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Finlande : l’alliance droite/extrême droite contre les droits des travailleurs
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.contretemps.eu/finlande-alliance-droite-extreme-droite-droits-travailleurs/
Le gouvernement finlandais actuel – fruit d’une alliance entre la droite et l’extrême droite – a imposé un projet de réforme du travail en Finlande, visant notamment à empêcher les grèves dites « politiques » (contre des réformes gouvernementales par exemple). Cette réforme a suscité une réaction du mouvement ouvrier finlandais, qui a déclenché des grèves ayant entraîné la fermeture de nombreuses entreprises, en particulier dans le secteur du transport des marchandises et de l’électricité. Cherchant à démanteler le modèle finlandais de négociation collective, le gouvernement de droite a refusé toute négociation.
Si le mouvement social a été défait depuis la publication de cet article, plusieurs leçons peuvent être tirées de cette séquence de la lutte de classe en Finlande : en particulier le type de politique anti-syndicale que l’extrême droite – qui se présente comme représentante des classes populaires – aspire à mettre en oeuvre, mais aussi la nécessité, face à l’intransigeance des gouvernements bourgeois, de trouver les voies d’une élévation du rapport de forces social.
Au cours des deux derniers siècles, la Place du Sénat d’Helsinki a été le symbole du pouvoir universitaire, clérical et gouvernemental en Finlande. Le campus principal de l’Université d’Helsinki se trouve sur le côté ouest, et le Palais du gouvernement, qui abrite le bureau du Premier ministre, sur le côté est. La façade et les dômes verts de la cathédrale d’Helsinki surplombent la place au nord.
Ce 1er février 2024, la Place du Sénat a vu quelque treize mille travailleurs.ses en grève et leurs sympathisant.es se rassembler sous le soleil hivernal de midi, pour protester contre le gouvernement du Premier ministre Petteri Orpo, une coalition de partis de centre-droit et d’extrême-droite. La SAK et la STTK, les plus grandes confédérations syndicales finlandaises, avaient appelé à une journée d’action nationale. Quelque 300 000 travailleurs et travailleuses, des chauffeurs routiers aux électriciens en passant par les enseignant.es des jardins d’enfants et les employé.es de bureau, étaient en grève dans tout le pays.
Un mois et demi plus tard, le bras de fer entre les syndicats et le gouvernement finlandais se poursuit. À la mi-mars, sept mille dockers et travailleurs.ses industriel.les étaient en grève, paralysant les exportations maritimes et certaines importations du pays.
Au-delà des arrêts de travail proprement dits, les tensions se sont aggravées. Les conglomérats forestiers Stora Enso et UPM ont cessé de payer les salaires de leurs employé.es parce que leurs produits ne peuvent être exportés, même s’ils ne sont pas en grève. Les syndicats parlent de lock-out illégal.
Cette action est grave, mais les problèmes le sont tout autant, affirme Turja Lehtonen, vice-président de la Confédération de l’Industrie finlandaise. Avec deux cent mille membres, la Confédération est la plus importante de Finlande. Turja Lehtonen a certainement raison de dire que les enjeux sont extrêmement importants pour le mouvement syndical. D’une certaine manière, les grèves actuelles sont un moment décisif. Si le gouvernement réussit, ses réformes feront basculer l’équilibre des pouvoirs sur le lieu de travail et dans la société, au détriment des travailleur.ses et de leurs représentant.es et au profit des propriétaires d’entreprises et des actionnaires.
Avant le gouvernement actuel, les grèves politiques contre un gouvernement étaient rares en Finlande. Mais les provocations de l’administration actuelle l’ont rendue de plus en plus courante. En effet, le gouvernement actuel, qui a pris ses fonctions en juin dernier, a déjà inspiré plus d’actions syndicales à caractère politique que tous les gouvernements finlandais de 1991 à 2023 réunis. Que se passe-t-il ?
Un virage à droite
Lors des élections générales finlandaises d’avril 2023, les électeurs ont chassé du pouvoir le gouvernement de coalition de centre-gauche de la Première ministre Sanna Marin. Les partis de droite finlandais, à savoir le Parti de la Coalition Nationale (Kokoomus) de centre-droit de Peterri Orpo et le Parti des Finlandais (Perussuomalaiset) de droite radicale de Riikka Purra, ont obtenu ensemble quatre-vingt-quatorze sièges au parlement du pays, qui en compte deux cents.
Le thème qui a dominé la campagne électorale était la dette nationale de la Finlande. La droite a affirmé que le gouvernement Marin avait mal géré les finances du pays et contracté un nombre irresponsable d’emprunts.
S’il est vrai que la dette nationale a augmenté sous le mandat de la gauche, le gouvernement Marin a dû faire face à deux crises d’une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale : la pandémie de COVID-19 et l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie. Ces deux crises ont été des chocs importants pour l’économie nationale et ont nécessité des investissements publics par l’endettement pour maintenir l’économie en état de marche. Néanmoins, la droite a fait valoir que les dépenses étaient hors de contrôle et que des coupes budgétaires drastiques étaient désormais nécessaires pour maintenir la dette à un niveau raisonnable.
Après les élections, les grands partis de droite se sont associés aux chrétiens-démocrates conservateurs, plus petits, et au Parti Populaire Suédois, libéral, pour former un nouveau gouvernement avec une faible majorité de neuf sièges. Le gouvernement a prêté serment le 20 juin 2023, après onze semaines de négociations prolongées.
Lorsque le nouveau gouvernement a annoncé son programme politique, il s’est immédiatement heurté à la résistance de la gauche et des syndicats. Le gouvernement a déclaré qu’il faciliterait le licenciement des employé.es par les patrons (bien que les protections soient déjà inférieures à la norme de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques), qu’il abolirait les indemnités de maladie prévues par la loi pour le premier jour de maladie des travailleurs.ses (encourageant ainsi les malades à venir travailler) et qu’il restreindrait les droits des travailleurs.ses à faire des grèves politiques.
Une autre proposition consiste à transférer davantage de négociations collectives au niveau local, c’est-à-dire au niveau de l’entreprise. Cela signifierait qu’à l’avenir, chaque entreprise pourrait négocier sa propre convention collective, ouvrant ainsi la voie à la fin des négociations collectives sectorielles multi-employeurs. Cette mesure a mis les syndicats à rude épreuve, car elle saperait les conventions collectives nationales.
La Finlande n’a pas de loi sur le salaire minimum, mais les conventions collectives sectorielles et universelles constituent depuis longtemps l’épine dorsale du syndicalisme finlandais. Les conventions collectives universelles garantissent des salaires équitables et des conditions de travail décentes à tous les travailleurs, même si leur propre lieu de travail n’est pas organisé.
En outre, le gouvernement prévoit de légiférer sur un modèle de négociation collective « axé sur l’exportation ». Si elle est mise en œuvre, cette réforme fixera effectivement un plafond pour les augmentations de salaire. Elle favoriserait les travailleurs des entreprises exportatrices, telles que la sylviculture et l’ingénierie mécanique. Le gouvernement de Petteri Orpo et le patronat ont fait valoir que l’économie finlandaise ne pouvait pas supporter des augmentations de salaires plus élevées pour les travailleurs.ses du secteur public par rapport aux industries exportatrices. Le gouvernement affirme également que le modèle axé sur les exportations stimulerait la compétitivité économique.
Le plafonnement des augmentations salariales rendrait pratiquement impossible la négociation collective entre les travailleurs.ses des secteurs des services et des soins, par exemple, pour obtenir de meilleures augmentations salariales que les travailleurs des industries exportatrices.
La Finlande possède également l’un des marchés du travail les plus ségrégués du monde développé : les femmes travaillent de manière disproportionnée dans le secteur des services, tandis que les hommes dominent les industries exportatrices. Les syndicats et les principaux partis d’opposition de gauche ont dénoncé avec force le modèle du gouvernement de plafonnement des augmentations salariales pour les femmes.
Ces politiques, associées à une réduction massive des allocations de chômage et de la sécurité sociale, sont tout droit sorties du livre de recettes des organisations patronales, qui ont généreusement financé les campagnes électorales des partis de droite. Il convient de noter que ces politiques ont reçu très peu d’attention pendant la campagne électorale, et que certaines d’entre elles ont même été directement combattues par le Parti des Finlandais.
Les immigré.es en Finlande sont aujourd’hui confrontés à un double coup dur de la part du gouvernement. Tout d’abord, il rend plus difficile l’entrée dans le pays et l’obtention de la citoyenneté. Deuxièmement, les travailleurs.ses immigré.es qui sont déjà en Finlande vont souffrir davantage que le Finlandais moyen, car ils et elles travaillent de manière disproportionnée dans le secteur des services, où les travailleurs.ses ont tendance à compter davantage sur la sécurité sociale pour compléter leur salaire. Le gouvernement Orpo-Purra prévoit également d’assouplir les règles relatives à la négociation collective, exposant ainsi les travailleurs.ses immigré.es à la surexploitation. Il a en outre l’intention de mettre en place un système de sécurité sociale distinct pour les immigré.es, une proposition incompatible avec la Constitution finlandaise.
Le gouvernement affirme qu’il n’y a pas d’alternative et que ses politiques sont absolument nécessaires pour réduire le déficit du pays et rétablir la compétitivité de l’économie finlandaise. Cependant, il s’agit surtout d’un faux-semblant : les politiques actuellement poursuivies par le gouvernement Orpo-Purra réalisent les rêves de longue date des grandes entreprises finlandaises. Comme l’a souligné l’historienne Maiju Wuokko, la fédération patronale EK défend des politiques similaires depuis des décennies, quel que soit le cycle économique.
Les syndicats à l’écart
Le mouvement syndical finlandais est traditionnellement très fort. Plus de 75 % des personnes qui travaillent ou cherchent un emploi sont membres d’un syndicat. Cela fait du mouvement syndical une force significative dans la société et une voix à entendre lors de l’élaboration de la politique du travail.
Dans le passé, la législation relative au travail était déterminée dans le cadre de négociations tripartites entre les syndicats, le gouvernement et les organisations patronales. Le système tripartite a été mis à mal dans les années 2010, lorsque les organisations patronales l’ont jugé obsolète et s’en sont détachées unilatéralement.
Les grandes entreprises finlandaises espéraient obtenir davantage de résultats en transférant le pouvoir des négociations tripartites aux gouvernements et au parlement. La logique semble avoir été que si les employeurs pouvaient influencer les futurs gouvernements en finançant les campagnes électorales des partis de droite, les entreprises pourraient obtenir des gouvernements de droite des politiques plus favorables qu’elles ne pourraient jamais obtenir par la négociation.
Depuis lors, les gouvernements de droite en Finlande se sont efforcés de priver les syndicats de leur pouvoir politique. En 2015, le précédent gouvernement de droite a introduit le dernier des accords collectifs tripartites, le « pacte de compétitivité ». Il s’est heurté à une résistance généralisée et à d’importantes manifestations en 2015, mais les syndicats ont fini par céder et par signer le pacte. En conséquence, les heures de travail ont été augmentées de vingt-quatre heures par an sans rémunération supplémentaire, et les indemnités de congés payés pour les employés du secteur public ont été réduites de 30 %.
Au parlement, le Parti Social-Démocrate de centre-gauche a soutenu le pacte, tandis que
le Parti Social-Démocrate de centre-gauche a soutenu le pacte, tandis que Les syndicats peuvent-ils gagner ?
le Parti Social-Démocrate de centre-gauche a soutenu le pacte, tandis que
Cet article a d’abord été publié par Jacobin et traduit par Christian Dubucq pour Contretemps.
Toivo Haimi est correspondant politique pour le mensuel finlandais de gauche KU.