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Au Guatemala, Bernardo Arevalo, le candidat surprise de centre gauche, est élu président
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Ce sociologue de 64 ans a battu l’ancienne première dame Sandra Torres, qui avait le soutien implicite du président sortant, Alejandro Giammattei. Il prendra ses fonctions en janvier 2024.
Le candidat Bernardo Arevalo, au moment de son vote dans un bureau de Guatemala City, le 20 août 2023. JOHAN ORDONEZ / AFP
La surprise est confirmée au Guatemala. Le candidat de centre gauche Bernardo Arevalo a remporté le second tour de l’élection présidentielle, dimanche 20 août, d’après les résultats officiels du Tribunal suprême électoral (TSE).
« Heureusement, nous avons déjà une tendance extrêmement importante », a déclaré Irma Palencia, présidente du TSE, en annonçant que M. Arevalo, objet de tentatives de disqualification pendant la campagne électorale, avait obtenu 59 % des voix après le dépouillement de 95 % des suffrages. Sa rivale, l’ancienne première dame Sandra Torres, en a recueilli 36 %, selon le décompte officiel.
Le nouveau président prendra ses fonctions le 14 janvier 2024. Le président sortant de droite, Alejandro Giammattei, a rapidement réagi sur X (anciennement Twitter), félicitant M. Arevalo et l’invitant « à entamer une transition ordonnée dès le lendemain de l’officialisation des résultats ».
Le scrutin s’est déroulé sans qu’aucun « incident significatif » ne soit signalé dans les quelque 3 500 bureaux de vote du pays, a déclaré le TSE, soulignant sans plus de précisions un « pourcentage historique de participation ».
Symbole d’un nouveau départ
Les deux candidats en lice, Bernardo Arevalo, 64 ans, et Sandra Torres, 67 ans, se réclament tous deux de centre gauche. Le premier incarne les espoirs de changement, notamment chez les jeunes, qui représentent 16 % des 9,4 millions d’inscrits, alors que sa rivale était considérée comme la représentante de l’establishment.
En deux mois, Bernardo Arevalo est passé du statut de quasi-inconnu à celui de président. Qualifié à la surprise générale lors du premier tour, il se veut le symbole d’un nouveau départ dans un pays profondément inégalitaire.
« Nous avons été les victimes, les proies, de politiciens corrompus pendant des années », a-t-il déclaré mercredi. « Voter, c’est dire clairement que c’est le peuple guatémaltèque qui dirige ce pays, et non les corrompus », a-t-il assuré, alors que, selon les sondages, sa victoire se dessinait de plus en plus nettement. Ce sociologue et ancien diplomate est le fils du premier président démocratiquement élu du pays, Juan José Arevalo (1945-1951), qui a marqué le pays de son empreinte. Il avait notamment mis fin en 1945 à treize années de dictature de Jorge Ubico, un admirateur d’Adolf Hitler qui avait imposé le travail forcé à la population autochtone maya.
Bernardo Arevalo a promis de suivre la voie tracée par son père. « Je ne suis pas mon père, mais je marche sur le même chemin qu’il a construit et nous le ferons ensemble », avait-il déclaré mercredi devant des centaines de partisans rassemblés dans la capitale.
A la tête du parti Unité nationale de l’espoir (UNE), Sandra Torres avait, de son côté, promis des programmes d’aide sociale et diverses subventions pour les pauvres. Cependant, elle avait gagné le soutien de la droite et des évangélistes et multiplié les discours conservateurs. L’ancienne épouse de l’ex-président de gauche Alvaro Colom (2008-2012) bénéficiait du soutien implicite du président sortant Alejandro Giammattei, dont le mandat a été marqué par la répression contre les magistrats et les journalistes qui dénonçaient la corruption. Elle avait aussi l’appui de la puissante élite économique alliée au gouvernement.
Préoccupations parmi les élites
Mme Torres, plusieurs fois candidate malheureuse à la présidence par le passé, a focalisé sa campagne sur la lutte contre les bandes criminelles et contre la pauvreté, et a multiplié les attaques contre son rival, qu’elle a qualifié d’étranger car né en Uruguay durant l’exil de son père.
« Nous ne pouvons pas permettre que le Guatemala tombe entre les mains de radicaux. Nous ne pouvons pas permettre que le Guatemala devienne un Venezuela ou un Cuba », a déclaré Mme Torres, qui a fait l’objet des mêmes accusations de la part de rivaux de droite lors de ses deux campagnes précédentes. Dans la dernière ligne droite de la campagne, vendredi, elle a même mis en doute la partialité du processus électoral, se disant « préoccupée par toute altération des données » de comptage des voix par les personnes habilitées du TSE.
La spectaculaire percée de Bernardo Arevalo a suscité des préoccupations parmi les élites économiques et politiques du pays, qui le voient comme un danger pour leurs intérêts, et le ministère public a multiplié les procédures à son encontre. Sur avis du parquet, un juge avait ordonné le 12 juillet la suspension de son parti Semilla pour de supposées irrégularités lors de sa création, en 2017. La Cour constitutionnelle avait suspendu cette décision, annulée vendredi par la Cour suprême.
La veille, le procureur Rafael Curruchiche, sanctionné pour « corruption » par Washington, avait annoncé de possibles arrestations à venir de dirigeants de Semilla. Communauté internationale et analystes considèrent les actions du ministère public comme une tentative d’écarter M. Arevalo de l’élection.
Trois décennies après la fin de sa brutale guerre civile, le pays le plus peuplé d’Amérique centrale est enlisé dans la pauvreté, la violence et la corruption, ce qui pousse chaque année des milliers de Guatémaltèques à émigrer