17e district de l’Ohio, en fonction depuis janvier 2003], quant à lui, veut un «parti de la classe laborieuse».
Cory Booker [sénateur pour le New Jersey], qui s’est joint il y a à peine deux ans à la plupart des membres du caucus républicain pour aider à faire échouer un effort visant à réduire le prix des médicaments sur ordonnance, est maintenant un ami des syndicats et il pense qu’il est grand temps que les démocrates sévissent contre les grandes sociétés pharmaceutiques. Beto O’Rourke [élu à la Chambre des représentants pour le Texas], un homme qui «déteste les étiquettes» et qui s’engage avec acharnement dans le flou idéologique et les pires platitudes, veut diriger un «mouvement» d’étudiants et de militants écologistes.
Malgré de nombreuses discussions récentes sur la question de l’assurance-maladie pour tous, six des dix candidats ont finalement exprimé leur appui à ce projet. L’urgence morale de garantir les droits civils et ceux mis en cause par la menace existentielle du changement climatique, tous deux longtemps imposés avec succès par Sanders, a également fait son apparition. Elizabeth Warren, qui est l’unique parmi ses collègues qui a fait ses preuves en matière de lutte contre l’inégalité et le pouvoir des entreprises, semblait la plus à l’aise de toutes [lors du premier débat].
Le mimodrame progressiste était parfois si véhément que les quelques candidats qui refusaient d’y participer semblaient encore moins sûrs d’eux que ce à quoi on aurait pu s’attendre. Entre le bavardage hésitant de John Delaney [élu à la Chambre des représentants pour le Maryland] sur la recherche de «vraies solutions» et le discours réaliste routinier en chef d’Amy Klobuchar [sénatrice du Minnesota], il est vite devenu évident que ni l’un ni l’autre n’avaient pris le pouls de la situation.
Joe Biden, bien sûr, n’était pas présent non plus. Mais son avance dans les sondages semble n’avoir eu que peu ou pas d’influence sur la teneur de la soirée.
Sanders n’est pas la seule figure ou force motrice de l’agenda politique américain. L’inclination et le ton général du débat d’hier soir (jeudi 27) seraient cependant difficiles à comprendre dans un monde sans lui. Personne ne devrait penser une seule seconde que les démocrates du courant dominant ont véritablement embrassé les valeurs et l’agenda de la gauche socialiste. Mais le gagnant du débat d’hier soir n’était même pas sur la scène!
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Les mythes ayant trait à tester les moyens pour des revendications centrales sont encore vivants chez les démocrates
Par Luke Savage
Lors du débat d’hier soir [le 27 juin 2019] à Miami, plusieurs candidats démocrates ont continué de colporter de la désinformation à propos de la gratuité pour les études universitaires et du Medicare for All.
Le forum d’hier soir à Miami, le deuxième des deux débats de cette semaine, était sans doute encore plus chaotique que le premier. Alors que les dix candidats se sont lancés à une vitesse vertigineuse dans des domaines aussi variés que les soins de santé, la politique étrangère, l’environnement et les droits civiques, de nombreux téléspectateurs ont probablement trouvé plus difficile d’analyser le contenu de cette rhétorique.
Néanmoins, au milieu des interventions dans ce débat surchargé de participants – qui comprenait tout, de Joe Biden qui baratinait concernant ses associations passées avec les ségrégationnistes [suite à une intervention très directe sur ce thème de la part Kamala Harris, sénatrice de Californie] jusqu’à Marianne Williamson qui soliloquait sur la lune – quelques différences idéologiques concrètes ont été rendues visibles.
Parmi elles, les questions clés de la gratuité de l’enseignement supérieur et de l’assurance-maladie pour tous – toutes deux défendues notamment par Bernie Sanders depuis sa présentation aux primaires pour l’élection présidentielle de 2016 et qui seront certainement importantes en 2020 – sont traitées par de nombreux démocrates de manière délibérément imprécise. Pire encore, malgré un changement rhétorique généralisé dans l’ensemble du parti, certains candidats continuent de diffuser les mêmes inexactitudes lorsqu’il s’agit de programmes universels que les dirigeants d’entreprises «centristes» vendent depuis des décennies.
A cet égard, le pire intervenant de la soirée était sans doute le maire de South Bend, Pete Buttigieg, qui a répété l’idée (précédemment exprimée par Hillary Clinton) que l’enseignement gratuit dans les universités publiques équivaut à une subvention pour les enfants de milliardaires («Je ne pense pas qu’il soit logique de demander aux familles de la classe ouvrière d’accorder une subvention même aux enfants des milliardaires»). D’une part, il est peu probable qu’une famille riche typique ait recours au système des universités publiques; elle inscrit ses enfants dans des instituts privés pour les élites. Mais, d’autre part, à partir d’un système d’imposition progressif – en particulier dans lequel les riches paient beaucoup plus qu’aujourd’hui – le coût des programmes sociaux n’est pas partagé également, de sorte que les familles de classe moyenne et de travailleurs ne subventionneraient guère les riches. Au contraire: les riches paieraient pour tout le monde.
L’argument fallacieux de Buttigieg au sujet de la gratuité de l’université relève d’une tendance économiquement libérale de longue date en faveur de l’examen des ressources [pour assurer des aides], qui remonte au moins à l’ère Clinton. Alors que certains politiciens démocrates penchent maintenant à gauche sur de nombreuses questions dans leurs discours, les propos malhonnêtes dirigés contre les programmes universels devraient empêcher les applaudissements de tout un chacun.
On peut dire à peu près la même chose des éléments du débat au sujet de l’assurance-maladie pour tous, un débat politique qui fait en sorte que de nombreux candidats tergiversent sur leur position réelle et parlent avec un respect absurde de l’assurance privée axée sur le marché. Au premier rang des inexactitudes véhiculées par les démocrates centristes figure toujours l’idée que la création d’un système public universel équivaudrait à une élimination forcée sans précédent des plans privés existants pour une partie de la population. John Hickenlooper [gouverneur du Colorado], par exemple, à un moment donné, a déclaré avec insistance: «Vous ne pouvez pas vous attendre à éliminer l’assurance privée pour 180 millions de personnes, dont beaucoup ne veulent pas y renoncer.»
Si l’on met de côté les mérites évidents d’un système universel dont tout le monde jouit, quelle que soit sa richesse, cette critique de l’assurance-maladie pour tous ne résiste même pas à l’examen le plus fondamental.
Ce soir ne faisait pas exception, sur ces questions et sur d’autres, de nombreux démocrates continuent de préférer le vague langage de l’équité et de l’accessibilité à celui de l’universalisme et de l’égalité. Les électeurs participant aux primaires du parti devraient se contenter de rien de moins que ce dernier principe – et condamner le premier à remplir les poubelles des années 1990, comme il se doit. (Articles parus sur le site de Jacobin, le 28 juin 2019; traduction A l’Encontre)
Luke Savage est membre du conseil de rédaction de Jacobin.