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Exploitation et lutte des classes dans l’Antiquité
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Découvrir l’œuvre de l’historien marxiste G.E.M. de Ste. Croix
L’historiographie de l’Antiquité, particulièrement en France, est dominée par des courants positivistes bourgeois, voire profondément réactionnaires. Si l’on connaît la révolte servile de Spartacus de 73 av. J.-C., ou encore l’épisode des Gracques au cours du IIe siècle av. J.-C., en revanche, qui connaît la guerre civile de Corcyre de 427 av. J.-C. – qui vit l’extermination quasi-complète de l’aristocratie qui régnait sur l’île –, les révoltes d’esclaves des mines du Laurion de 413 av. J.-C., au sud d’Athènes, ou encore la première guerre servile de 140 av. J.-C. en Sicile ?
L’existence d’une lutte des classes intense dès la plus haute antiquité est le plus souvent niée, au profit d’explications privilégiant les « grandes invasions » (version policée de la « lutte des races » ou du « choc des civilisations »). Ainsi, pour expliquer l’effondrement brutal de la civilisation mycénienne vers 1200 av. J.-C., l’historiographie bourgeoise avance le plus souvent comme explication des invasions extérieures, alors que les faits archéologiques (notamment le fait que les palais aient été systématiquement détruits et incendiés) amèneraient plutôt à privilégier l’hypothèse d’une insurrection populaire contre les couches dirigeantes de la société.
Dans ses écrits, Marx a toujours rappelé cette importance de la lutte des classes dans les sociétés antiques. Malheureusement, peu d’historiens marxistes se sont attachés à étudier cette période. La publication du livre de Nikos Foufas, Marx et la Grèce antique[1], est l’occasion de revenir sur le rapport qu’entretenait Marx avec l’Antiquité, et surtout de faire découvrir au lecteur francophone l’œuvre d’un des seuls historiens marxistes qui se soient penchés sur l’Antiquité, Geoffrey Ernest Maurice de Ste. Croix.
Cet historien, dont l’œuvre n’est malheureusement pas traduite en français, a en effet apporté une contribution majeure à la lecture marxiste de l’Antiquité avec son ouvrage monumental, The Class Struggle in the Ancient Greek World[2]. Malgré un titre trompeur, cet ouvrage couvre un champ énorme de l’histoire antique, depuis l’époque archaïque (VIIIe siècle av. J.-C.) jusqu’aux conquêtes arabes (VIe et VIIe siècles).
Le rôle du travail non-libre
G.E.M. de Ste. Croix s’attache à montrer cette caractéristique fondamentale des sociétés antiques selon Marx : la direkte Zwangsarbeit, « travail direct obligatoire ». Le monde grec et romain était une société qui dépendait du travail non-libre. Si la majeure partie de la production effective n’était pas produite par des esclaves – la plupart de ces sociétés reposaient avant tout sur l’agriculture, exercée par des petits paysans libres –, en revanche, c’est à partir du travail non-libre que les classes possédantes obtenaient le plus gros de leur surplus régulier, ce surplus qui leur permettait de vivre quasiment sans travailler. Par travail non-libre, Ste. Croix entend non seulement le travail des esclaves, mais également celui des hilotes spartiates (population asservie dont le statut s’apparente à celui des serfs du Moyen-Age), celui fourni par les familles réduites en servitude pour dettes (l’une des questions fondamentales des luttes sociales menant à l’avènement de la démocratie sera d’ailleurs la lutte contre la servitude pour dettes), et enfin les serfs-paysans, obligés de travailler sur les terres de grands propriétaires fonciers.
En attendant une traduction en français[3] que l’on espère prochaine de The Class Struggle in the Ancient Greek World, le petit ouvrage de Nikos Foufas constitue une première introduction à la lecture de cet historien marxiste méconnu.
Aurélien Perenna
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[1] FOUFAS, Nikos. Marx et la Grèce Antique. La lutte des classes dans l’Antiquité. Paris : L’Harmattan, 2016, 126 pages. Prix : 14 €.
[2] DE STE. CROIX, G.E.M. The Class Struggle in the Ancient Greek World: From the Archaic Age to the Arab Conquests. Londres : Duckworth, éd. 2013 (1981), 746 pages.
[3] Une traduction française d’un texte de G.E.M. de Ste-Croix résumant ses analyses peut être consultée à cette adresse : http://revueperiode.net/classe-et-lutte-de-classes-dans-lantiquite/