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Etat espagnol. «Changer d’orientation. Ne pas répéter les erreurs. Construire l’alternative»
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Déclaration de Anticapitalistas suite à l’échec de l’investiture de Sanchez
L’investiture de Pedro Sánchez a échoué et avec elle la tactique de Podemos, qui a raconté des histoires à toute sa base sur le fait qu’entrer au gouvernement impliquait supposément d’être garant de politiques sociales. Le PSOE a tenté un double jeu: contenir la droite en se présentant comme un stabilisateur d’une gouvernabilité «raisonnable» pour les intérêts du capital et du régime de 1978. Dans le même temps, il a tenté de tromper, de subordonner et d’effacer sa gauche, en l’intégrant dans un projet étranger aux intérêts de la majorité sociale. Sánchez a obtenu son diplôme d’arnaqueur parlementaire. Unidas Podemos a commis des erreurs très importantes dans sa tentative d’entrer au gouvernement par la porte de service: tous les renoncements faits n’ont pas suffi face à l’avidité sociale libérale [voir sur le processus l’article de Jaime Pastor publié sur ce site le 29 juillet].
Face à la force manifestée par les trois droites [Parti populaire, Ciudadanos et Vox] agressives et menaçantes dans leur ensemble par rapport à ce qui était censé être des conquêtes sociales et culturelles consolidées, et en l’absence d’avancées du mouvement populaire dans les rues et dans les urnes, une partie importante du «peuple de gauche» croyait, de manière compréhensible, voir dans un gouvernement de coalition PSOE-Unidas Podemos la solution à ses craintes. Mais cela n’a pas été le cas, et cela ne pouvait pas l’être. Par conséquent, après le triste spectacle parlementaire et l’échec tactique, il convient de réfléchir et de tirer les leçons de ce qui s’est passé afin de ne pas susciter à nouveau de fausses illusions (et tomber dans des pièges) dans les prochaines étapes imminentes.
Le discours du gouvernement de coalition a ignoré trois questions qui doivent être reprises. Tout d’abord, établir les revendications essentielles en ce moment pour défendre les intérêts de la majorité sociale. Ensuite, avoir une compréhension claire de la nature du Parti socialiste (PSOE) et, par conséquent, de ce que l’on peut en attendre alors que n’existent pas de fortes pressions et des exigences de la gauche. Et, enfin, évaluer le rapport de forces aux plans électoral et social entre le PSOE et la gauche afin d’éviter la subordination de cette dernière.
Les objectifs de la gauche à l’heure actuelle sont au nombre trois: 1° empêcher la droite de gouverner – une question qui ne peut être écartée à l’horizon de la convocation d’élections, non souhaitable, en automne, face à laquelle le PSOE manifeste un excès de confiance irresponsable; 2° obtenir des améliorations immédiates pour la population laborieuse et les secteurs populaires; et 3° définir un horizon écosocialiste et féministe dans lequel inscrire chaque étape tactique, autrement dit offrir un projet pour une société juste, démocratique, égalitaire et durable. Tout cela exige une stratégie qui ne peut que faire défaut à une simple tactique gouvernementale.
Pour ce qui a trait aux revendications immédiates, auxquelles on ne peut renoncer parce qu’elles sont essentielles pour inverser la situation de prostration populaire et les rapports de forces existants (en termes sociaux, économiques et politiques), 20 mesures d’urgence démocratiques, sociales et environnementales doivent être mises en relief:
- Mobiliser les ressources économiques nécessaires et mettre en place le cadre juridique et culturel approprié pour lutter contre la violence machiste à l’intérieur et à l’extérieur du couple ou celle de l’ex-partenaire.
- 2Promotion immédiate de mesures unilatérales sans attendre les accords internationaux visant à prévenir les émissions de gaz à effet de serre dans l’industrie, les transports, l’agriculture et les services.
- Mettre fin à la politique répressive face aux aspirations démocratiques du peuple catalan.
- Permettre le référendum contraignant exigé par la majorité de la société catalane.
- Abroger la loi bâillon [«Ley mordaza», entrée en vigueur en 2015, qui fait d’expressions, d’informations et de manifestations des délits] qui constitue un risque sérieux pour nos libertés et mettre fin à tous les dispositifs qui portent atteinte aux droits des migrant·e·s, comme les Centres de détention pour étrangers.
- Eradiquer le franquisme des institutions et juger ses crimes et ses criminels.
- Abroger les deux réformes du travail qui portent atteinte aux droits sociaux et syndicaux.
- Renforcer l’éducation et la scolarisation de la population et mettre un terme au financement de l’«éducation concertée» [financement public d’une entité scolaire gérée de manière privée].
- Accroître les dépenses et les investissements dans l’enseignement universitaire public.
- Donner la priorité à l’appui à la recherche.
- Protéger les retraites et égaliser les pensions contributives [sur base de cotisations] et non contributives [qui concernent des citoyens ayant une retraite inférieure à quelque 5000 euros par année, ou ayant un temps de cotisations limité, ou souffrant d’un taux d’invalidité supérieur à 65%].
- Augmentation immédiate du SMI [salaire minimum interprofessionnel, de 1050 euros en janvier 2019].
- Veiller à ce que personne ne perçoive une pension, une allocation de chômage ou un salaire inférieur à 1200 euros.
- Augmenter les salaires des fonctionnaires afin qu’ils récupèrent le niveau de revenu perdu à la suite des mesures d’austérité et promouvoir des marchés publics massifs pour assurer les services publics.
- Mettre fin à la précarité et au modèle contractuel qui la favorise.
- Adopter les mesures nécessaires pour assurer l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et éviter les pièges à une égalité réelle par le biais d’une législation visant à détecter et à sanctionner la fraude dans la définition des catégories contractuelles, ainsi que des mécanismes d’attribution des fonctions et des promotions.
- Etablir une voie d’augmentation salariale générale résultant de la combinaison de l’action parlementaire et syndicale.
- Réglementer le montant des loyers et approuver les propositions de la PAH [Plateforme des victimes du crédit hypothécaire].
- Interdire les licenciements dans les entreprises dégageant des bénéfices.
- Modifier l’article 135 de la Constitution [qui fait du remboursement de la dette une priorité, adopté en 2011] pour donner la priorité aux dépenses sociales et aux investissements publics.
Toutes ces questions sont raisonnables, réalisables et nécessaires, ce qui implique de doter le gouvernement de moyens financiers par le biais d’une réforme fiscale progressive qui impose les revenus élevés et les patrimoines, ainsi que les bénéfices des grandes entreprises et des banques, tout en ignorant l’imposition par Bruxelles du taux de déficit budgétaire.
Avec arrogance, les dirigeants du PSOE ont fait chanter la gauche et promis à l’électorat ce qu’ils n’ont pas réussi à faire. Ni en septembre, ni par la suite, s’il y a une nouvelle convocation d’élections, la gauche ne devrait répéter l’ancienne tactique qui a échoué et qui était déterminée par la volonté de former un gouvernement à tout prix avec le Parti socialiste.
Entrer dans un gouvernement dirigé par le PSOE, c’est se lier les mains et les pieds à un parti qui a montré que ce qu’il fait vraiment, c’est décaféiner le désir de changement populaire. Le PSOE est aujourd’hui l’un des garants du régime politique monarchique de 1978 et des traités antisociaux de l’Union européenne, deux aspects qui déterminent l’orientation stratégique de son action gouvernementale. La gauche a besoin d’indépendance politique pour tracer sa propre voie avec la capacité de conditionner l’action gouvernementale et de promouvoir sa propre alternative pour l’avenir. Continuer d’insister sur une tactique qui a échoué, continuer de penser à un accord sur la formation d’un gouvernement par le biais de la répartition des ministères, impliquerait de s’engager à nouveau dans une stratégie qui a échoué et qui est nuisible pour la majorité sociale et, bien sûr, pour l’avenir de la gauche politique elle-même.
Si le PSOE veut gouverner en minorité avec l’autorisation temporaire de la gauche, sans que cette dernière soit compromise et réduite au silence par l’imposition de rester dans un gouvernement qui n’est pas le sien, il doit gagner les voix des forces transformatrices en respectant leurs exigences. C’est pourquoi notre position [en tant que courant d’Unidas Podemos] a été et est de négocier depuis une position de gauche un accord programmatique d’investiture tel que nous le proposons et qui est fondé sur les revendications présentées ci-dessus, cela en échange de permettre un gouvernement de Sanchez et de faire de l’opposition, en conditionnant avec les votes l’action législative et gouvernementale, en organisant et mobilisant la société et en faisant surgir patiemment l’alternative à une hégémonie sociale libérale. (Déclaration publiée par Anticapitalistas, le 27 juillet 2019; traduction rédaction A l’Encontre. Cette déclaration a suscité déjà un débat dans la presse nationale et les divers médias)