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Julian Assange a permis de révéler l’ampleur du pillage de l’économie française par les USA
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Depuis la prison londonienne de Belmarsh (parfois qualifiée de « Guantanamo britannique »), Julian Assange attend le verdict des autorités judiciaires de Grande-Bretagne. Reclus depuis 2019, il vit sous le risque d’une extradition vers les États-Unis. Tandis que les Nations-Unies alertent sur la « torture » que constitue sa détention, un mouvement citoyen mondial plaide pour sa libération. Depuis plusieurs années, LVSL analyse le cas de ce prisonnier politique occidental. Nous rencontrons John Shipton, le père de Julian Assange et un militant actif de la cessation des poursuites engagées contre lui.
LVSL – Parlons en premier lieu de la situation judiciaire de Julian Assange : pourriez-vous la résumer ? Que pouvez-vous attendre de la justice britannique et des instances internationales ?
John Shipton – Julian a requis une audience en appel. Cette demande est actuellement en cours d’examen par un panel composé de deux juges de la Haute Cour, qui devraient rendre leur décision sous peu. Reste à voir si l’appel sera autorisé ou non.
Ensuite, l’affaire sera portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui examinera le dossier et rendra une décision. Il appartiendra ensuite au Royaume-Uni de prendre en considération cette décision, bien que rien ne l’y contraigne. Quant à l’extradition vers les États-Unis, le gouvernement britannique pourrait choisir de l’effectuer directement. Voilà où nous en sommes.
En ce qui concerne mon avis sur le système judiciaire britannique et l’application de la loi au Royaume-Uni, j’en suis très critique, et je m’attends à rien de moins qu’à de nouvelles distorsions de la procédure légale visant à faciliter la demande américaine [NDLR : l’affaire Assange a été caractérisée par la violation de plusieurs droits de la défense, et de multiples conflits d’intérêts du côté de la justice britannique].
LVSL – Comment expliquez-vous cette attitude de la part du système judiciaire britannique ?
JS – Il est souvent dit, parmi les partisans de Julian Assange, que le Royaume-Uni agit comme un satellite des États-Unis. À mon avis c’est inexact. Il a été établi lors du procès de Nuremberg que lorsque l’on commet un crime, on ne peut se défausser en plaidant l’action sous la contrainte extérieure. On est responsable de ses actes, quel que soit l’instigateur. Cette logique s’applique au Royaume-Uni.
Wikileaks a contribué à révéler que toutes les informations relatives à des contrats signés en France pour des montants supérieurs à 200 millions de dollars ont été transmises en intégralité à la NSA
LVSL – Pensez-vous que la situation pourrait évoluer au sein du pouvoir britannique, notamment si les conservateurs perdent les élections dans quelques mois ? Attendez-vous quelque chose du Parti travailliste, ou estimez-vous qu’un consensus bipartisan prévaudra sur cette question ?
JS – À l’époque où le Service des poursuites de la Couronne conspirait avec les autorités suédoises pour empêcher Julian d’utiliser les accords d’entraide entre la Suède et le Royaume-Uni, le chef du Service des poursuites de la Couronne s’appelait…Keir Starmer. Aujourd’hui, il s’appelle Sir Keir Starmer et dirige le Parti travailliste. Il est tout à fait extraordinaire – persécution de Julian Assange mise à part – de voir un membre de la noblesse à la tête du Parti travailliste britannique.
LVSL – En ce qui concerne les États-Unis, avez-vous constaté une différence d’approche avec l’élection de Joe Biden ? Ou vos relations avec l’administration Biden ont-elles été les mêmes qu’avec la précédente ?
JS – Nous n’avons eu aucun contact avec l’administration Trump. En janvier 2021, nous nous sommes rendus à Washington et à New York, en attendant que la nouvelle administration prenne ses fonctions. Nous avions pris contact avec elle par le biais de la Division des droits de l’homme, qui nous a demandé de patienter jusqu’après l’inauguration pour envisager une rencontre. Après quelques semaines sans nouvelles, nous avons quitté les États-Unis avec la ferme intention d’y revenir, tout en évitant de chercher un contact public. Notre objectif était de mobiliser les soutiens parmi les militants, la classe intellectuelle et les citoyens ordinaires.
LVSL – Récemment, de nombreux responsables australiens ont publiquement soutenu Julian Assange – ce qui a été une surprise, car depuis le début de l’affaire, l’Australie ne s’est pas illustrée par sa promptitude à prendre la défense de son ressortissant. Comment interprétez-vous ces prises de position publiques ?
JS – J’en reviens à mon idée initiale concernant l’importance des citoyens ordinaires. Depuis 2006, nous travaillons en Australie pour les mobiliser. En conséquence, le soutien parmi la population australienne atteint maintenant les 88 %. Ainsi, environ la moitié du corps parlementaire rallie notre cause.
Les parlementaires agissent parfois de manière opportuniste. Lorsqu’ils semblent ne plus pouvoir répondre aux préoccupations de leurs électeurs, ils nous apportent leur soutien, car nous jouissons d’un large appui électoral. Dans l’idéal, en démocratie, le corps parlementaire devrait répondre aux préoccupations de l’électorat et les porter au Parlement. Dans le cas présent, c’est le cas.
LVSL – Pour en revenir aux États-Unis, certains sondages ont également montré que Julian Assange bénéficie d’un soutien public non négligeable. Les autorités américaines n’agissent donc pas sous la pression d’une opinion publique qui lui serait hostile, mais d’intérêts larvés. Avez-vous identifié quels sont-ils ?
JS – Non. Jusqu’à présent, nous n’avons assisté qu’à des efforts visant à extrader Julian au sein des institutions occidentales – que l’on parle du Service de poursuites de la Couronne ou de l’autorité suédoise de poursuite. Nous sommes toujours confrontés à l’opacité des institutions, des comités qui se réunissent, et des membres de ces comités chargés de mener la persécution et la poursuite de Julian. Nous n’avons aucune idée de l’identité de ces intérêts.
LVSL – Dans le contexte géopolitique actuel d’intensification du conflit israélo-palestinien, des documents révélés par Wikileaks ont refait surface sur les réseaux sociaux – notamment un, datant de 2007, qui établit que le chef des services secrets isréaliens se déclarait « heureux » de l’idée d’une victoire du Hamas à Gaza, car cela « permettrait de traiter [la Bande de Gaza] comme un État hostile ». Que diriez-vous de l’utilité d’une organisation comme Wikileaks à la lueur des événements au Proche-Orient ?
JS – WikiLeaks joue un rôle essentiel. Je n’en suis pas membre, je parle comme père de Julian. Je dirais simplement que lorsque je lis que 2,000 enfants ont été tués à Gaza, je ne peux pas en lire davantage [NDLR : cet entretien date du 24 octobre].
LVSL – Vous allez rencontrer des élus français pour leur parler du cas Julian Assange. Quel message aimeriez-vous leur faire passer ?
JS – Tout d’abord, j’aimerais exprimer ma gratitude. Ensuite, je souhaiterais voir une délégation de parlementaires français, issus de divers horizons politiques, se rendre à Washington pour plaider en faveur de la liberté de Julian. Julian a des liens familiaux en France, a vécu dans le Marais durant trois ans.
Une telle démarche serait mutuellement bénéfique à Julian Assange et à la France, car elle permettrait d’interroger le rôle des États-Unis dans la politique française. Il est important de rappeler, par exemple, que Wikileaks a contribué à révéler que toutes les informations relatives à des contrats signés en France pour des montants supérieurs à 200 millions de dollars ont été transmises en intégralité à la National Security Agency (NSA) et distribuées à des concurrents américains – ce qui a favorisé le pillage de l’économie française. Ainsi, tout soutien en vue de constituer une délégation de parlementaires serait bénéfique à Julian et aux gouvernements en France et dans le monde qui soutiennent la publication de documents véridiques.
JS – Lorsque François Hollande était président, il ne s’était trouvé qu’un seul ministre pour plaider en faveur d’un asile pour Julian. Cette demande fut immédiatement rejetée par François Hollande. Je crois me souvenir qu’à cette époque, le surnom de François Hollande renvoyait à quelque chose de flasque [NDLR : « Flamby »]. Il s’est avéré conforme à la réalité.