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Le POI et la tendance Claire appellent à voter Mélenchon, le POID s’apprête-t-il à voter Mélenchon ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le candidat à l'élection présidentielle pour le Parti des Travailleurs, Daniel Gluckstein (à gauche), s'entretient avec le dirigeant historique de son parti, Pierre Boussel-Lambert, le 05 avril 2002 à Paris, lors d'un meeting de campagne
Nous savions que dès le 24 octobre 2018 le POI (Parti Ouvrier Indépendant)1 avait déclaré que « la candidature de Mélenchon incarn[ait] la rupture avec le système ». Si les mots ont un sens, cela signifie-t-il que Mélenchon est aujourd’hui sur une ligne anticapitaliste et qu’il peut rassembler un front sur cette orientation ? Alors qu’une partie de la base militante qui a soutenu Mélenchon entre l’élection de 2012 et celle de 2017 condamne le passage d’une position réformiste de gauche au populisme, le POI écrit une phrase lourde de signification politique :
« Un pouvoir qui décide de faire diversion en mettant en scène par tous les moyens le combat de son champion, le président Macron, contre le prétendu populisme… »
Il écarte d’emblée la question du populisme… Entre le Front de Gauche et la création de la France Insoumise, autrement dit de l’abandon de la création d’un parti qui rassemble à gauche du social-libéralisme on passe à « l’état gazeux » de la France Insoumise : Mélenchon adopte un positionnement qui est celui du guide face au peuple, « les corps intermédiaires » étant accessoires. C’est purement et simplement une adaptation à la survie de ce régime.
Le POI récidive le 23 octobre 20212 :
« Dans un contexte d’extraordinaire fragilité politique, de décomposition des institutions de la Ve République, la candidature de Mélenchon incarne d’ores et déjà la rupture avec le système, avec les politiques menées par tous les gouvernements successifs de la Ve République »
La tendance Claire du NPA, courant du parti qui présente Philippe Poutou, tout en appelant à voter Mélenchon, met un bémol à la clé, en soulignant « les impasses réformistes de son programme », mais considère que c’est un point d’appui. La tendance Claire toutefois raisonne dans le même logiciel que le POI. Mélenchon est un « réformiste », ses positions n’ont aucune chance d’aboutir en régime capitaliste, donc on le pousse à gauche.
Restait le POID…
Dans les éditoriaux précédents de la Tribune des Travailleurs, nous avions souligné que le POID s’est toujours prononcé depuis sa rupture avec le POI pour une Assemblée Nationale Constituante. Il l’a rappelé récemment depuis octobre 2021 à l’approche de la campagne présidentielle. On ne peut bien sûr que s’en féliciter.
Les positions de Jean Luc Mélenchon sur cette question, du moins celles qui étaient les siennes avant le tournant populiste et la campagne de 2017, étaient les suivantes : d’abord vous m’élisez président de la République, ensuite je vous donnerai une assemblée constituante et une VIème République. C’est ce qu’on appelle une constituante octroyée par celui qui aura été élu nouveau Bonaparte et dans laquelle les forces combattantes de notre classe sociale n’interviennent pas politiquement. Pourtant depuis la crise des Gilets jaunes, la lutte pour la défense des retraites, la défense des droits sociaux, les manifestations de masse au cœur de l’été, les multiples combats dans les entreprises aujourd’hui pour les salaires, le moins que l’on puisse dire c’est que la classe ouvrière intervient concrètement sur le terrain de la lutte des classes.
Supposons un instant que Mélenchon soit élu
président : dans le carcan de la Vème république, il n’aura pas le pouvoir d’appliquer sa politique, même si d’aventure il le veut réellement. Cette constitution a été pensée justement pour interdire une vraie démocratie sociale et politique. Et même si cette constituante pouvait procéder ainsi de la baguette magique d’un président-Bonaparte, elle ne serait pas souveraine, car elle n’implique en rien la classe salariale pour qu’elle devienne classe politique par la démocratie la plus large : collectifs locaux pour une Constituante, Assemblées populaires, diverses formes d’auto-organisation… Pour se débarrasser du régime de Macron, et donc des institutions issues du coup d’État à froid de 1958, il faut ôter toute légitimité à ce qui va sortir des urnes en avril-mai 2022. Donc il faut construire les outils pour que notre classe reprenne confiance dans l’action politique pour elle-même et non qu’elle confie ses destinées à un nouveau Bonaparte.
Dans l’Éditorial TT Numéro 312, la direction du POID écrit ceci :
« Quiconque est réellement partisan de la démocratie doit dire sa détermination à restituer le pouvoir au peuple, balayer cette Constitution, abroger cette parodie de République présidée par un roi sans couronne et convoquer immédiatement l’élection d’une Assemblée constituante. »
Mais qui restitue le pouvoir au peuple ? L’éditorialiste ajoute :
« Le premier pas vers la démocratie, c’est l’abrogation de l’élection du président de la République au suffrage universel et l’obligation pour le président élu de remettre ses pouvoirs à l’Assemblée constituante composée des représentants du peuple élus, mandatés et révocables. »
Toutefois, pour que le président élu remette ses pouvoirs à une éventuelle assemblée constituante encore faut-il qu’il vienne d’un courant hostile au régime du « coup d’Etat permanent », à laquelle les majorités de gauche se sont pliées depuis 1981. Autrement dit, le bon président qui accepte de remettre ses pouvoirs ne nous ramène-t-il pas à la position de la constituante octroyée de Mélenchon ?
Nous en étions là de l’analyse de la position du POID quand arrive l’éditorial du 8 décembre, « Pour la rupture en actes ! » préparant un meeting le 22 janvier sur la ligne : les 600 milliards pris dans la poche des travailleurs sous le régime de Macron doivent nous être restitués. L’éditorialiste ajoute :
« Le Parti ouvrier indépendant démocratique ne partage pas le programme de l’Union populaire. Cependant, l’objectif affiché par Mélenchon de passer « d’une société dominée par l’argent, l’exploitation des êtres humains entre eux » à « une autre société que nous ne savons pas nommer à cet instant […] mais qui, par la planification écologique, par la règle verte, par la réduction du temps de travail est forcément une autre société » mérite une attention sérieuse…
… Les propositions de l’Union populaire – du moins pour celles qui vont dans le sens du progrès social – ont-elles une chance d’aboutir dans le strict respect de la propriété privée des moyens de production ?»
Cette position se résume en fait à la proposition suivante : si Mélenchon se prononce pour restituer ce qui a été volé par le régime haï de Macron, alors le vote s’imposera de lui-même. Charge à notre classe de pousser à gauche pour la satisfaction des revendications :
« …c’est dire aujourd’hui publiquement, nettement et clairement, l’urgence de restituer les 600 milliards au peuple travailleur, d’interdire les licenciements et d’utiliser les capitaux ainsi confisqués pour rétablir le contrôle de la nation souveraine sur son industrie, garantir le maintien de tous les emplois, embaucher dans les hôpitaux, les écoles et les services publics. »
Quant à l’éditorial du 15 décembre « L’Espoir » il n’est qu’un pétard mouillé qui avance la perspective d’une grève générale, d’où jaillirait bien sûr une assemblée Constituante. C’est vrai que le fossé entre l’état d’esprit de notre classe et les sommets des partis « de gauche » n’a jamais été aussi profond. Ajoutons que la décomposition touche encore plus profondément la France Insoumise que les partis traditionnels.
Nul doute que Mélenchon va faire des promesses électorales : l’effondrement de son mouvement dont il porte l’entière responsabilité, le porte à chercher des alliés sur sa gauche. Il n’a plus aujourd’hui de cadres politiques pour faire une bonne campagne : en liquidant le Parti de Gauche après 2012 et en créant « l’état gazeux » de la France Insoumise, il s’est coupé des hommes et des femmes qui voyaient en lui une alternative possible contre le social-libéralisme. En 2017, il a fait une campagne de division et de type nationaliste au son de la Marseillaise et du drapeau bleu-blanc-rouge. Grosse différence avec 2012 où nous chantions l’Internationale sous le drapeau rouge et qui plus une campagne qui s’engage dans la rue le 18 mars 2012, jour anniversaire de la Commune. D’ailleurs j’ai souvenir que le POID ne l’avait pas soutenu en 2017, à juste titre !
Voter Mélenchon aujourd’hui, ce n’est pas rendre service à notre classe : chasser Macron et son régime haï, boycotter l’élection présidentielle et ouvrir la perspective d’une Constituante sont les trois volets d’une même orientation. C’est parce que nous pensons que c’est avec notre classe qu’il faut le faire, qu’APLUTSOC est solidaire d’un appel pour un Boycott Constituant de l’élection présidentielle. C’est la tâche immédiate qui s’impose.
RD, le 16-12-2021.
1 http://partiouvrierindependant-poi.fr/index.php/2018/10/
2. http://partiouvrierindependant-poi.fr/index.php/2021/10/23/declaration-bn-poi-23-oct-2021/