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Mark Alizart, Le coup d’État climatique
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://dissidences.hypotheses.org/14635
Un compte rendu de Jean-Guillaume Lanuque
Philosophe, Mark Alizart propose avec ce court essai, construit à partir de deux conférences, un texte coup de poing, destiné à éveiller les consciences de la gauche et de tous ceux que la crise climatique pousse à l’action. L’entame de son texte est aussi ce qui peut assurément faire le plus polémique.
Il considère en effet que la crise climatique, la destruction des écosystèmes sont non seulement tolérés par les dirigeants, mais sciemment voulus et provoqués, ce afin de dégager de nouvelles sources de profit et de légitimer le renforcement autoritaire du pouvoir ; les migrations ainsi générées permettraient de la sorte de justifier un contrôle accru des populations (c’est ce qui explique également le bandeau de couverture, dressant un parallèle entre incendie du Reichstag et incendie de l’Amazonie). On n’est pas loin ici de certaines théories du complot1, une telle hypothèse faisant en outre fi des divisions existantes au sein des classes dirigeantes. Mark Alizart recentre d’ailleurs par la suite son propos en ciblant plus spécifiquement les dirigeants Trump ou Poutine, qualifiés de représentants d’un nouveau genre de fascisme, le carbofascisme (le terme a été conçu par Jean-Baptiste Fressoz). Il en profite pour écorner l’écologie politique, bien trop pacifique, à ses yeux, insistant sur la nécessité du combat.
A partir de là, il invoque largement le Trotsky de Comment vaincre le fascisme ?, réactualisant ses leçons pour les luttes contemporaines. Il en retient trois. D’abord, constituer un front unique entre prolétariat et classe moyenne permettant de lutter contre le « néo-fascisme » de la bourgeoisie qui s’est associée au lumpenprolétariat afin de maintenir et conforter le « pouvoir blanc » (on saisit la porosité de ce type discutable d’analyse avec une certaine tendance décocoloniale). Ensuite, s’appuyer sur la technologie pour emporter la lutte. Les analyses d’Alizart recoupent là celles du mouvement accélérationniste, puisqu’il estime que le seul objectif qui vaille dans la lutte contre la crise climatique, à savoir la dépollution à grande échelle, ne peut être réalisé que par l’utilisation d’une géo-ingénierie verte. Il réhabilite, ce faisant, le prométhéisme du mouvement ouvrier, et le besoin de dominer une nature qui ne soit pas idéalisée, ce qui ne manque pas d’audace par les temps qui courent. Enfin, le dernier point essentiel concerne selon lui la nécessité de redonner de l’espoir, d’ouvrir des possibles attractifs, en lieu et place d’un effondrement volontiers nihiliste.
Tous ces éléments s’avèrent toutefois régulièrement disparates, l’éloge du militantisme d’Act Up côtoyant l’appel à la constitution d’une « armée verte », sur le modèle de l’Armée rouge de Trotsky, appelée – et c’est malheureusement le seul exemple donné par l’auteur – à contrôler le bon usage des océans, contre la surpêche ou les dégazages sauvages… De même, sa réactualisation du marxisme s’accompagne d’attentes surprenantes dans les résultats de l’élection présidentielle étatsunienne de 2020 – l’élection de Joe Biden le satisfait-il ? – ou dans l’arrivée au pouvoir des Verts allemands… Baroque, cet essai qui vise à affrir une perspective d’espoir, ressemble donc fort à une « auberge espagnole », aux vélléités souvent provocatrices et au confusionnisme hélas trop actuel.. .
1Des « arguments » complotistes similaires ont fait surface à propos de la pandémie de Covid-19 : « on » aurait laissé le champ libre à ce virus afin d’éliminer le plus de populations pauvres possibles ! Voir par exemple l’intervention ahurissante de la sociologue Monique Pinçon-Charlot dans le documentaire Hold-up (2020).