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Les retraités au pouvoir selon Bernard Friot ?

Friot

Lien publiée le 6 mars 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Les retraités au pouvoir selon Bernard Friot ? - CONTRETEMPS

Alors qu’est engagé un mouvement social radicalement hostile au projet de contre-réforme des retraites porté par le gouvernement, l’économiste-sociologue Bernard Friot publie un petit livre de débat et de combat Prenons le pouvoir sur nos retraites (La Dispute, 2023). Jean-Marie Harribey en discute les principales thèses dans ce texte.

On connaît l’auteur qui trace, livre après livre et intervention publique après intervention, un sillon iconoclaste à rebours tant des visions dominantes sur la protection sociale et le travail que de celles à l’honneur dans les différentes composantes du mouvement social et des syndicats. Sa proposition phare est celle de salaire à vie fondé sur la qualification personnelle. Elle prend appui sur ce qu’il appelle le « déjà là communiste » instauré après-guerre lors de l’invention de la Sécurité sociale qui, selon lui, pose les germes d’un travail soustrait à l’obligation de valoriser le capital.

Appliquer cette démarche à la question des retraites, tel est l’objectif de Bernard Friot depuis longtemps, et c’est d’ailleurs sur cette question que nous avions commencé avec lui il y a près de trente ans une discussion à la fois théorique et politique qui ne s’est jamais arrêtée[1]. Le cœur de cette discussion porte sur le concept de travail productif de valeur qui ne peut être réduit à la sphère du capital parce qu’il existe un espace de services monétaires non marchands échappant à la logique du capital[2]. Au-delà de ce diagnostic, la discussion est rouverte.

Un livre nouveau

Ce nouveau livre de Bernard Friot est découpé en trois parties. La première est construite autour d’un dialogue imaginaire entre « une femme consciente de certains effets négatifs de la réforme engagée par le président Macron » (p. 19) et l’auteur qui va lui dévoiler les dessous du régime par points que voulait instaurer Macron en 2019. Mais comme le caractère fictif de ce dialogue est flagrant, puisque Bernard Friot pose les questions, qu’il met dans la bouche de sa partenaire imaginaire, et donne les réponses, ce dialogue n’est pas très convaincant. Pour approfondir, l’auteur reprend tous les thèmes esquissés en échangeant avec sa partenaire fictive dans les deux parties suivantes du livre.

La deuxième partie du livre est centrée sur la cause fondamentale des défaites subies par le mouvement social lors de toutes les réformes passées des retraites. Après avoir poursuivi quelques instants le dialogue pré-cité avec la « jeune femme consciente » mais imaginée très naïve, l’auteur révèle le secret des défaites sociales : ne pas avoir compris la différence entre salaire continué et salaire différé. La troisième partie se déduit de ce diagnostic : il s’agit de proposer que la liberté conquise par les retraités soit étendue à tous les travailleurs actifs qui pourraient alors exercer leur pouvoir sur le travail à accomplir.

Inflexion de la thèse Bernard Friot ?

La réflexion de Bernard Friot prolonge dans ce livre ses travaux antérieurs et en même temps leur fait subir une évolution en apparence subtile et discrète mais en réalité assez grande. La trame essentielle que l’auteur tissait depuis ses premiers livres est que les retraités travaillaient, qu’ils produisaient la valeur de la pension qu’ils recevaient et qu’en aucune façon il ne fallait voir la retraite comme l’expression d’une solidarité entre générations via un transfert social entre actifs et inactifs au sens de la statistique habituelle de ces deux notions.

Nous avons dit en son temps quelle était la principale impasse logique de cette thèse : par définition, l’activité libre de chaque retraité ne reçoit aucune validation sociale et n’engendre donc aucune valeur au sens économique, bien que cette activité soit source d’une valeur d’usage indéniable pour la société[3]. Cette nécessité de valider socialement le travail pour qu’il soit productif de valeur est conforme à l’enseignement de Marx dont pourtant se revendique Bernard Friot, mais qu’il ignorait totalement en affirmant que le pensionné produisait sa pension.

Mais ce qu’il y a d’intéressant dans ce nouveau livre, c’est que Bernard Friot fait prendre subrepticement un virage subtil à sa théorie. Plus encore, il s’agit d’un virage à 180°. Auparavant, dans l’esprit de Bernard Friot, le retraité travaillait et produisait donc la valeur de sa pension. Maintenant, l’auteur explique que, comme le retraité perçoit un « salaire » qu’il dit « continué », c’est qu’il travaille. Le raisonnement est donc complètement retourné.

De ce retournement qui n’apparaît que progressivement résultent des affirmations sur la nature des institutions de la protection sociale et leurs représentations.

Les retraités travaillent-ils ?

Ainsi, Bernard Friot écrit :

« la question vitale est la suivante : les retraités sont-ils des travailleurs titulaires d’un salaire et en capacité de décider du travail qu’ils font, ou sont-ils d’anciens travailleurs retrouvant dans leur pension le différé de leurs cotisations et libérés du travail ? La réponse, non moins vitale, de la bourgeoisie capitaliste est évidemment que les retraités sont d’anciens travailleurs. Le drame est que c’est aussi la réponse de leurs opposants. » (p. 15).

Il s’ensuit un embrouillamini sur la relation entre cotisation et pension. Bernard Friot accuse les syndicats et tous les opposants aux réformes de se référer à la notion de salaire différé, alors que la majorité d’entre eux parlent non pas de différé mais de salaire socialisé. Et Bernard Friot lui-même est réticent vis-à-vis du salaire socialisé (p. 37), auquel il préfère la notion de salaire continué, à partir de « la pension comme continuation d’un salaire de référence » (p. 16).

Or, d’une part, notre système de pension, financé par des cotisations fonction du niveau de salaire, est largement contributif, et c’est d’ailleurs l’un de ses points faibles car il répercute les inégalités de salaires, voire les aggrave dans le cas des femmes. Et on comprend mal comment Bernard Friot ne voit « aucune prise en compte des cotisations » (p. 25). D’autre part, seconde faille interne au raisonnement, tout en magnifiant la cotisation sociale, Bernard Friot lui fait perdre le sens de solidarité qui unit les générations, qu’il récuse en bloc.

On voit bien alors le tête-à-queue permanent au sein de la thèse défendue par Bernard Friot. Ou bien les cotisations sont la marque « communiste » de notre système de retraite et alors pourquoi dénoncer la solidarité intergénérationnelle qui en est le substrat et qu’il présente comme « l’idéologie des patrons » (p. 23) qui ont promu l’Agirc-Arrco ? Ou bien la pension est le « salaire » du retraité productif et alors à quoi servent les cotisations ?

Une autre idée importante figure dans le livre de Bernard Friot : « la retraite n’est pas la fin du travail, c’est un levier formidable pour conquérir le pouvoir sur le travail » (p. 18). On se dit qu’il doit faire allusion au « travail » libre que font à son sens les retraités. Mais ce n’est pas certain, car au moment de définir la place des retraités dans la société, il suppose que

« les retraités puissent travailler dans toutes les entreprises et les services publics et que soient ainsi mis en présence féconde des travailleurs soumis au préalable de l’emploi et des travailleurs qui en sont libérés » (p. 98).

Donc, si l’on comprend bien : la proposition est de partir à la retraite à 50 ans (p. 99), mais tout le monde travaille jusqu’à la mort. Enfin… presque :

« Et évidemment, comme ils seront titulaires de leur salaire, ces nouveaux retraités gagneront en possibilité de changer de métier ou d’entreprise, de se former et de prendre le temps de l’errance ou d’un tour du monde. » (p. 100).

Le surfeur de Malibu, cher aux partisans du revenu d’existence, n’est pas loin. En prenant le contre-pied de la présentation traditionnelle qui fait du travail l’acte fondateur permettant la distribution des salaires comme une part de la valeur ajoutée nette, Bernard Friot fait du salaire un préalable à la production (p. 94 et 97).

Admettons cela comme un parallèle disruptif avec les avances en capital dans le système capitaliste. Mais, si c’est vrai, le cycle doit être conclu par la présentation face aux salaires de biens et services en conséquence. Or, Bernard Friot postule que chacun pourra dorénavant se livrer à des occupations librement, sans passer par la case validation sociale. Donc le bouclage du circuit ne pourra pas s’opérer macroéconomiquement. Bernard Friot s’insurge quand on lui dit que sa thèse rejoint par ce côté celle en faveur du revenu d’existence, mais c’est le point névralgique de pure économie politique commun aux deux thèses, même si les projets de société sous-jacents à l’une et à l’autre sont radicalement différents.

Retour à la valeur

On va revenir alors à cette lancinante question de la valeur à l’occasion d’une discussion menée par Bernard Friot sur le bénévolat dans un paragraphe au titre grandiose « Splendeur et misère du bénévolat » (p. 84-93).

« La classe dirigeante mène une lutte sans merci pour que la pension ne soit pas du salaire et pour que les activités des retraités ne soient pas du travail. » (p. 85).

Il s’ensuit une confusion sur les bénévoles dont il dit :

« bien des bénévoles sont mieux payés que les salariés du milieu associatif, mais c’est nié puisque l’idéologie capitaliste du salaire, massivement intériorisée, prétend que dès lors qu’ils ne sont pas « payés pour faire ce qu’ils font » dans l’association, ils ne le sont pas » (p. 87).

Bernard Friot croit déceler une contradiction chez l’adversaire, mais il reproduit la même dans l’autre sens : comme on le disait plus haut, pour lui, parce que la pension serait du salaire, le pensionné serait un salarié productif. Notre hypothèse est que Bernard Friot ne distingue pas les activités marchandes et les activités non monétaires ou simplement non marchandes, bien qu’il soit obligé de concéder que « la comptabilité des associations évalue l’apport en nature des bénévoles » (p. 89).

Cela l’entraîne dans des préconisations surprenantes où les salariés (les vrais) et les bénévoles devraient être tous payés par « une instance de socialisation du salaire à l’échelle interprofessionnelle » (p. 89). On ne s’étendra pas sur le fait que des bénévoles qui seraient « payés » ne seraient pas des bénévoles. On ne s’étendra pas non plus sur le fait que Bernard Friot ne considère pas le rejet de la capitalisation comme important, alors que l’engouement pour l’épargne retraite est en train de monter depuis la loi Pacte (280 milliards d’euros d’encours pour l’épargne retraite, auxquels s’ajoutent 1 842 milliards d’encours d’assurance vie), légitimée par des voix académiques et pas seulement par des représentants des fonds de pension[4].

Au fond, la thèse de Bernard Friot est que la liberté du retraité doit servir de modèle transposable à l’ensemble des travailleurs (les vrais). Mais l’objection fondamentale reste la même que celle que nous lui avons toujours présentée : ce n’est pas la liberté qui décerne le statut de producteur de valeur au travail, c’est la validation sociale qui, au sein de la société actuelle et sans doute dans la future désirable, revêt deux formes : celle du marché et celle de la décision politique de faire produire de l’éducation non-marchande, du soin non-marchand, etc.

Le retraité s’adonnant à toutes ses activités qu’il choisit librement n’a aucun compte à rendre à qui que ce soit. Il a droit  – et c’est là le génie de la Sécurité sociale – à sa pension, droit que récuse Bernard Friot pour lui substituer un oxymore : le retraité-travailleur-producteur. Le plus curieux est que ce ne sont plus les travailleurs qui conquièrent des droits pour les retraités, la bataille à mener est que

« le droit au salaire continué des retraités soit le tremplin de la conquête du droit à la qualification personnelle, et donc au salaire, pour tous. Généraliser à tous le conquis de 1946 est d’ailleurs la condition nécessaire si nous ne voulons pas continuer à échouer dans notre opposition à son démantèlement. » (p. 31-32).

Bernard Friot a intégré à juste raison que la réflexion sur le travail mène à celle sur le modèle productif devenu écologiquement insoutenable. Il y revient à de nombreuses reprises. Mais pourquoi laisse-t-il entendre qu’il n’y aurait aucune limite au travail à mobiliser, qui serait donc potentiellement et tendanciellement infini ?

« Le travail […] n’a pas vocation à en rester à une quantité déterminée et limitée exigeant de « travailler moins pour travailler tous » » ? (p. 92).

« Si chaque personne est le support du travail, poursuit-il, la question d’ajuster quantité de travail et démographie n’a pas de sens. » (p. 93).

L’argument classique du patronat est proche : répartir le travail signifierait le considérer comme fixé définitivement et serait malthusien. Celui de Macron pour réformer les retraites, travailler plus pour produire plus, n’est pas loin non plus.

Bernard Friot disqualifie la « valeur travail » dont il fait l’apanage de la bourgeoise, oubliant un point essentiel de Marx : au-delà du caractère exploité, aliéné et dominé du travail, par lui, le travailleur se produit lui-même. Il n’y chez Bernard Friot aucune vision dialectique de l’ambivalence du travail dont la libération est vue comme une « religion capitaliste » (p. 84).

En revanche, Bernard Friot établit une distinction entre, d’un côté, le contrat de travail dont la fonction est de « définir les règles des relations entre le collectif et le travailleur » (p. 94), et, de l’autre, le salaire qui « n’est pas de la responsabilité de l’entreprise » (p. 94). Or, le contrat de travail est un condensé du statut du travailleur prolétaire englobant sa subordination, ses conditions de travail, la durée de celui-ci et son salaire, le tout encadré par la loi et les conventions d’entreprise ou de branche. Certes, cette séparation établie par Bernard Friot concerne la société communiste qu’il entrevoit, mais imaginer que l’organisation et la gestion de la force de travail puissent être dissociées à l’avenir dans ce qu’elles ont de plus concret entre un échelon local ou micro-économique et l’échelon de toute l’économie est-il réaliste et capable d’assurer la maîtrise du travail et le pouvoir sur celui-ci revendiqués par l’auteur ?

D’autre part, Bernard Friot semble évacuer le fait que, le travail, en lui-même, c’est-à-dire indépendamment des rapports sociaux dans lesquels il est mis en œuvre, comporte une dimension d’effort, de fatigue qui n’est pas réductible à la seule catégorie du pouvoir. Ainsi, le travail est toujours une confrontation à la nature, à la machine, au-delà de l’affrontement au capital. Le partage du travail doit prendre en compte cette dimension. C’est aussi cela qui se joue dans la nouvelle bataille contre la énième réforme des retraites.

Afin d’éviter toute méprise et tout malentendu, précisons nettement que ce n’est pas le projet utopique de Bernard Friot qui est gênant. Abolir la subordination du travail au capital, instituer le pouvoir du premier et « en finir »[5] avec celui du second restent des perspectives réalistes pour l’humanité, en plus d’être urgentes au vu de la conjugaison des crises sociale et écologique. Ce qui n’est pas convaincant, c’est l’échafaudage théorique qu’il dresse avec des concepts mal assurés. Mal assurés parce que, le plus souvent, Bernard Friot procède par allers et retours entre son souhait et le réel, entre l’aspect normatif des choses et l’aspect positif, comme si pouvait jouer une grande performativité des énoncés que, avec une persévérance admirable, il applique au réel.

*

Illustration : Photothèque Rouge.

Notes

[1] J.-M. Harribey, « Les retraités créent-ils la valeur monétaire qu’ils perçoivent ?, Remarques sur le livre de Bernard Friot, L’enjeu des retraites », Revue française de socio-économie, n° 6, second semestre 2010, p. 149-156, ; la réponse de B. Friot, « Travailler, est-ce avoir un emploi ou une qualification personnelle ? L’activité des retraités est-elle « utile » ou est-ce « du travail » ? », Revue française de socio-économie, n° 6, second semestre 2010, p. 157-166.

J.-M. Harribey, « Du travail et du salaire en temps de crise, À propos du livre de Bernard Friot, L’enjeu du salaire », Contretemps, avril 2012 ; « Que dit le Réseau Salariat ? », 2017, et « Suite », 2022,  ; « Derrière les retraites, le travail, À propos du livre de Bernard Friot, Le travail, enjeu des retraites », Les Possibles, n° 20, printemps 2019, ; « Le communisme en marche. Sur le dialogue entre Bernard Friot et Frédéric Lordon », Contretemps, 19 janvier 2022. Les Économistes atterrés et La Fondation Copernnic, Faut-il un revenu universel ?(coord. J.-M. Harribey et C. Marty), Éd. de l’Atelier, 2017, encadré p. 84-86.

[2] J.-M. Harribey, La richesse, la valeur et l’inestimable, Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste, Les Liens qui libèrent, 2013 ; « Sur fond de crise socio-écologique du capitalisme, la théorie de la valeur revisitée », Revue française de socio-économie, « Valeur et capitalisme (2/2) », premier semestre 2020, p. 101-120.

[3] Rappelons que, selon nous, c’est la validation sociale liée à la décision politique de faire produire des services monétaires non marchands (enseignement, soin…) qui détermine l’existence d’un travail productif de valeur dans ces services. Au grand dam des libéraux et de certains marxistes traditionnels.

[4] En témoigne la double page du Monde du 16 février 2023 sur la capitalisation, qui commence par une stupidité : « Dans un système par capitalisation, les actifs financent leur propre retraite », alors que l’on s’échine à expliquer que « Répartition ou capitalisation : on ne finance jamais sa propre retraite ». Et les esprits patentés comme les meilleurs recommandent la capitalisation, comme Jacques Attali dans Les Échos du 17 février 2023. Et la palme revient à Patrick Artus dans Le Monde des 19 et 20 février 2023, qui préconise l’introduction « d’une dose de capitalisation ». Une « dose », sans doute comme l’on prend une dose d’héroïne illusoire, avec un argumentaire qui serait indigne de la part d’un candidat au baccalauréat : « L’expérience du passé montre que le rendement de l’argent investi en actions est supérieur à la croissance nominale moyenne de l’économie : la rentabilité totale des actions sur la période 1995-2022, malgré les crises financières répétées, a été en France de 9,5 %, la croissance nominale moyenne de seulement 3 %. » Peut-on illustrer de meilleure façon la captation de valeur par les rentiers ? Et interpréterait-on différemment celui qui passerait sa vie à « errer autour du monde » ? Pour un complément sur la capitalisation, voir J.-M. Harribey, « Dupont et Dupond : vive la capitalisation ! Je dirais même mieux : vive la capitalisation ! », 23 février 2023.

[5] J.-M. Harribey, En finir avec le capitalovirus, L’alternative est possible, Dunod, 2021.