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    Quelle austérité pour l’après-covid ?

    économie

    Lien publiée le 11 juillet 2021

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Quelle austérité pour l’après-covid ? (cadtm.org)

    Dans la conjoncture actuelle, il ne semble plus être question – pour un temps du moins – de prendre prétexte d’une dette publique jugée excessive pour justifier des plans d’austérité drastiques. L’illusion d’avoir échappé à une logique en forme de cercle vicieux (dette-austérité) est renforcée par la mise entre parenthèses des exigences budgétaires strictes, fondement de l’union monétaire. La crise sanitaire permet ainsi une augmentation du ratio d’endettement public par rapport au PIB alors que les récessions que traversent les économies des pays ne font qu’accroitre le poids des dettes souveraines sur les budgets publics [1].

    Les conséquences économiques, sociales et politiques du nouvel endettement massif des pays de l’UE ne semblent pas être envisagées ; il s’agit avant tout de trouver de l’argent rapidement. Il aurait pu être question d’annuler les dettes contractées antérieurement, ou d’appliquer un moratoire sur leur remboursement le temps de la crise sanitaire et économique, mieux, le temps d’un audit populaire qui aurait défini leur part illégitime [2]. Cette approche aurait eu le mérite d’intégrer dans la stratégie de relance une réflexion à plus long terme sur la période de remboursement des dettes souveraines. C’est au contraire l’endettement à tout prix qui a été choisi, malgré les conséquences prévisibles sur les populations, car aucune leçon ne semble avoir été tirée de l’histoire récente de la crise de 2008.

    Il ne faudrait pourtant pas oublier les coupes budgétaires, les plans d’austérité, ou encore les prétendus efforts collectifs nécessaires dans les secteurs encore partiellement publics qui ont marqué la dernière décennie et qui ont été mis en œuvre dans le but de rembourser des dettes souveraines insoutenables. Pour ne prendre qu’un exemple, malgré le besoin criant de moyens et les promesses de soutien, le secteur de la santé reste à ce jour largement sous-financé à cause d’années de pratiques austéritaires.

    L’urgence est la principale justification à la masse de dette contractée depuis quelques mois, mais les échéances de remboursement s’étalent dans un temps long. Or, à la difficulté d’honorer une promesse de remboursement s’ajoute l’impossibilité de prévoir les effets de la crise sur les économies et donc la capacité de remboursement des pays débiteurs. Cela veut dire trois choses : les gouvernements des pays débiteurs seront soumis aux exigences de leurs créanciers pendant de longues années, incapables de répondre directement aux peuples qui les auront élus ; les budgets publics vont diminuer alors que les privatisations de biens et de services publics augmenteront ; les droits fondamentaux des habitants ne seront pas garantis par les pouvoirs publics sous prétexte d’un « effort commun nécessaire ».

    Jamais dans l’histoire du capitalisme l’augmentation des dettes souveraines n’a été bénéfique aux populations. L’augmentation des créances liées à cette nouvelle crise sanitaire et économique ne devrait pas échapper à la règle. Preuve en est l’euphorie sur les marchés obligataires et les taux d’intérêts historiquement bas. La dette est avant tout un outil de transfert de richesses des pauvres vers les riches, des contribuables vers « les propriétaires des titres de capital ». [3]

    Les conséquences des choix adoptées face à la crise économique en cours sont donc pour le moins inquiétantes. Après 2008, les États se sont endettés pour sauver un système bancaire au bord de la faillite. La BCE et la Commission européenne ont joué un rôle crucial dans l’imposition de politiques d’austérité, faisant perdre tout espoir de souveraineté populaire, délégitimant tout gouvernement qui s’y opposerait [4]. Les négociations n’étaient envisageables qu’à partir du moment où les accords étaient tenus, c’est-à-dire qu’elles ne l’étaient pas [5]. Le cas de la crise de la dette grecque est le plus parlant, mais il n’est pas le seul. Les créanciers ont imposé des politiques d’austérité au pays en échange de tranches d’aides, qui permettaient en fait le remboursement des créanciers. En d’autres termes, la démocratie a été sacrifiée au nom du remboursement des dettes publiques.

    Dans le combat inégal entre créanciers et débiteurs, les perdants sont toujours ceux qui remboursent. Entre 2010 et 2020, dans plusieurs pays européens [6], les revenus ont chuté et les retraites ont diminué. Les financements pour la santé et l’éducation ont également connu une forte baisse. De plus, une part conséquente du parc de logements a été vendue à des fonds d’investissement, faisant ainsi augmenter les prix et aggravant la crise du logement. Les privatisations de biens et de services publics ont généré des hausses de prix bien plus rapides que la hausse moyenne des revenus. Enfin, la protection de l’environnement a été bradée au nom de la « relance » économique.

    Pas plus que ceux d’hier, les créanciers d’aujourd’hui n’ont à s’inquiéter. La crise bancaire précédente et ce qui en a découlé a montré aux spéculateurs qu’ils bénéficiaient du soutien des États, volontaire ou non : si l’un d’entre eux tentait de renégocier, les créanciers bilatéraux et multilatéraux feraient bloc pour le contraindre à rembourser assurant ainsi la sauvegarde des intérêts des capitaux financiers, aux dépens de ceux des populations. Il est dès lors légitime de se demander quelle sera l’austérité imposée suite à l’endettement colossal lié à la crise du coronavirus ou encore quels biens publics devront être vendus.

    Cet article a initialement été publié le 25 novembre 2020 dans Le1 Hebdo : https://le1hebdo.fr/journal/d-o-viennent-les-milliards/324/article/quelle-austrit-pour-l-aprs-covid-4191.html

    Notes

    [1] À titre d’exemple, la dette française atteint aujourd’hui un ratio d’endettement public proche de 120 % par rapport au PIB qui est presque aussi haut que celui de la Grèce en 2009 qui était de 113% ou de 127% après une révision contestée des statistiques : https://www.cadtm.org/Evolution-de-la-dette-publique

    [2https://www.cadtm.org/Covid-19-et-dette-publique-Comment-eviter-que-le-scenario-de-2008-ne-se

    [3] Maurizio Lazzarato, Le Vol du Temps, Le Monde Diplomatique - Manière de voir - Faut-il payer la dette ?, n°173, octobre / novembre 2020.

    [4] Ce phénomène a contribué à nourrir l’exaspération politique sur laquelle se construit la propagande des partis autoritaires. L’exemple de la montée du parti Aube Dorée en 2012 est tout à fait parlant.

    [5] Sur l’échec des négociations du gouvernement grec avec la Troïka : http://www.cadtm.org/Capitulation-entre-adultes-Grece-2015-une-alternative-etait-possible

    [6] La Grèce, Chypre, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande ont été particulièrement touchés par l’austérité. À peu près tous les pays de l’UE ont appliqués des mesures d’austérité.