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En Ouganda, feu vert de l’Etat français à Total pour détruire la nature et les vies humaines
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les associations Les Amis de la Terre, Survie et l’Observatoire des Multinationales ont publié un rapport dans lequel elles démontrent largement le soutien de l’Etat français à un projet d’exploitation pétrolière de Total en Ouganda. Et cela en dépit du fait que celui-ci est en train de porter grand préjudice aux populations locales et de mettre en danger la biodiversité locale ainsi que l’environnement. Encore un exemple du rôle néfaste de la multinationale et de ses relations charnelles avec l’Etat impérialiste français.
Crédit photo : Amis de la Terre
C’est un scandale écologique, politique et social qui est en train d’avoir lieu sous nos yeux. Enfin, il a lieu à plusieurs milliers de kilomètres de la France. Plus précisément en Ouganda. La multinationale française TotalEnergies, aux côtés de partenaires locaux et du groupe chinois CNOOC (China National Offshore Oil Corporation), est en train de mettre en place un projet pétrolier pharaonique et très dangereux en Ouganda et Tanzanie. Il s’agit de l’extraction de pétrole dans la région du lac Albert, près de la frontière avec la République Démocratique du Congo, et du parc national Murchison Falls. A ce projet s’en ajoute un autre : la construction de l’oléoduc EACOP (East Africa Crude Oil Pipeline). Celui-ci est un oléoduc transportant le brut depuis le lac Albert jusqu’aux côtes tanzaniennes, près de 1500 kilomètres de pipeline chauffés en permanence à 50° pour fluidifier le pétrole et faciliter son transport.
Ce projet est clairement un non-sens du point de vue de la protection de l’environnement et de la vie des populations locales. De nombreuses espèces végétales et animales mais aussi des millions d’êtres humains seront directement et indirectement affectés par le projet lui-même. Et cela pourrait être encore plus catastrophique en cas d’accident (explosions, marée noire…). C’est pour cela qu’il existe beaucoup de réticences et de résistances de la part des habitants des zones affectées par les projets et des associations écologistes africaines et européennes. C’est en ce sens que les associations Les Amis de la Terre, Survie et l’Observatoire des Multinationales ont publié un rapport en octobre dernier dénonçant ces dangers mais mettant l’accent surtout sur le soutien de la part de l’Etat français à TotalEnergies. Ces mêmes organisations associées à d’autres ont assigné TotalEnergies devant la justice française face aux violations des droits humains et les atteintes à l’environnement dans un projet pétrolier en Ouganda, mais la justice civile a estimé qu’elle était incompétente et a renvoyé le dossier vers les tribunaux de commerce. Même l’ONU a interpellé Total sur ce dossier ce qui, a sa façon, montre l’inquiétude qui existe.
Nous allons revenir ici justement sur certains des éléments mis en avant par le rapport afin d’exposer à quel point la logique capitaliste, accentuée par un contexte international dominé par des puissances impérialistes, est incompatible avec la protection de l’environnement et accentue les souffrances, l’oppression et l’exploitation des populations les plus fragiles.
Impact du projet sur la nature et les populations locales
L’une des premières choses à mettre en avant quant à la question de l’impact de ces projets sur l’environnement c’est comment l’extraction de pétrole elle-même, son transport à travers un pipeline pharaonique et les infrastructures qui les accompagnent vont affecter la faune et la flore d’une vaste zone. En ce sens nous pouvons lire dans le rapport : « aussi bien dans la zone d’extraction pétrolière que sur le tracé de l’oléoduc EACOP se situent des réserves naturelles à l’importance critique, qui abritent des espèces animales menacées, dont le parc national de Murchison Falls (où se trouvent des éléphants, des girafes, des lions, des rhinocéros, des buffles, des léopards et des hippopotames), les réserves forestières de Taala et de Bugoma (où vivent d’importantes populations de chimpanzés), puis en Tanzanie la réserve de Biharamulo (lions, buffles, élans, impalas, hippopotames, girafes, zèbres, colobes rouges), la steppe de Wembere (une zone humide accueillant des oiseaux migrateurs) et plusieurs habitats pour les éléphants ». Par conséquent, on peut déjà dire que rien que l’installation de ces infrastructures aura des conséquences sur la vie et l’habitat de ces espèces, pouvant même compromettre leur survie et reproduction.
Mais cela n’est pas tout. Alors que les dirigeants gouvernementaux et des multinationales du monde entier, dont TotalEnergies, multiplient les déclarations et discours sur l’importance de la protection du climat et donc de la réduction de l’utilisation de combustibles fossiles comme le pétrole, le projet de la multinationale française va au contraire augmenter la production pétrolière. En effet, Total en Ouganda pourrait exporter jusqu’à 200 000 barils de brut par jour et son partenaire chinois jusqu’à 40 000 barils par jour. Pour citer le rapport : « l’extraction et l’utilisation du pétrole ougandais représenteront des quantités massives de
CO2 supplémentaires rejetées dans l’atmosphère : le projet EACOP va provoquer des émissions indirectes de 34,3 millions de tonnes de CO2 par an, soit bien davantage que les émissions combinées annuelles de l’Ouganda et de la Tanzanie ». Comme on le verra plus tard, cela montre à quel point les discours de Total (et des autres majors pétroliers) sur leur compromis avec la lutte contre le dérèglement climatique et le passage à des énergies « vertes » ne relèvent que du greenwashin et d’un discours hypocrite. Autrement dit, Total a pu changer de nom pour feindre être une entreprise écologiquement plus responsable, mais elle continue à être cette multinationale prête à tout pour maximiser ses profits : « ces gisements sont relativement peu coûteux à exploiter, à moins de 11 dollars du baril – contrairement à beaucoup d’autres projets pétroliers et gaziers menés ailleurs dans le monde par le groupe français. C’est d’ailleurs sans doute pourquoi ce dernier s’y accroche contre vents et marées ».
Un autre danger qui inquiète grandement les habitants des zones concernées est celui des accidents tels que les fuites de brut. « Le lac Albert et le lac Victoria, que l’oléoduc EACOP va longer sur plusieurs dizaines de kilomètres, sont situés en amont du bassin versant du Nil blanc. Une marée noire ou une fuite de brut – dont on sait bien qu’elles représentent un risque réel, et ce d’autant plus que le pipeline traversera des zones d’activité sismique – pourraient faire sentir ses conséquences en aval sur des centaines de kilomètres », explique le rapport. Rappelons que le lac Albert est le second plus grand lac de l’Ouganda et qu’il représente 30% de la pêche du pays. Des milliers de pêcheurs ougandais et congolais dépendent du lac pour vivre. On estime qu’au lac Albert 50 000 pêcheurs pêchent plus de 100 000 tonnes de poisson par an, qui servent à alimenter 1,6 millions de personnes. Cependant, ces dernières années les pêcheurs déclarent que les quantités de poisson ont diminué. L’augmentation du nombre de pêcheurs et de la demande ainsi que la pêche illégale peuvent sans aucun doute expliquer ce phénomène, mais certains pointent un autre élément : « Harrison Kasaija, un pêcheur sur le site de débarquement de Kaiso, craint qu’un déversement de pétrole n’entraîne la mort massive de la vie aquatique, entraînant une perte de nourriture et de revenus pour la communauté. Selon Kasaija, la communauté de pêcheurs pense que les activités pétrolières près du lac ont chassé les poissons », peut-on lire dans le site Info Nile, qui a dédié un long reportage à la question en février dernier.
Cependant l’importance du lac Albert va bien au-delà de la seule question de la pêche. Il est en effet fondamental pour les ressources en eau de la région étant donné qu’il fait partie du Nil Blanc qui alimente en eau des millions de personnes dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Est. Et ici également, le seul danger pour les moyens de subsistance des populations n’est pas une éventuelle marée noire mais aussi l’accès même à l’eau. Ainsi une habitante déclarait à Info Nile : « Avec l’installation centrale de traitement [qui traitera le pétrole extrait par Total], nous soupçonnons que la zone sera désormais clôturée et l’accès limité. Cela affectera notre accès au Nil pour l’eau, en particulier pour nos animaux. Les prochains points d’accès à l’eau sont loin ».
L’alliance de Total avec le régime de Museveni
Une autre conséquence sociale et politique de ce projet de TotalEnergies est inévitablement le renforcement du régime en place. Ainsi, total est non seulement en train de mettre en danger les moyens de subsistance des classes populaires locales mais aussi de renforcer un régime dictatorial : « le président ougandais Yoweri Museveni, arrivé au pouvoir par les armes il y a plus de 35 ans, est l’un des plus anciens autocrates d’Afrique en exercice. En janvier 2021, il a été réélu pour un sixième mandat de cinq ans, après que la Constitution a été modifiée pour supprimer la limite d’âge de 75 ans auparavant en vigueur. Il a officiellement obtenu 58,6 % des suffrages, contre 34,8 % pour son opposant Bobi Wine. Celui-ci, qui a immédiatement dénoncé des fraudes électorales, a été placé sous surveillance à son domicile pendant une douzaine de jours au moment de l’annonce des résultats. La campagne électorale a été marquée par des manifestations meurtrières, des disparitions, ainsi que des coupures d’internet et des réseaux sociaux (…) Cette alliance étroite nouée de fait entre Total et le régime ougandais se traduit aussi sur le plan sécuritaire. Le gouvernement a dépêché de nouvelles troupes à la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC) pour protéger les régions pétrolières contre les groupes rebelles comme l’ADF. Il a créé une police pétrolière pour gérer la sécurité dans la zone, dont beaucoup de résidents se plaignent qu’elle agit au service des intérêts de Total (…) Récemment, le gouvernement a décidé de suspendre plusieurs dizaines d’ONG ougandaises, dont AFIEGO, une des associations partie au recours [devant la justice] en France, qui agit aux côtés des populations des régions pétrolières et les aide à défendre leurs droits à la terre », explique le rapport des trois ONGs.
Ce n’est évidemment pas la première fois que la multinationale française travaille étroitement avec des régimes répressifs, dictatoriaux ou corrompus. C’est, pour ainsi dire, une marque de fabrique de TotalEnergies. Mais dans le cas particulier de l’Ouganda cela se traduit aussi par la répression et une forme d’escroquerie des petits paysans et des habitants des zones touchées par les projets pétroliers. Ainsi, « selon les chiffres de Total, les terres de plus de 100 000 personnes sont affectées par des expropriations pour faire place nette à l’exploitation pétrolière et à l’oléoduc EACOP ». Les habitants se plaignent en effet de subir de l’intimidation par des agents pour qu’ils signent les papiers permettant leur expropriation, et dénoncent aussi des montants d’indemnité sous-évalués et parfois encore impayés. Certains sont interdits de cultiver leurs terres, même s’ils n’ont pas encore reçu la compensation financière correspondante pour pouvoir acheter un autre terrain où cultiver. En ce sens, Info Nile écrit : « les habitants de Buliisa touchés par les projets de construction crient au scandale. « Tout d’abord, les taux d’indemnisation sont trop bas pour nos parcelles de terre », explique William Bamuturaki, une personne affectée par le projet. Il fait référence à 3,5 millions de shillings ougandais par acre de terre, ce qui équivaut à environ 970 USD. « Cet argent ne peut pas nous permettre d’obtenir un autre terrain de la même taille dans les zones voisines ou dans d’autres districts », explique-t-il à InfoNile (…) Maxwell Atuhura, de Navigators of Development Association (NAVODA), une ONG travaillant dans la région, dit que des problèmes tels que la faible évaluation des terres, l’évaluation des cultures incertaine, les paiements d’indemnisation retardés, l’intimidation des résidents, l’empêchement des gens d’utiliser leurs terres avant l’indemnisation, et d’autres graves violations des droits de l’homme doivent être combattues ».
De cette façon non seulement Total permet à un régime dictatorial de trouver des sources de financement et de se maintenir au pouvoir, mais elle bénéficie aussi de la répression et de la « paix sociale » que ce régime lui assure pour mener à bien ses projets.
Les moyens d’influence de Total
Cependant Total ne s’acoquine pas seulement avec des régimes autoritaires. En effet, la multinationale a toute une gamme de ressource pour « séduire » les autorités des pays « démocratiques » et les institutions internationales mais aussi pour soigner son image auprès de l’opinion publique des différents pays. Et c’est l’un des aspects sur lesquels le rapport des ONGs écologistes et anti-Françafrique s’arrête assez longuement.
L’un de ces moyens déployés par Total pour influencer les gouvernements et les institutions en France et au niveau international est évidemment le lobbying. C’est un moyen traditionnel des multinationales, pour lequel elles dépensent des sommes assez impressionnantes : « il existe désormais en France un répertoire des représentants d’intérêts qui permet de faire très partiellement la lumière sur les dépenses et activités de lobbying d’un groupe comme Total. Cependant, les obligations déclaratives restent très parcellaires et ne fournissent qu’une image incomplète. Pour l’année 2020, Total déclare – à travers six filiales – des dépenses de lobbying d’entre 510 000 € et 875 000 € en France, parmi les plus hautes du registre. À Bruxelles, Total déclare des dépenses de lobbying d’entre 2 000 000 € et 2 250 000 € pour 2020 ». Et ce lobbying a lieu à tous les étages de l’édifice étatique et institutionnel, du pouvoir législatif au pouvoir exécutif en passant par les structures et institutions « techniques » intermédiaires.
Liées au lobbying mais destiné aussi au grand public, on trouve les campagnes de publicité et de communication. Celles-ci mettent particulièrement l’accent sur les actions soi-disant écologiques de la multinationale. Ainsi, « l’utilisation de la communication à des fins d’influence relève de ce que l’on appelle le blanchiment d’image ou « greenwashing » – elle passe par la publicité mais aussi par la mise en avant de certaines actions d’ordre philanthropique, le soutien à des petits projets « écologiques » censés contrebalancer ou compenser les activités moins vertueuses du groupe, ou encore la présentation tendancieuse de certaines pratiques ou de certains produits (le gaz, les agrocarburants, etc.) comme « propres » ».
Ce mécanisme n’est pas exclusif à Total mais à toute la classe capitaliste et il joue un rôle central dans la légitimation idéologique, l’hégémonie de la bourgeoisie et son système. Frédéric Engels dans L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat l’expliquait de la façon suivante : « comme le fondement de la civilisation est l’exploitation d’une classe par une autre classe, tout son développement se meut dans une contradiction permanente. Chaque progrès de la production marque en même temps un recul dans la situation de la classe opprimée, c’est-à-dire de la grande majorité. Ce qui est pour les uns un bienfait est nécessairement un mal pour les autres, chaque libération nouvelle de l’une des classes est une oppression nouvelle pour une autre classe. L’introduction du machinisme, dont les effets sont universellement connus aujourd’hui, en fournit la preuve la plus frappante. (…) Mais cela ne doit pas être. Ce qui est bon pour la classe dominante doit être bon pour toute la société avec laquelle s’identifie la classe dominante. Donc, plus la civilisation progresse, plus elle est obligée de couvrir avec le manteau de la charité les maux qu’elle a nécessairement engendrés, de les farder ou de les nier, bref, d’instituer une hypocrisie conventionnelle que ne connaissaient ni les formes de société antérieures, ni même les premiers stades de la civilisation, et qui culmine finalement dans l’affirmation suivante : l’exploitation de la classe opprimée serait pratiquée par la classe exploitante uniquement dans l’intérêt même de la classe exploitée ; et si cette dernière n’en convient pas, si elle va même jusqu’à se rebeller, c’est la plus noire des ingratitudes envers ses bienfaiteurs, ses exploiteurs ».
Total use et abuse de cette vieille technique de la classe dominante sous le capitalisme mais elle va plus loin. Ces actions n’ont pas seulement un objectif de légitimer le système dans sa globalité mais plus spécifiquement, et avant tout, la multinationale elle-même : « Ces contributions financières lui permettent d’asseoir sa respectabilité ainsi que de s’afficher en compagnie de personnalités connues et appréciées du grand public, tout en créant des opportunités d’accès direct aux leaders politiques dans un cadre informel. Total a par exemple financé plusieurs grandes expositions de prestige, inaugurées en grande pompe, au Louvre ou au Musée du Quai Branly à Paris en lien avec ses projets pétroliers ou gaziers en Russie ou en Afrique. De la même manière, soucieux de ne pas voir son nom associé à la destruction de la biodiversité et à la disparition d’espèces menacées à cause de projets comme ceux menés en Ouganda, le groupe a proposé récemment un partenariat financier... à l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ».
Finalement, un élément sur lequel les auteurs du rapport insistent particulièrement est celui des « portes tournantes » ou « pantouflage ». Autrement dit, les « échanges » de personnel entre les conseils d’administration des grandes entreprises et banques du secteur privé et les institutions étatiques et gouvernements. C’est précisément à travers ces mécanismes informels que les grandes entreprises influencent directement les décisions gouvernementales, mesures prises et lois votées en leur propre faveur ou en faveur de la classe capitaliste dans son ensemble. Et en même temps cela explicite ce que veut dire un « Etat capitaliste » dans tous ses pores et institutions, et non seulement par son personnel dirigeant dans les sommets de l’Etat et le gouvernement. Dans le rapport on trouve énormément d’exemples cités mais ici on en évoquera un très symbolique et parlant : « le PDG de Total Patrick Pouyanné lui-même en fournit un bon exemple, puisque, issu de Polytechnique et du corps des Mines, il a travaillé au ministère de l’Industrie et dans plusieurs cabinets ministériels avant de rejoindre le groupe pétrolier. Ces allers-retours entre secteur public et secteur privé sont devenus beaucoup plus fréquents et se font désormais dans les deux sens. On les retrouve aussi bien au plus haut niveau de décision que dans les échelons inférieurs des hiérarchies. Ils font désormais partie de la carrière « normale » des élites politiques et économiques formées dans les mêmes grandes écoles ».
Cette relation de « promiscuité » entre le personnel dirigeant des grandes multinationales et les cabinets ministériels avait déjà été signalé comme l’une des caractéristiques du capitalisme dans sa phase impérialiste par Lénine au début du XXe siècle. Lénine citait l’économiste allemand Otto Jeidels : « l’union personnelle des banques et de l’industrie est complétée par l’"union personnelle" des unes et des autres avec le gouvernement. "Des postes aux conseils de surveillance, écrit Jeidels, sont librement offerts à des personnages de grand renom, de même qu’à d’anciens fonctionnaires de l’État qui peuvent faciliter (!!) Considérablement les relations avec les autorités..." "On trouve généralement au conseil de surveillance d’une grande banque un membre du Parlement ou un membre de la municipalité de Berlin" ».
Une tradition de l’Etat français : soutien aux multinationales françaises
De cette façon nous pouvons comprendre beaucoup plus aisément le soutien dont jouit Total (et les autres multinationales françaises) de la part de l’Etat français, indépendamment de la couleur du gouvernement au pouvoir. Et cela au-delà de la nocivité des projets portés par celles-ci ou de leur secteur activité, comme on le voit avec Total mais aussi l’industrie de l’armement française qui est totalement dépendante de l’action de l’Etat pour décrocher des contrats. Parallèlement, certaines entreprises sont des piliers de l’impérialisme français dans son ensemble et permettent d’ouvrir le marché de tout un pays ou région à d’autres multinationales. C’est le cas de Total. Celle-ci joue souvent un rôle de fer de lance pour élargir l’influence et la « réputation » de la France dans tel ou tel pays permettant à l’impérialisme français d’arriver à de nouvelles régions ou de renforcer ses positions là où il possède déjà une certaine présence diplomatique et/ou militaire. Autrement dit, il est souvent très difficile de démêler les intérêts de ces multinationales et ceux de l’Etat français, parfois ils confluent totalement.
En ce sens on lit dans le rapport concernant le projet de Total en Ouganda : « le soutien apporté par Emmanuel Macron aux multinationales françaises s’inscrit dans une tradition bien établie qui voit les présidents de la République se faire accompagner de grands patrons dans leurs visites officielles à l’étranger et annoncer à ces occasions la signature de nouveaux contrats pour leurs entreprises. Dernier exemple en date : une semaine à peine après la visite d’Emmanuel Macron en Irak, Total annonçait un investissement de 27 milliards d’euros dans le pays pour y exploiter du pétrole, du gaz et des unités solaires ». Et ce soutien de Macron à Total n’est pas anodin ni un détail, notamment dans le contexte où la multinationale avait été lâchée par plusieurs banques et institutions de financement en avril dernier. Bien que pour l’instant il soit difficile de le confirmer, pour compenser cette perte de financeurs, l’Etat français peut aller jusqu’à proposer des garanties publiques aux projets de Total en Ouganda. Ainsi, selon les auteurs du rapports « la perspective d’une garantie publique a bien été évoquée au printemps 2021 entre Total et l’État français, y compris à travers une conversation directe entre Emmanuel Macron et Patrick Pouyanné ».
Enfin, en termes de soutien de l’Etat français à ses multinationales nous devons évoquer le rôle de certaines institutions comme l’Alliance française et plus encore des ambassades françaises. « L’ambassade de France en Ouganda joue un rôle clé pour défendre les intérêts de Total sur le terrain. À Kampala, l’ambassadeur Aniambossou affiche sa proximité avec le groupe pétrolier. Fin août, il organisait une véritable cérémonie de départ pour Pierre Jessua, Directeur général de Total Ouganda, appelé à être remplacé par Philippe Groueix. Jules-Armand Aniambossou est également intervenu dans de nombreux événements et conférences du secteur pétrolier, où il a réaffirmé l’engagement de la France à soutenir cette industrie et vanté la « stabilité » de l’Ouganda (…) Il a été associé aux visites officielles de Patrick Pouyanné pour rencontrer les dirigeants ougandais. Il a aussi présidé à de multiples événements de « réseautage » à travers par exemple le « club d’affaires de Kampala », visant à promouvoir les groupes français présents dans le pays, au premier rang desquels Total », lit-on dans le rapport.
La protection de l’environnement et de la vie sur terre est incompatible avec le capitalisme
Nous avons exposé tout au long de cet article en nous appuyant sur le rapport des ONGs qui suivent ce dossier depuis le début à quel point le projet de TotalEnergies en Ouganda est dangereux pour la nature et les habitants concernés par lui. Les données du terrain ainsi que les témoignages prédisent encore plus de souffrances pour les paysans, pêcheurs et autres populations de toute la région ; elles prédisent aussi d’énormes catastrophes environnementales. Nous avons vu également à quel point, malgré tout cela, Total compte sur le soutien ouvert et sans complexe du gouvernement et de l’Etat français. Et ce soutien étatique est dans l’ADN de l’impérialisme français. La catastrophe sociale que ces projets sont en train de provoquer pourraient aussi produire des phénomènes sociaux déstabilisants, comme on est en train de le voir au Mozambique, où Total aussi possède d’énormes investissements et où s’est développée une insurrection islamiste. Rappelons qu’une partie des combattants islamistes sont issus des populations de pêcheurs et de mineurs informels qui ont été privés de leurs moyens de subsistance à la suite de l’installation de multinationales dans la région.
Tout cela montre à quel point la logique et « rationalité » capitalistes, basées sur la recherche du profit à tout prix, est incompatible avec toute lutte sérieuse pour préserver l’environnement, pour lutter contre les dérèglements climatiques et encore plus contre les souffrances et l’exploitation des travailleurs et travailleuses. Les gouvernements impérialistes comme celui d’Emmanuel Macron en France peuvent dire autant qu’ils voudront à propos de l’importance de préserver la planète, cela ne relève en fin de compte que de campagnes de greenwashing et de tentatives d’instaurer une sorte de « capitalisme vert » dont les mesures écologiques restent totalement soumises aux logiques de gains économiques. L’exemple de Total et l’Etat français est pratiquement un cas d’école en ce sens.
En effet, tant que les multinationales comme Total resteront entre les mains des capitalistes, avec tous leurs liens avec leurs gouvernants, la vie sur terre continuera à être en danger. Il faut donc changer complètement de logiciel : les multinationales telles Total doivent être expropriées et mises sous contrôle et gestion de leurs travailleurs et travailleuses qui, en alliance avec la classe ouvrière et les populations des pays concernés par les projets de la multinationale, pourraient trouver des solutions sur la production d’énergie compatible avec l’environnement et respectueuse des populations. La destruction de l’environnement ne peut jamais représenter un quelconque progrès social. Et cela est une logique totalement contraire à la logique capitaliste. La seule manière de transformer ces majors de la production énergétique en véritables acteurs de la transition énergétique revient donc au contrôle et à la gestion des travailleurs sous une autre logique : celle de mettre les nécessités de l’humanité et de la nature au centre de la production. Une logique profondément anticapitaliste et socialiste.