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Lutter pour préserver le droit de résistance des Palestinien·nes

Palestine

Lien publiée le 16 octobre 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Lutter pour préserver le droit de résistance des Palestinien·nes - CONTRETEMPS

À rebours de l’idéologie coloniale qui imprègne la grande majorité du personnel politique et médiatique français, Contretemps se rattache à la tradition anticoloniale de la gauche française des années 1960 et 1970, marquée par l’engagement des militants pour l’Algérie indépendante. Dans le cadre du soutien à la lutte du peuple palestinien, nous proposons à nos lecteurs·rices des textes d’information et de réflexion sur la situation actuelle en Palestine.

Dans cet article, Joseph Daher montre l’incohérence de l’idée promue par les États occidentaux que l’État oppresseur a le droit de « se défendre » contre la population oppriméeCe sont les Palestinien·nes qui ont le droit de résister, affirme Joseph Daher.

L’armée d’occupation israélienne a entamé une nouvelle campagne militaire meurtrière contre les Palestinien-nes dans la bande de Gaza occupée, où vivent quelque 2,3 millions de personnes, et a intensifié les opérations de répression en Cisjordanie occupée. À l’heure où nous écrivons ces lignes (12 octobre 2023), plus de 1 300 Palestinien-nes ont été tués et plusieurs milliers blessé.es dans les attaques aériennes israéliennes sur Gaza et les raids en Cisjordanie. En outre, plus de 339 000 personnes ont fui leur domicile pour trouver refuge pour une grande majorité dans des écoles gérées par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). De même à la date du 11 octobre, plus de 22 000 unités résidentielles, 10 centres de santé et 48 écoles ont été endommagés ou détruits. Les systèmes d’égouts ont été détruits, déversant des eaux usées fétides dans les rues.

Le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a annoncé qu’il avait ordonné un « siège complet » de Gaza, coupant l’accès à la nourriture, à l’électricité, à l’eau et au carburant, tout en ajoutant que « nous [Israël] combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence ». En outre, le ministre israélien de l’Energie, Israël Katz, a également indiqué le 12 octobre que les autorités d’occupations israéliennes n’autoriseront pas l’entrée de produits de première nécessité ou d’aide humanitaire vers la bande Gaza de Gaza occupée tant que le Hamas n’aura pas libéré les personnes kidnappées en Israël, qui sont au nombre d’environ 130. L’État israélien a également massé 300 000 soldats en préparation d’une invasion militaire terrestre de la bande de Gaza occupée.

Cette opération fait suite au lancement de roquettes et à l’incursion terrestre, maritime et aérienne des combattants du Hamas dans les territoires de la Palestine historique de 1948, aujourd’hui considérés comme faisant partie de l’État d’Israël. L’opération militaire du Hamas a fait environ 1 300 morts et des milliers de blessés.

Les puissances occidentales, des États-Unis aux États membres de l’Union européenne, ont condamné l’attaque palestinienne et déclaré le « droit d’Israël à se défendre ». Ces positions officielles donnent un feu vert officiel à Israël pour lancer une nouvelle guerre meurtrière contre les Palestiniens, tandis que les appels à déclarer le Hamas comme organisation terroriste se sont multipliés. 

En effet, selon la logique israélienne et occidentale, c’est l’occupant colonial qui a un droit légitime à l’autodéfense, tandis que les Palestinien-nes colonisés et opprimés sont les agresseurs qui doivent être détruits.

Tout cela s’inscrit dans la longue et continuelle histoire coloniale et impériale des États-Unis et des États européens, qui nient tout droit de résistance aux opprimés et qualifient ceux et celles qui luttent contre les structures coloniales, d’occupation et/ou autoritaires de terroristes qui doivent être violemment écrasés. Ce fut le cas du Front national de libération en Algérie, du Congrès national africain, de l’Armée républicaine irlandaise, de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) avant les accords d’Oslo, du Parti des Travailleurs du Kurdistan, et la liste est encore longue.

C’est notamment le cas de la lutte de libération de la Palestine, et plus particulièrement de la bande de Gaza occupée, qui est une prison à ciel ouvert soumise à un blocus meurtrier depuis plus de 15 ans. La population de Gaza a été confrontée à une succession de guerres terribles menées par l’armée d’occupation israélienne depuis 2008, des milliers de personnes ont été tuées et des destructions considérables ont eu lieu sur l’ensemble du territoire. Les manifestations très largement pacifiques vers la barrière de séparation israélienne organisés par de jeunes manifestants au cours des derniers mois, et avant cela en 2018-19, également connues sous le nom de « Grande marche du retour », ont toutes été violemment réprimées par l’armée d’occupation israélienne, notamment par des tirs à balles réelles, des gaz lacrymogènes, et même des frappes aériennes. De nombreuses personnes ont été tuées, et des blessés parmi les manifestants désignés comme terroristes.

Dans ce contexte, les injonctions des gouvernements occidentaux et des grands médias à condamner les actions du Hamas ne devraient pas être une surprise, mais sont, malheureusement, dans l’ordre des choses vu les dynamiques des alliances politiques avec l’État d’Israël. Toujours dans cette logique, les appels des principales élites politiques occidentales se sont multipliés et intensifiés pour condamner toute personne ne soutenant pas Israël en tant que suspecte de sympathie pour le terrorisme. Cette offensive politico-médiatique cherche également à amalgamer lutte contre l’antisionisme et l’État d’Israel comme une forme d’antisémitisme pour permettre des possibles menaces de poursuites judiciaires et de dissolution des organisations et associations, au motif « d’apologie du terrorisme ».

Les militant.e.s pour la libération et l’émancipation du peuple palestinien doivent rappeler le droit de résistance des opprimé.e.s face à un régime d’apartheid et de colonisation. En effet, comme toute autre population confrontée aux mêmes menaces, les Palestiniens ont ce droit, y compris par des moyens militaires. Bien entendu, il ne faut pas confondre cela avec un soutien aux perspectives et orientations politiques des différents partis politiques palestiniens, y compris le Hamas, ni avec toutes sortes d’actions militaires menées par ces acteurs, pouvant notamment mener au meurtre de manière indiscriminée de nombreux civils[i]. Mais, encore une fois, la critique des stratégies politiques et armées des partis politiques palestiniens ne peut cependant pas se faire au détriment du droit inaliénable à la résistance, à la fois pacifique et armée, face à l’État colonial, raciste et d’apartheid d’Israël.

Pour l’État israélien, la question n’est en effet pas la nature de l’acte de résistance des Palestinien.ne.s, qu’il soit pacifique ou armé, ni même son idéologie, mais le fait que toute contestation des structures d’occupation et de colonisation doit être criminalisée et réprimée. Avant le Hamas et jusqu’à aujourd’hui, les factions de l’OLP, des organisations de gauche au Fatah, les progressistes et démocrates palestinien.ne.s, ainsi que les civils sans idéologie affirmée et claire, ont tous subi la répression israélienne.

Au-delà des frontières de la Palestine occupée, la solidarité avec la lutte palestinienne et le soutien à la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) sont de plus en plus criminalisés dans les États occidentaux. Cela doit être compris dans un objectif plus large de ciblage des politiques progressistes et de gauche, comme nous l’avons vu au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et aux États-Unis, et de tentatives de réduction des droits démocratiques dans ces sociétés.

En outre, il est très important de situer l’attaque armée du Hamas dans le contexte colonial historique de la Palestine. Israël a toujours été un projet colonial de colonisation et, pour établir, maintenir et étendre son territoire, l’État a procédé à un nettoyage ethnique des Palestiniens de leurs terres et de leurs maisons, ce qui a conduit à la Nakba (catastrophe en arabe) pour le peuple palestinien. On estime que plus de 750 000 Palestiniens ont été chassés de force de leurs maisons et sont devenus des réfugiés. Aujourd’hui, il y a plus de 6 millions de réfugiés palestiniens, et ces mêmes politiques et pratiques se poursuivent.

Des groupes comme Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International ont également qualifié l’État israélien de régime d’apartheid.

Compte tenu de la nature totalement réactionnaire d’Israël, l’hégémonie politique de l’extrême droite au cours de la dernière décennie n’est pas surprenante. Elle est en quelque sorte l’aboutissement logique de son ethnonationalisme, de son racisme institutionnel et de plus de 75 ans d’oppression et de dépossession des Palestinien.ne.s.

Plus généralement, la violence utilisée par l’oppresseur pour maintenir ses structures de domination et d’assujettissement ne devrait jamais être comparée ou mise sur le même plan que la violence de l’opprimé qui tente de restaurer sa propre dignité et qui cherche à faire reconnaître son existence.

Nelson Mandela, qui est passé du statut de terroriste à celui de personnalité internationale reconnue et acclamée, avait l’habitude de raconter lors de ses négociations avec le régime d’apartheid sud-africain :

« J’ai répondu que l’État était responsable de la violence et que c’est toujours l’oppresseur, et non l’opprimé, qui dicte la forme de la lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, les opprimés n’ont pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, il s’agissait simplement d’une forme légitime d’autodéfense ».

La nature de l’État israélien et ses politiques ont créé les conditions pour le type d’actions qui se sont déroulées ces derniers jours, comme tout acteur colonial et occupant à travers l’histoire, et non les Palestinien.ne.s.

Aucune solution viable n’est possible tant que les Palestinien.ne.s ne jouissent pas de l’intégralité de leurs droits fondamentaux, y compris la fin de l’occupation, la fin de l’apartheid, la fin de la colonisation et la garantie du droit au retour des réfugiés palestiniens.

Note

[i] Sur cette question cf. notre article du 14 octobre 2012 dans Contretemps [en ligne].